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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le Bénin n’a pas d’usine


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« Ce que je sais, c’est qu’il [le Bénin] n’a pas d’usines, qu’il ne produit rien, que son PIB n’arrive même pas à la hauteur de celui de l’État d’Ogun [l’un des trente-six États de la fédération, dont Abeokuta est la capitale]. Mais il fait entrer sur notre territoire des marchandises importées, contrefaites, sans payer de droits de douane. » Ce sont là des propos de l’ancien président du Nigeria, Olusegun Obasanjo dans une interview publiée cette semaine dans le magazine Jeune Afrique. Ce qui n’aura pas plu à beaucoup de partisans du Chef de l’Etat, c’est surtout lorsqu’il a ajouté ceci : « …Si j’étais aux affaires, je le forcerais à faire mieux, car il a fait du Bénin et du Nigeria de véritables dépotoirs. »
Le verbe est haut, le style lapidaire. L’injure est à fleur de peau. Le raccourci, trop visible pour ne pas être relevé. Il y a des vérités dans ces déclarations à l’emporte-pièce du vieil homme. Et la première, c’est que sur le PIB de son Etat, celui dont il est originaire, Ogun state, Obasanjo n’a pas menti. Le PIB d’Ogun State est d’environ 10.470 millions de dollars, celui du Bénin fait 8,58 milliards de dollars.
Deuxième vérité, le Bénin fait effectivement entrer beaucoup de marchandises importées sur le territoire nigérian. Le commerce de réexportation constitue l’un des principaux facteurs de recettes fiscales pour les services de l’Etat. Le commerce des véhicules d’occasion, fut pendant longtemps, une importante source de revenus pour les opérateurs économiques béninois. Mais ce commerce en chute libre, pâtit de la crise économique au Nigeria. Il pâtit également des différentes mesures de redressement prises par ce pays pour répondre à ses propres impératifs.
Les vérités de l’ancien président s’arrêtent là. Dire que le Bénin ne produit rien et qu’il n’a pas d’industrie est exactement un non-sens. Notre pays a bien une industrie, mais pour laquelle le Nigeria constitue une menace. Je m’explique.
Pour protéger son économie, le Nigeria a mis en place aux frontières une stratégie de contrôle de tous les biens importés. Des agents fédéraux assurent ce service et sont présents sur tous les marchés. Il arrive régulièrement que les services douaniers mettent la main sur des chaussures non homologuées, des pneus réputés contrefaits, des lampes électriques non homologuées ainsi qu’une série de biens de consommation. Autrement dit, le filtrage est systématique. C’est une barrière dont les pays de la CEDEAO se plaignent énormément.
Et ils se plaignent pour la simple et bonne raison qu’en dépit de tous les accords de bon voisinage et de libre circulation des biens et des personnes, valables dans le cadre de la CEDEAO, le Nigeria est l’un des rares pays à ne rien respecter. Du moins, il ne respecte les accords que lorsque ceux-ci arrangent. Combien de fois des produits industriels béninois ont été refoulés aux frontières nigérianes, sans que les différentes autorités nigérianes (ou béninoises) ne lèvent le plus petit doigt ? Concentrés de tomates, fer à béton, diverses friandises, eaux minérales…la liste des produits béninois refoulés est longue.
Malheureusement, le Nigeria est un marché obligatoire pour l’industrie béninoise. Pour espérer une quelconque rentabilité, certaines catégories d’industries, notamment celles de l’agro-alimentaire, sont obligées d’atteindre des performances commerciales conséquentes. Avec la taille étriquée de la population béninoise et la faiblesse de son pouvoir d’achat, la carte postale économique dont nous nous vantons pour attirer les investisseurs s’écroule d’elle-même. Ces investisseurs se rendent compte bien vite qu’ils ne peuvent pas vraiment accéder au marché nigérian, du fait des barrières non fiscales mises en place sciemment par Abuja.
Le fait est que pendant ce temps, des dizaines de produits nigérians envahissent le marché béninois. Dépourvu de services efficaces de contrôle des entrées, le Bénin subit. L’industrie béninoise ne saurait résister à une telle concurrence largement déloyale et face à laquelle les autorités béninoises ne montrent jusqu’ici aucun empressement à agir. Résultat, c’est bien le Nigeria qui tue l’industrie béninoise et non pas le contraire.
La solution est de mettre en place des services de contrôle, comme tous les pays du monde, pour contrôler ce qui se déverse sur nos marchés. Bien entendu, la mise en place d’un tel dispositif devrait s’accompagner d’un cadre juridique approprié.
A défaut de cela, les industriels béninois seront toujours invisibles sur l’échiquier national et international, malgré tous les efforts qu’ils consentent. Et il se trouvera d’autres Obasanjo pour dire aux investisseurs intéressés par notre position géographique, que le Bénin est un pays sans industrie.

Olivier ALLOCHEME

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