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Le triomphe de la vérité

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Souleyman Amzat au sujet de la création de la police républicaine au Bénin : « L’idée du Chef de l’Etat ne devrait pas aller à la fusion »


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Après la remise, le 18 Juillet 2017, au Président Patrice Talon, du rapport de la commission chargée de mener des réflexions sur la fusion de la gendarmerie et de la police nationales, on s’achemine vers la création d’une force unique de sécurité intérieure dénommée « Police républicaine » au Bénin. Une ambition du gouvernement qui continue de susciter des réactions et des commentaires dans le rang des anciennes gloires de la gendarmerie et de la police. M. Souleyman Amzat est Consultant et Conseiller international en problématique du terrorisme, Spécialiste des questions sécuritaires, formé au sein des forces spéciales libyennes. Il est également le Directeur de l’agence « Protecteur international » spécialiste de la protection des personnalités à haut risque. Il était sur l’émission « Entretien du jour » de la Télévision Sikka TV pour parler de cette réforme du président Patrice Talon et de ses implications. Au chef de l’Etat, il propose l’arrêt de cette mesure, le diagnostic des maux qui minent les deux corps et une large concertation avec tous les grands hommes des questions de sécurité pour arriver à un consensus. Lisez plutôt !

Sikka TV : Bonjour Monsieur Souleyman. Comment est-ce que vous appréciez cette mesure prise par le gouvernement de mettre en place une force unique de sécurité intérieure qui apparaît comme une fusion de la gendarmerie et de la police nationales?

M. Souleyman AMZAT : Je voudrais d’entrée dire que l’idée du chef de l’Etat de créer une force pour parer à toute éventualité, en termes d’attentat et de sécurisation interne, n’est pas mauvaise. C’est une très bonne idée mais il faut qu’on dise un certain nombre de choses au chef de l’Etat ; qu’on lui dise la vérité. Fusionner la gendarmerie et la police, c’est extrêmement dangereux.

En quoi est-ce dangereux ?
La police est un corps paramilitaire avec une déontologie sans une autre pareille et elle reste la police. Elle a une formation, une déontologie et une méthode d’action. Et en son sein, elle a des unités d’interventions comme la Bac, le Raid, la BPLP et l’unité de sécurisation des frontières (USF). On ne peut pas fusionner cette force là avec une autre nommée la gendarmerie qui est un corps paramilitaire et dont le comportement va vers l’action un peu plus brutale que celle de la police, une action militaire quand vous prenez par exemple, le GIGN. Je disais tantôt que c’est dangereux parce que ça va créer un amalgame. Le président Talon a pris les rênes du pouvoir, il y a un an et quelques mois. On a connu une première réforme constitutionnelle qui a échoué, ne le poussez pas à tomber dans une deuxième réforme qui est chaude. C’est un monsieur qui est plein de talents. Il faut donc revoir ça, d’abord. Je proposerais qu’il diagnostique les maux qui sont liés à la police et à la gendarmerie. J’ai entendu dire, il y a trois jours sur l’ORTB, que les forces ne s’entendent pas. Mais pourquoi elles ne s’entendent pas ? Qui a fait quoi et comment est-ce que c’est connu ? Il faut chercher à savoir s’il y a eu des frustrations au niveau de la police et de la gendarmerie et qui ont conduit à ces genres de désaccord, il faut qu’il y ait un diagnostic.

Alors, lorsqu’il ira vers cette fusion, est-ce que cela ne va pas rendre l’ensemble plus efficace ?
Moi, je ne suis pas même dans l’idée de la fusion. C’est dangereux et c’est grave. Je vous parle en tant qu’Expert. Faites une Vox Populi confidentielle au niveau des hommes en uniforme si cela vous est autorisé, posez-leur des questions et vous entendrez leur réponse. Ce n’est pas possible! L’idée du chef de l’Etat est bonne mais ça ne devrait pas aller dans le sens de la fusion.

Ça devrait aller dans quel sens, selon vous ?
Ça devrait aller plutôt dans le sens du diagnostic. Il faut diagnostiquer. Qu’est-ce qui s’est passé pendant les dix ans du régime précédent ? Parce que c’est là qu’il y a eu beaucoup de problèmes. C’est là qu’on a vu des militaires dire « si vous vous essayez… ». C’est là qu’on a vu des militaires frapper des policiers et des policiers frapper des militaires.

Mais est-ce que cette commission n’a pas fait ce diagnostic avant de proposer la fusion des deux corps ?
Je ne pense pas. Si le diagnostic était vrai, il se peut que je me trompe, on n’irait jamais vers une fusion. La fusion n’est pas la solution au problème. La fusion de ces deux corps, c’est un serpent à mille têtes. Le président Talon a dit, si je m’en tiens à ses déclarations, qu’il a cinq ans à faire et il a ajouté qu’il avisera au bout des cinq ans. Admettons même qu’il fasse dix ans, je m’adresse à ceux qui sont des commandants pelotons, commandants compagnies et autres qui sont des chefs de corps, vous pensez que quand vous prenez la tête d’une force comme celle-là, vous maîtrisez tous les contours et tous les paramètres ? Il faut des années pour y arriver. On a parlé d’une force et elle doit avoir en son sein des gens qui sont dans l’action, qui sont dans le feu de l’action et il faut se connaître. Une équipe qui gagne, on ne la change pas. Et parlant d’une équipe qui gagne, j’aimerais revenir sur ce qui se fait depuis un an et je dis bravo au président de la république pour l’instauration et les moyens qu’il a mis à la disposition des forces et je dis bravo au Ministre de l’intérieur et à tous ceux qui sont sur le terrain, en l’occurrence, le directeur général de la gendarmerie nationale, le directeur général de la police nationale et les hommes qu’ils coiffent. Est-ce que vous pouvez me dire que vous ne circulez pas plus tranquillement que par le passé ? Aujourd’hui, est-ce que nos mamans ne vont pas à Dantokpa tranquillement ? Cette équipe est une équipe qui gagne. Mais pourquoi vous voulez aller vers une fusion ? Une fusion pour faire quoi ? Quand vous serez partis, que deviendrait cette force ?

Selon vous, si la solution n’est pas au niveau de la création de cette force unique de sécurité nationale, où se trouve alors la réponse à une sécurité efficace des Béninois ?
Le Soleil ne s’est jamais levé à l’Ouest pour aller se coucher à l’Est. On reste dans le cadre réglementaire de ce qui a été fait jusque-là. Que le président continue de donner les moyens qu’il faut, et je lui demande de faire un audit au niveau de ces différents corps. Souvenez-vous, sans frustrer quelqu’un, on a vu des gens qui ont été bombardés à des grades donnés alors qu’ils avaient à côté d’eux des gens qui méritaient ces grades. Il faut qu’on crève l’abcès. Au Bénin, on n’en a pas l’habitude. Cette fois-ci, il faut que le président Talon prenne sur lui, comme il le fait, le courage de crever l’abcès, d’aller chercher ce qui ne va pas et d’y trouver la solution. Il ne sert à rien de créer une autre force. S’il veut aller sur le terrain de la création d’une autre force, il y a d’autres choses plus intelligentes qu’il peut faire.

Comme quoi par exemple ?
Le Raid qui est une unité qui fait tout ce qu’il veut, le renseignement, avoir des troupes opérationnelles avec des moyens d’actions excellents. Vous avez vu qu’en France, on a même changé les fusils d’attaque des unités ; elles sont passés du Famas à HKJT36. C’est une question de réflexion. Ne poussons pas le président Talon à l’erreur. C’est un bon président ; Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il fait les choses comme il peut. Si je suis président, je ferai aussi les choses à ma manière, mais il faut aussi qu’il y ait des gens autour de moi qui aient le courage de dire : « Monsieur le Président, on n’est pas dans la bonne direction, Monsieur le Président, On s’est trompé. »

Toujours est-il qu’il est prévu dans ce rapport qui a été déposé au chef de l’Etat que cette force unique sera opérationnelle dès Janvier 2018. Ce délai pour mettre en place cette force, comment vous le voyez ?
C’est précipité. Rien de bon et de concret ne peut se faire dans ce délai. J’ai une courte expérience et une expérience de l’extérieur de ce dont je vous parle. Je vous donne un exemple, l’unité antiterroriste, au Libéria, qui a été créée dans le cadre de la sécurisation du territoire au niveau interne, cette unité a vite fait de se transformer en Garde républicaine. Je sais de quoi je parle et ceux qui en savent quelque chose me comprennent. On ne crée pas une force à tout hasard. Ne faites pas ça, c’est dangereux. Si vous créez cette force, elle sera mise aux mains de qui ? On a déjà vu des forces qui ont été créées et confiées à des éléments et qui se sont retournées contre leur géniteur. Faites attention. Si la force est régalienne comme toutes les unités d’intervention de la police et le GIGN au niveau de la gendarmerie, il faut qu’on reste dans ce cadre-là. Il ne faut pas sortir de là. On n’invente pas la route. Nous savons le président Talon très intelligent, il doit prendre sur lui, le courage d’éviter ça.

S’il vous était donné l’opportunité de parler au Chef de l’Etat, que lui diriez-vous ?
Je vous assure, je lui demanderais de mettre un terme d’abord à la fusion. Il faut qu’il arrête ça, qu’il diagnostique les maux qui minent les deux unités et qui ont fait qu’elles ne se sont pas entendues pendant des années. Il verra clair dans ce qui se passe. Et qu’il ait le sens de l’écoute au sens le plus large, qu’il convoque tous les anciens commandants du corps et tous ceux qui ont eu à charge la sécurité, qu’ils soient ministres, commandants de corps et commandants d’unité et qu’il les écoute de manière large pour aller vers un consensus. Surtout, que rien ne se fasse dans la précipitation, les grandes œuvres se réalisent dans le silence. Je vous remercie.

Transcription :
Germin DJIMIDO

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