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Le triomphe de la vérité

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Opinion de Paulin Hounsounou-Tolin: Démocratie béninoise de « changement d’Ali Baba» et de maintien des « 40 voleurs »


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Prof. TOLIN

DEMOCRATIE BENINOISE DE « CHANGEMENT D’ALI BABA» ET DE MAINTIEN DES « 40 VOLEURS » A L’ECOLE DE LA VIEILLE DE SYRACUSE

 

INTRODUCTION

L’avènement du renouveau démocratique au Bénin, depuis 1990, se caractérise, entre autres choses, par l’élection présidentielle, tous les cinq ans, du premier citoyen de la nation, et tous les quatre ans, par celle des représentants du peuple, des Députés. Mais à y regarder de près, on a l’impression de changement « d’Ali BABA et de maintien des 40 voleurs ». Et les différents « Ali BABA » semblant aussi pires les uns que les autres, cela offre un parallélisme avec la prière de longévité qu’avait adressée aux déités la vieille de Syracuse pour Denys le tyran de Syracuse. La justification de l’attitude de cette vieille de Syracuse part elle-même, allant contre la clause de style de ses compatriotes, pourra bien, semble-t-il, nous fournir un cadre de réflexion à propos de l’avenir de notre propre démocratie.

 

 I / LEGENDE D’«ALI BABA » ET DES « 40 VOLEURS »

Plus exactement, « Histoire d’Ali BABA, et des 40 voleurs, exterminés par une esclave ». C’est un conte se déroulant dans une ville perse. Ali BABA était un pauvre bucheron jusqu’au jour où, dans la forêt, il aperçut 40 voleurs à cheval avec des valises pleines d’or et qui par la formule magique « Sésame, ouvre-toi », ouvrirent une grotte dans laquelle ils déposent leurs valises remplies d’or, produits de leurs vols. Par « Sésame, ferme-toi », la grotte se referma.

Ali BABA ayant entendu les deux formules, les utilisa pour entrer et sortir de la grotte en la refermant sans problème. Il parvint ainsi à voler les produits des vols des 40 voleurs. Au départ donc Ali BABA n’était pas synonyme de « Chef d’une bande de 40 voleurs ». Mais quand le conte fera objet d’une opérette, sous le titre Ali-Baba, créé en 1887 à Bruxelles, puis à Paris en1889 et sera adapté en cinéma en 1954 et à la télévision en 2007, l’idée d’ »Ali BABA», « Chef d’une bande de 40 voleurs », commença à circuler. Mais naquit aussi l’expression « Ali BABA est parti, mais les 40 voleurs sont toujours là ». En d’autres termes, le chenapan et le gangster à craindre n’est plus « Ali BABA », mais plutôt la bande des « 40 voleurs » capables de se donner facilement un « nouvel Ali BABA » afin de pouvoir continuer leur sale besogne. Gardons présente à l’esprit cette expression pour la compréhension du dernier paragraphe de ce texte.

 

II / ELECTION PRESIDENTIELLE COMME CHANGEMENT D’« Ali BABA » AUSSI PIRES LES UNS QUE LES AUTRES AU BENIN

Depuis 1990, le Bénin expérimente, après 18 ans de régime militaro-marxiste dictatorial, le régime démocratique. Au début de l’expérience démocratique, c’était l’euphorie générale. Les lendemains qui chantaient non sans raison mais sans cesse. En effet, notre pays venait de passer d’un régime dictatorial de 18 ans à ce qu’on avait appelé le renouveau démocratique, synonyme de bien-être social et d’un Etat de droit, sans effusion de sang. Les nations occidentales et le monde entier voyaient en notre expérience démocratique un modèle à suivre par d’autres Etats. Mais cinq ans seulement après cette euphorie générale, mais évanescente, la seconde élection présidentielle ramène l’ancien dictateur au pouvoir. En 2001, bien que plus ou moins unis, les opposants n’avaient pas pu empêcher la réélection de l’ancien dictateur. En 2006, ils étaient allés à l’élection présidentielle plus ou moins divisés. En 2011, presque tous unis contre le président sortant, ils n’ont pu rien faire face à un K.O. inédit dans notre pays. En se référant au K.O. de 2011 et à la fureur, semble-t-il, que l’on note au niveau du gouvernement actuel, suite à l’échec du projet de révision de notre constitution introduit par l’Etat auprès de l’Assemblée Nationale, il est à craindre le risque de passer du K.O. de 2011, de « changement d’Ali BABA » avec « maintien des 40 voleurs » par le peuple lui-même à l’imposition des « nouveaux Ali BABA » par « Ali BABA sortant » avec la ruse de nouveaux K.O. Et parmi ceux qui adressent ces critiques sévères à « Ali BABA sortant », s’y trouvent toujours et au premier rang les « éternels 40 voleurs » qui l’entouraient et qui retournaient leur veste au gré du vent. Et tous les cinq ans, c’est les mêmes scénarios. C’est de là que m’est venue l’idée du parallélisme entre cette attitude du peuple béninois et celle de la vieille de Syracuse à propos de Denys le tyran de cette cité.

 

 III/ LA VIEILLE DE CYRACUSE ET DENYS LE TYRAN

L’histoire de cette vieille dame se trouve dans les Apophtegmes de Plutarque :

« Tandis que tous les Syracusains faisaient des vœux ardents pour la mort de Denys le tyran à cause de sa cruauté sans limites et des charges insupportables dont il les accablait, seule une très vieille femme priait les dieux chaque matin de conserver la vie du prince et de la prolonger au-delà des siennes. Denys en eut connaissance. Surpris d’une affection à laquelle il n’avait pas droit, il fit venir cette femme et lui demanda le motif de cette prière et par quel bienfait il avait bien pu la mériter. « J’ai, dit-elle, une raison particulière d’agir ainsi. Quand j’étais jeune, nous avions un tyran redoutable et je désirais d’en être débarrassée. Il fut tué ; mais un autre plus terrible encore s’empara de la citadelle. Je regardais encore comme un grand bonheur de voir finir sa domination. Tu es devenu notre troisième maître et nous t’avons trouvé plus odieux que les deux premiers. C’est pourquoi, dans la crainte que, si tu meurs, ton successeur ne soit encore pire, j’offre ma vie aux dieux pour ta conservation…

Comme chacun peut le constater, la crainte de la vieille de Syracuse est bien légitime. Si à la fin du mandat du premier magistrat de la nation, on trouve toujours que celui-ci est pire que ses prédécesseurs, il y a bien lieu de se demander ce qui se passe réellement. On peut se demander si progressivement l’on ne tend pas vers la dictature à visage découvert. Dans ces conditions, l’attitude de la vieille de Syracuse ne pourrait-elle pas nous servir de leçon et nous amener à une réflexion plus approfondie à propos de l’avenir de notre démocratie ?

 

IV / DIFFERENCE ENTRE LES « 40 VOLEURS » BENINOIS ET CEUX DE LA « CAVERNE D’ALI BABA »

Pour donner un seul exemple de la scène politique au Bénin, il suffit de prendre le budget de l’exercice 2016-2017 voté par notre Assemblée Nationale. Notre gouvernement actuel a à sa tête l’un des Africains ayant le mieux réussi en matière d’affaires dans le secteur privé. Il est entouré de deux des meilleurs cadres techniques béninois et qui avaient tous deux manifesté le désir de diriger ce pays. A cela s’ajoute l’un des jeunes cadres universitaires les plus en vue de notre pays. Je ne pense pas qu’un président de la République au Bénin puisse être mieux entouré. Notre Assemblée Nationale est dirigée par l’un des avocats les plus brillants de notre pays. Il a déjà été président de notre Assemblée Nationale deux fois déjà. Il en est donc à sa troisième expérience. Au cours de sa première expérience, au début de l’avènement du renouveau démocratique où le premier président démocratiquement élu avait connu une vraie opposition responsable et digne de nom, notre actuel président de l’Assemblée Nationale avait inventé la fameuse formule « Majorité à géométrie variable ». Cette formule, bien qu’étant étudiant en année de licence, je l’avais comprise dans le sens de « si les projets soumis à l’appréciation de l’auguste Assemblée visaient l’intérêt général du peuple », le président de la République aura la majorité nécessaire pour les soutenir en vue de leur réalisation. Dans le cas contraire, cette « Majorité à géométrie variable » s’y opposera sans vergogne. Notre Assemblée actuelle a en son sein trois anciens présidents de la même institution. Au total, ils sont donc quatre anciens présidents et qui se réclament, tous, de la « Mouvance gouvernementale », à en juger par leurs déclarations.

Et pourtant le premier budget de notre « nouvel Ali BABA », qui s’élève à plus de 2 000 milliards de francs CFA, a été voté à l’unanimité. Mais quelques mois après, ce budget aurait été corrigé et ramené à mille milliards et quelques seulement, à peu près au même niveau que celui du gouvernement précédent. Le président actuel, candidat, disait cependant, (ayant été témoin lors de sa rencontre avec les enseignants à Sheraton Hôtel), que notre budget tourne autour de sept à huit cents milliards de nos francs que l’aide extérieure complète à environ mille milliards. On peut donc dire que la Majorité de l’Assemblée actuelle est à « géométrie invariable ». La vérité est que nos dirigeants n’ont rien de commun avec les « 40 voleurs » d’Ali BABA vrai. L’expression « Ali BABA est parti, mais les 40 voleurs sont toujours là » est le cri de crainte des gens hors de la « caverne d’Ali BABA ». Les « 40 voleurs » vont voler ailleurs pour s’enrichir et enrichir les leurs. En tout cas, ils ne volent pas les leurs, de toute façon. Mais nos « 40 voleurs » de chez nous pillent le pays sans scrupule. Ces « 40 voleurs » sont toujours les mêmes acteurs politiques, qui par leur soutien au « nouvel Ali BABA » bénéficient de l’impunité et tournent leur veste au gré du vent. Et tout se passe chez nous comme si vous soutenez le « nouvel Ali BABA », vous ne serez jamais poursuivi pour vos crimes envers la nation. Cela justifie peut-être la désaffection de la chose politique par certains de nos concitoyens qui ne vont plus voter, parce qu’estimant que nos acteurs politiques sont aussi pires les uns que les autres. Et un tel raisonnement nous offre un parallélisme avec l’attitude de la vieille de Syracuse envers Denys le tyran.

 

CONCLUSION

Ce qu’il convient de retenir comme leçon de l’attitude de la vieille de Syracuse, est la justification qu’elle donne elle-même de son attitude. Si l’on « chasse » un dictateur pour s’en donner un autre pire que le précédent, à quoi servirait alors de vouloir passer soi-même de « Charybde à Scylla » ? C’est sa légitime préoccupation !

 

Paulin HOUNSOUNON-TOLIN, Professeur titulaire des universités

Email : paulintolin@gmail.com

 

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