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Le triomphe de la vérité

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Le Président de la Coalition de la Rupture, Alexandre Hountondji « SOUS L’ARBRE À PALABRES », AU SIÈGE DE L’ÉVÉNEMENT PRÉCIS: Des révélations sur la coalition de la rupture, Yayi et Talon


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Les personnalités se bousculent aux portes de l’émission phare « Sous l’Arbre à Palabre » de votre journal L’Evénement Précis. Le mardi 25 avril 2017, c’est un mastodonte de la classe politique béninoise, Dr Alexandre Hountondji, Président de la Coalition de la Rupture, coalition qui a porté au pouvoir le candidat Patrice Athanase Guillaume Talon, ancien Ministre, ancien député et candidat malheureux à la présidentielle de 2016, qui s’est prêté à l’exercice. Dr Alexandre Hountondji a saisi l’occasion de sa visite au journal pour faire le tour d’horizon de l’actualité sociopolitique nationale. De l’an 1 de gouvernance du régime de la rupture jusqu’à l’échec de la révision de la constitution, en passant par les frasques du gouvernement Talon, aucun détail n’a échappé à l’invité n°102 de l’émission. Face aux journalistes, qui ont eu du mal à l’arrêter parfois, l’ancien candidat à la présidentielle de mars 2016 et membre fondateur des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), Dr Alexandre Hountondji, explique à nouveau sa décision de tourner dos à son ami et ancien Président de la République, Dr Boni Yayi, avant de donner des détails sur l’ambiance actuelle qui règne au sein de la coalition de la rupture, en passant par la distance qui existe aujourd’hui entre le Président Talon et les membres de cette coalition, au projet de révision de la constitution dont l’échec était prévisibles, à ses propos. Frustré et très mal à l’aise de la gouvernance individuelle du pouvoir en place, l’invité exprime son amertume d’assumer encore la responsabilité de l’échec du régime de la rupture. « Si le président Talon échoue, c’est que quelque part, j’ai encore échoué. C’est une affaire de responsabilité ». Conscient des énormes sacrifices consentis pour l’avènement du régime en place, Dr Alexandre Hountondji convie le Président Patrice Talon à cultiver l’esprit d’écoute et à travailler avec les acteurs de la coalition de la rupture pour une meilleure gouvernance au sommet de l’Etat. Lisez plutôt.

Et si on en parlait

Comment se porte le mouvement politique dénommé « La Nouvelle Marche » que vous avez créé en 2015?
Je crois que « La Nouvelle Marche » se porte assez bien. Mais ce n’était qu’un mouvement créé pour un objectif précis. Cet objectif a été atteint. Moi, je suis président d’un parti que j’ai créé depuis 1996 qu’on appelle « L’Union pour la Nation UPN » mais qui très vite, est entré en alliance d’abord avec l’UBF pour soutenir le président Mathieu Kérékou puis avec les Forces Cauris pour un Bénin émergent (FCBE),  en l’occurrence au sein de l’alliance Convergence Cauris pour le Changement (A.C.C.) dont j’étais le président. C’est pour dire que mon premier outil de travail politique, c’est l’Union pour la Nation (UPN). Mais nous avons été appelés très tôt à participer à des plateformes politiques et dans ce cadre, nous avons dû collaborer avec plusieurs autres partis politiques. Mais « La Nouvelle Marche » est née dans la lutte contre certaines dérives que nous avions constatées et dénoncées et qui étaient devenues manifestes pour tout le monde.
Pour nous, ce n’est pas parce qu’on est nommé à un poste politique important, qu’il faut jouer au faux semblant et s’accommoder de tout. Non ! Le Bénin d’abord! Voilà notre leitmotiv; car nous devons tout à notre pays et nous ne sommes rien sans notre pays et notre peuple. C’est pour cela et d’autres choses que, nous ne pouvions pas hésiter à prendre la position qui a été la nôtre à un moment donné de notre collaboration avec le Président Boni YAYI.

Ce qui a surpris tout le monde, c’est que Dr Alexandre Hountondji, un ami de vieille date de Boni Yayi, se lève un jour pour être contre son ami.
Nous sommes amis pour construire ensemble notre pays mais pas pour former une association de malfaiteurs. Je l’ai dit dans la déclaration du 27 Septembre 2015.

Nous ne sommes pas amis pour causer des préjudices à notre pays. Et en mes grades et qualités, je ne pouvais plus participer à un mouvement devenu autoritaire, dirigé contre ses initiateurs et dont la nouvelle orientation prônait ouvertement la « dictature du développement» et ouvrait la voie à la recolonisation de notre pays par des artifices politiciens parfaitement méprisables. C’est convaincu que cela
faisait courir au Bénin le risque de destruction de sa dignité et d’altération de son image que j’ai démissionné. Cela n’est pas acceptable. Ne l’acceptez jamais. Même si vous avez une faim de loup, ne le faites pas. Le Président Yayi s’était fait
avoir par la France-Afrique. On lui avait donc filé sous les doigts un représentant authentique du néo-colonialisme qui était venu pour assurer la soumission de notre peuple, réputé difficile à maîtriser. On a fait feu de tout bois; en louant les partis politiques les plus influents du Bénin pour nous imposer comme président de la république, un dauphin inconnu du peuple béninois et qui ignorait tout de ses réalités matérielles, spirituelles et culturelles. C’est fort curieux; ce dauphin n’a jamais vécu au Bénin jusqu’à l’âge de soixante et un ans. Puis un matin, on l’installe dans le fauteuil de premier ministre et on nous annonce que c’est le candidat de FCBE à l’élection présidentielle de 2016. Je crée avec mes camarades de lutte, chefs de partis, une alliance d’environ 90 partis politiques que nous entretenons avec soins durant dix ans, que nous transformons en une véritable machine à gagner les élections et on nous l’arrache d’autorité avec beaucoup de mépris et de manque de probité. Et lorsque nous avons osé poser des questions de compréhension, on nous a taxés d’indisciplinés et de gens ne représentant rien du tout.  Nous ne permettrons à personne de nous traiter ainsi, d’utiliser notre propre coalition politique  pour nous soumettre à l’ignominie de la recolonisation.
C’est un retour en arrière qui est important pour que le peuple sache pourquoi les uns et les autres ont pris des positions à un moment donné.
Malgré la gravité de nos dissensions à ces moments difficiles pour notre pays, mon amitié avec Boni Yayi reste intacte. Je suis chrétien et ce qui nous unit est beaucoup plus grand. Mais, c’est justement du fait de cette amitié, que je me suis fait le devoir loyal d’avoir tout fait pour lui éviter l’extrême déchéance républicaine. J’ai dû crier de façon discourtoise
« Mon cher ami, réveilles-toi ! »; et aujourd’hui, il me donne raison puisqu’il a fini par tout comprendre. Nous n’avons pas tous succombé au piège du malin. C’est pour dire simplement que la Nouvelle Marche est née dans la lutte contre cette menace évidente contre le Bénin.
Et je dois rendre grâce à Dieu parce que nous étions partis les mains nues, sans le sou. Nous étions une bonne vingtaine de personnalités, ministres et autres de l’écurie Yayi à partager cette expérience enrichissante. On n’avait pas un franc mais nous avons parlé, nous avons communiqué, nous avons fait une campagne efficace et efficiente.
Nous n’avions que le verbe pour dire aux populations qui nous ont écoutés et  compris, « choisissez tout le monde sauf ça ».

Et vous aviez même prédit l’échec.
J’ai prédit non pas seulement l’échec, mais j’ai prédit trois choses qui se sont malheureusement réalisées. J’ai prophétisé premièrement que l’attelage de la honte
(PRD, RB et FCBE) connaitra un échec cuisant et retentissant. La deuxième prophétie, c’était à lui-même; et j’affirmais que le prestige attaché à l’exercice du pouvoir d’Etat lui sera refusé. Nous avons eu quatre heures et demie d’échanges et j’ai fini par lui dire : « Mon cher ami, c’est la croisée des chemins, vous entendrez parler de nous, vous entendrez parler de la Nouvelle Marche. C’est terminé. Nous nous rencontrerons dans une autre vie. Et ça s’est passé ainsi devant nous tous. J’étais sincère avec lui parce que c’est mon ami.
Et troisième chose que je lui ai dite : « au point où vous en êtes dans la dérive, le régime que vous avez créé connaitra une décadence rapide et définitive. Et on n’en parlera que de façon péjorative ». Et bien, vous voyez …
Tout ceci me fait souffrir parce que si vous êtes mon ami, vous devez accepter de m’écouter et de parler avec moi. L’amitié se nourrit d’écoute et d’échanges. Si vous ne m’écoutez pas, vous n’êtes donc pas mon ami. Et si je ne vous écoute pas, ce n’est pas la peine de perdre votre temps avec moi. C’est de cela qu’il s’agit.

Vous avez été candidat aux élections présidentielles de 2016 et vous aviez fait un peu moins de 4000 voix. Qu’est-ce qu’on sent lorsqu’on n’a pas pu atteindre 1% ?

Non, en fait, l’objectif pour nous, ce n’était pas de faire des voix. Ecoutez-moi, j’ai été député dans ce pays. Et j’étais pratiquement l’un des plus jeunes députés à l’époque. Ce n’est pas avec l’argent, c’est par une certaine pratique sociale et un savoir-faire. Le président Kérékou, s’il avait été encore vivant, vous dirait qui j’étais dans son appareil. En matière de stratégie et de tactique politiques de mobilisation et de fidélisation de l’électorat, je m’y connais parfaitement et je suis passé expert et consultant en gouvernance démocratique et électorale.
Cela ne vous étonne pas que le candidat que je soutiens à l’élection présidentielle gagne toujours et ceci, sans fausse note depuis plus de vingt-cinq ans de suite? Aucun président de la république n’a été élu sous le renouveau démocratique sans ma participation active et éclairée. Si je refuse mon soutien à un candidat, il échoue.
Les présidents Soglo, Kérékou et Yayi ne sont pas venus au pouvoir sans ma participation à leurs équipes de campagne. Et Yayi n’a pas fait le KO sans moi. Je connais la valeur et le sens de ma contribution dans ces joutes électorales.
J’ai été le conseiller spécial politique du président Yayi pendant huit ans. Et il a écrasé ses adversaires coalisés dès le premier tour. Après ma démission, il n’a récolté que des échecs électoraux. Cela veut dire que je sais au moins de quoi je parle. Si j’étais parti à cette élection avec l’intention de gagner des voix, je ne ferais pas ce score. J’y étais parti pour dire  au peuple: « Tout le monde sauf le dauphin imposé par la France» et cela, dans tout le Bénin. C’est républicain et patriotique ! Je n’ai pas fait deux jours de campagne dans ma circonscription électorale parce que je sais que des candidats en vue appartenant à la coalition s’y trouvaient. Je suis de la grande famille Hountondji, J’ai grandi à Calavi et à Tori-Bossito chez moi, et ma mère est de Ouidah. Mais il ne faut pas se tromper de combat. Nous avons joué au « lièvre» comme le disent les coureurs de fond ou les cyclistes. Je l’ai fait en toute conscience et avec le discernement nécessaire, tout en servant avec détermination et sacrifice, la cause de la coalition.

Et c’était quoi le secret de votre combat ?

Je ne vous le dirai pas. Mais sachez que quand on veut gagner, on gagne. Nous voulions gagner ensemble et gérer le pouvoir d’Etat ensemble. Nous l’avons fait. Et vous avez constaté qu’avant que le premier tour ne commence, nous nous étions réunis pour créer une coalition.

Parlant justement de cette coalition de la rupture dont vous avez fait partie et qui avait appelé à voter pour le président Patrice Talon au second tour, qu’est-elle devenue ?

La coalition avait été créée avant le premier tour des élections de 2016. Je dois saluer ici les personnalités du pays comme le président Nicéphore Soglo et son épouse, le président Albert Tévoédjrè, je veux dire toutes les grandes figures et sommités politiques du Bénin, y compris d’ailleurs des autorités religieuses qui avaient compris tout de suite le sens de notre combat et qui s’étaient jointes à nous. Tous ceux-là qui étaient d’accord avec nous sur l’objectif, nous en avons fait des partenaires. Il faut dans toute lutte, qu’on se mette en ordre de bataille. C’est ce cadre-là qui permet d’être stratégiquement efficace et tactiquement performant. C’est important, c’est une division intelligente du travail qui nous a permis d’atteindre le but que nous nous sommes fixé. Nous sommes passés de 24% à 65% de l’électorat.

Mais est-ce que la Coalition existe encore ?

La coalition existe pour mille raisons. La première est que nous qui avons créé notre mouvement, nous existons encore. Nous sommes là, j’en suis le président. Abdoulaye Bio Tchané en est le rapporteur. Et nous avions mis en place un secrétariat permanent qui fonctionne plus ou moins encore. Mais le centre d’intérêt s’est déplacé. L’objectif principal de la coalition, c’était de gagner le pouvoir et de l’exercer ensemble. Mais la bonne question aujourd’hui de mon point de vue, ce n’est pas de savoir si la coalition existe, mais c’est de se demander si ceux qui ont gagné le pouvoir avec tant de savoir-faire, sont impliqués effectivement aujourd’hui dans l’exercice du pouvoir ? C’est la question importante.
Entre temps, certains d’entre nous m’ont dit qu’ils ne sont plus d’accord avec les modalités de mise en œuvre du programme. D’autres se sont un peu fâchés parce qu’ils estiment que les termes de l’accord qui nous lient ne sont pas respectés par le Président élu. Ici, ce qui est grave, entre les hommes, c’est de trahir sa parole. Ne trahissez pas la parole parce que la parole est l’expression de la pensée et la pensée est la production de l’âme, de l’esprit de Dieu intérieur. Je suis  médecin et ceux qui ont fait les études que j’ai eu à faire, savent très bien que c’est l’ultime étape du processus de la pensée qui permet de parler et d’agir avec effet. Lorsque vous donnez une parole d’homme et une parole solennellement donnée dans le cadre de la signature de contrat comme le nôtre, si vous ne la respectez pas, vous croyez peut-être que vous êtes en train de vous jouer d’un quidam, mais en réalité, vous vous offensez gravement. Vous offensez gravement votre Dieu intérieur.

Parlant de l’accord qui vous lie, qu’est-ce qu’il y a d’essentiel dans cet accord de gouvernance ?

Vous savez en nos grades et qualités respectifs, nous n’avons pas besoin d’essuyer des plâtres ici. C’est ce qui était cher dans la lutte que nous avons menée ensemble, personne ne peut se tromper par rapport à ça. C’était pour que notre pays ne tombe jamais. Je ne peux plus m’agenouiller devant le colonisateur, ce n’est pas possible. Moi, je suis d’une famille royale, je ne peux pas tolérer qu’après 2016, nous puissions être amenés à dire que nous travaillons pour la métropole. Epargnez-nous de ça ! J’ai vécu avec mes grands parents qui ont vécu suffisamment longtemps pour me dire ce qu’ils ont vécu. Et mon père qui est décédé à un âge très avancé et que j’ai eu le temps et le bonheur d’écouter, m’a formaté correctement pour que je puisse distinguer le bon grain de l’ivraie. Il était un grand militant de l’UDD avec le président Ahomadégbé qui a été d’ailleurs mon tuteur et mon parrain. Et si je suis devenu médecin et politique, c’est parce qu’il était véritablement mon mentor.

Un an d’évaluation de votre accord, est-ce que la rupture a échoué ?

Moi, je voudrais vous dire d’abord le contenu essentiel de notre accord. C’était que nous étions les partenaires privilégiés du Chef de l’Etat. Et quand on est partenaire privilégié en une matière, on se parle au moins et on s’écoute. Je ne peux pas admettre qu’aujourd’hui, au moment où nous sommes en train de marquer un arrêt pour évaluer le chemin parcouru pendant la première année, nos grandes faiblesses viennent de ce que nous ne nous sommes pas parlé du tout. Je suis persuadé que les grandes insuffisances de la gouvernance politique, économique et sociale notées auraient pu être évitées en grande partie si nous échangions simplement et si nous nous écoutions en partenaires privilégiés. Nous sommes  tombés à des endroits où, si au moins, nous nous parlions et si nous nous considérions comme des frères de combat, on n’en serait pas là.

Vous ne vous parlez plus ?

Ce n’est pas qu’on ne se parle plus. On ne s’est pas parlé depuis un an pour régler les problèmes du pays. Je dis qu’on ne s’est pas parlé dans ce qui nous lie. On ne s’est pas parlé pour le bon devenir du pays.
La constitution dont vous parlez, je l’ai eue dans ma main gauche parce que j’ai été député, premier secrétaire parlementaire et ministre chargé des relations avec les institutions, ensuite conseiller spécial chargé des affaires politiques d’un chef de l’Etat qui s’y est pris par deux fois pour réviser la Constitution et qui a dû se rétracter à cause de la complexité et de la sensibilité particulière du processus.  Vous vous imaginez donc que l’on veuille toiletter cette constitution et qu’à aucun moment, nous n’ayons été conviés à quelque concertation que ce soit.  On aurait pu se taire si les résultats avaient été  bons. Mais nous avons eu droit pratiquement à un  vandalisme de la Constitution de 1990. C’est incompréhensible, c’est un gâchis et je le regrette. Nous sommes tous des intellectuels de hauts rangs et c’est pitoyable de confier un travail aussi sensible à de jeunes premiers manquant de sérénité, de modestie et surtout de sagesse.

Est-ce que le gouvernement de la rupture a échoué au bout des douze premiers mois ?

Non. Pourquoi vous parlez d’échec alors que nous avons encore de nombreuses réformes à conduire? La première tranche annuelle a été médiocre parce qu’on a gâché le temps et les ressources humaines. On ne peut me convaincre qu’il a fallu huit mois pour sortir un Programme d’Actions du Gouvernement alors qu’il existe un projet de société et tant de personnes ressources disponibles. J’ai écrit trois projets de société. Et si vous savez lire, vous allez le constater. « Le Bénin du Futur », j’ai contribué à son élaboration et le Général l’a exploité pour faire avancer le pays.
J’étais le premier secrétaire parlementaire à l’époque. Le projet de société du Changement, c’est moi qui l’ai écrit du premier mot au dernier mot.
J’aurais pu le porter à l’époque moi-même.
Mais je suis pauvre et tout le monde demande de l’argent. Ce qui à mon avis dénature tout. L’argent sale a tout sali, a tout pourri. Le deuxième projet de société, c’est encore moi. Et le projet de société de la Nouvelle Marche, c’est moi qui l’ai écrit. Je sais le faire. Et ne venez pas me dire que Yayi n’a rien fait. C’est trop facile de dire ça. Je veux en contradictoire, que l’adversaire le plus farouche de Yayi se mette devant moi pour dire qu’on n’a rien fait. Je sais en quoi le Président Yayi a péché parce que je suis un homme de discernement. Je ne suis pas là pour condamner à mort quelqu’un à tort simplement parce qu’il m’est difficile d’avouer mes propres échecs. Je ne suis pas d’accord qu’on dise que mon semblable est sorcier parce qu’il a simplement écrasé un poulet sur la route. Nous sommes là dans la vérité. On ne parlera pas d’échec pour la rupture mais on dira simplement que nous sommes mal partis. J’ai suivi le président de la république à la télévision et je continue de croire qu’il réaménagera utilement son équipe, qu’il donnera un socle politique à son action en créant un desk politique et qu’il dotera son gouvernement d’une cellule de communication et d’une cellule  juridique qui assurent et professionnalisent l’action du Chef de l’Etat et de son gouvernement.
J’ai dit que la première ressource d’un pays, c’est le temps. Toutes les nations disposent équitablement de cette ressource. Eh bien, c’est ce à quoi chaque nation a utilisé cette ressource fondamentale si importante, qui détermine son arriération ou son progrès. Si vous utilisez les 24 divisions horaires de la journée de façon correcte et de façon qualitative, il n’y a pas de raison que vous n’entriez pas dans la qualité et le développement. Mais si vous les prenez pour vous balader ou pour rester sous l’arbre à palabre sans que vous n’en tiriez quelque chose pour votre pays et pour améliorer l’action, vous ferez du surplace ou vous reculerez. Et ceux qui font preuve d’anticipation, d’innovation et de ferveur au travail vont avancer. Et c’est ce qui nous arrive. Je ne peux pas admettre que nous soyons aussi nombreux autour du nouveau président de la république, qu’il y ait des partenaires stratégiques, tant de ressources humaines et ne pas en profiter. Quand vous êtes dans la société des hommes, vous ne pouvez pas vous permettre d’ignorer les autres et réussir. Vous ne réussirez jamais sans les autres. L’investissement en l’autre est le secret de la réussite. Vous avez des personnes ressources qui sont avec le pouvoir et qui savent comment on exerce le pouvoir, on ne méprise pas de telles personnes pour oser espérer faire des résultats ou des miracles. Les ressources humaines ont été gâchées à cause de l’exclusion de certaines personnalités pétries de talents et d’expériences.

Patrice Talon aurait dû vous consulter ?

Alors, vous avez des personnes ressources, des gens qui sont dans le pouvoir, qui n’ont fait que çà, qui savent comment on exerce le pouvoir, qui savent avec précision ce qu’il ne faut pas faire et ce qu’il faut faire, et surtout ce qu’il faut faire opportunément. De telles personnes, on ne les méprise pas quand on espère faire des résultats. J’avais besoin de quelques quinze jours pour sortir un programme d’actions du gouvernement aussi bon que ce à quoi nous avons eu droit. C’est vrai qu’il y a eu un décor hollywoodien. Mais de mon point de vue, ce n’est pas le meilleur que nous ayons connu dans notre pays. Je le dis parce que je m’y connais. Et je suis prêt à le démontrer à celui qui n’est pas d’accord avec moi. Le président Talon a tort d’ignorer ainsi sa coalition.

Peut-être, c’est parce qu’il a peur ….

Peur de qui ? On n’a jamais tué personne. Je suis médecin et je suis heureux de tout ce que j’ai tiré comme expériences d’un combat aussi âpre. J’ai été menacé de mort. Mais je suis toujours en vie là. Et donc, laissez-moi vous dire que les ressources humaines ont été gâchées. Mon cher ami, si vous avez un peu d’humilité, si vous avez de modestie, vous ne pouvez pas être entouré d’intelligences aussi élevées, des docteurs ayant fait leur preuve dans le domaine de la politique, des gens qui sont là gratuitement pour vous, des gens qui ont accepté être en équipe avec vous, des gens qui ont signé un document pour dire qu’ils sont vos partenaires privilégiés, et tomber lamentablement comme nous l’avons fait. Franchement, j’ai mal. On est tombé et c’est lamentable. C’est cela qui nous fait mal. Des décisions ont été prises, parce qu’on pense que c’est pertinent, et on croit que la seule pertinence justifie tous les arguments politiques. Je dis non. Si je dois les noter, je dirai que l’action gouvernementale et la gouvernance ont été entachées par l’infantilisme politique. Vous savez combien d’idées généreuses, pertinentes qui ont été conçues, élaborées et mises en projet par des hommes politiques avertis et qui ont fini dans les placards ? Vous ne pouvez pas le savoir.

Peut-être, estime-t-il que vous avez déjà fait le régime
Kérékou et le régime Yayi et qu’il fallait vous laisser

vous reposer….

Je vais vous dire une chose. La politique est le point de convergence de toutes les compétences en toutes matières. Ceux qui pensent que la politique, c’est quand vous parlez bien devant les foules, se trompent. Car, pour dire des choses agréables devant le peuple, il faut les élaborer, les concevoir. On ne tombe pas en politique comme on tombe dans le «décalé coupé ».

Pourquoi avoir attendu un an avant de vous prononcer quand vous savez que çà n’allait pas bien pour le régime en place ?
On ne devient pas politique parce qu’on a été élu. C’est le résultat  d’une longue pratique sociale qui aboutit à des aptitudes dans la résolution des problèmes qu’on qualifie de politique ou qui ont besoin d’outils politiques pour leurs solutions. C’est pourquoi certains disent qu’il n’y a pas de génération spontanée en politique. Mais ce n’est pas pour refuser aux gens leur droit de pratiquer la politique. C’est pour dire que même si tu es arrivé sans pratique sociale en politique, ou sans formation appropriée, alors, fais attention, sois modeste et prudent. C’est un avertissement à tous ceux qui viennent dans l’espace politique en pensant que, parce que j’ai fait le droit et que j’ai le langage juridique, je peux parler.

Qu’est-ce qui vous fait autant mal ?

J’ai mal pour des raisons que vous savez; puisque vous connaissez mon combat. Et si Candide Azannaï a démissionné, c’est pour cause; bien que nous ne disions pas exactement les mêmes choses. Je voudrais vous dire que le pouvoir que Talon et moi, à côté d’autres camarades, avons œuvré à conquérir pour le président Yayi Boni en 2006 et en 2011, il l’a retourné contre nous à un moment donné. Le président Talon a dû  s’enfuir. Il a trouvé son salut dans la fuite. Mais nous, nous sommes restés. Et nous l’avons affronté.
Chez moi, on ne fuit pas de sa maison parce qu’il y a des ennemis qui vous menacent. Il faut leur faire face et régler les problèmes que cela pose.(xwé ma tun do kin ù)
C’est cela un acte de courage et de responsabilité. Ceux qui l’ont compris, se sont engagés à mes côtés bien avant que les exilés ne puissent revenir au pays.
Le groupe de mots coalition de la rupture a été prononcé pour la première fois lors d’une réunion semi-clandestine nocturne dans une maison isolée à Tori, par mon ami le ministre Michel Sogbossi, deux ans avant sa mise en œuvre par le groupe
des candidats patriotes. Si j’insiste sur ces aspects, c’est parce que je dors mal.
On m’a maltraité à cause du nom Talon et je n’étais pas seul; on a refusé de me payer mes salaires de fonction pendant deux ans et cela est resté sans suite jusqu’aujourd’hui par ce que je serais l’homme de Talon; On m’a menacé de mort parce que j’ai osé déclencher ce combat pour la dignité du Bénin. L’adversaire du moment a tenté de me corrompre, on m’a nommé conseiller spécial et j’ai refusé.
Moi, j’ai pardonné tout cela et je rends grâce à Dieu puisque nous avons gagné contre un adversaire apparemment plus puissant que nous. Je me sens tellement concerné par le régime actuel que, si le président Talon échoue, c’est que quelque part, j’ai échoué. C’est une affaire de responsabilité.

En dépit de tout, dites-nous  les points positifs que vous notez ?

Je préfère parler de cela en tout dernier ressort parce qu’il y a encore des choses essentielles que je voudrais que le Président Talon sache grâce à votre  canal. Je voudrais que par votre canal, le président Talon puisse savoir que le Docteur Hountondji a dit qu’il n’a pas le droit d’échouer. C’est important. Je vous dis que c’est une affaire de responsabilité et de fierté. On m’affuble dans le camp d’en face comme le grand manitou de la rupture et l’on me demande et maintenant ?
Depuis les années 90, je suis là et vous me voyez me battre et cela prend ses racines dans les années 60 au sein de l’UGEED (Union Générale  des Elèves et Etudiants du Dahomey) qui nous a permis de connaître notre peuple.
Car, en 1966, l’UGEED a donné des instructions qui étaient que chaque militant doit vivre au sein du peuple comme un poisson dans l’eau. C’est en vivant au sein du peuple qu’on comprend ses aspirations profondes, ses composantes, ses valeurs, ses croyances, ses us et coutumes. Cette connaissance nous autorise à parler au nom du peuple en disant le moins de bêtises possibles. C’est ce que nous avons fait avec plaisir à l’époque en créant les Associations Régionales des Scolaires (ARS), les Organisations  Régionales de Jeunes (ORJ).
C’est à l’époque où nous avions créé toutes les associations comme JESPA (Allada),
UGEEC Calavi), UGEEO (Ouidah, OJSD (Dassa) etc. C’est un peu plus tard en 1967 que le FACEEN est né.
C’est pour vous dire que cette pratique sociale qu’on a eue était la meilleure formation politique que l’on puisse avoir. Et, au regard  de l’évolution de la situation politique de notre pays depuis 1945, c’est-à-dire depuis la création du premier parti politique, l’UPD (l’Union Progressiste du Dahomey), qui s’est divisé par scissiparité pour telle raison ou telle autre jusqu’à aujourd’hui, on se dit que l’unité de ce pays dépend d’un certain nombre de déterminants dont la méconnaissance est très préjudiciable. Quand on dit « le peuple béninois », cela a une autre résonnance particulière dans notre tête.
Il n’y a personne sur terre qui puisse affirmer sa capacité à construire tout seul le Bénin.
Et nul ne viendra de l’extérieur construire notre pays à notre place. Tous ceux qui ont cru au contraire sont des naïfs. Aujourd’hui, nous avons à faire à un régime de réformes.
C’est ce qu’on appelle la révolution en d’autres époques. C’est comme pour dire, aller plus loin et plus vite. Et vous ne pouvez pas conduire tous ces changements qui concernent le peuple béninois sans les Béninois. Ecoutez-moi, mes frères.
Apporter le changement à un groupe de personnes, c’est un processus qu’il faut gérer avec soins. Ceux que le statu quo avantage, ne vont pas vouloir que le système change.
Alors, ils se constituent tout de suite en opposants au changement. Et c’est ce qu’on appelle la résistance nécessaire au changement. Tout changement appelle toujours une résistance. Pouvez-vous dire quelle est la structure qui gère la résistance au changement au Bénin ? Aucun résultat ne sera obtenu sur le chantier des réformes dans ces conditions et tout se gâte à cause de petites ignorances des choses.

Est-ce que comme vous, certains acteurs de votre coalition ont aussi mal ?

Comme le dit l’autre, si vous ne savez pas vous taire, c’est donc que vous ne savez pas parler.
Sur cela, j’ai bien envie de me taire. Chez moi, on dit qu’on ne fait pas la danse acrobatique à l’autel des mânes des ancêtres. Si tu ne tombes pas sur les dignitaires, tu piétineras les tantes. C’est pourquoi je me réserve. Mais je dis que tout cela ne fait pas beau. Sébastien Ajavon est un homme de très bonne volonté.
Je me souviens des moments de brouilles entre les deux hommes, pour des questions de parole non tenue, à propos de candidature à l’élection présidentielle, il était venu jusqu’à la maison nous en parler.
Lorsqu’il y a incendie, je crois que celui qui a éteint le feu avec l’eau du wc est à féliciter. On ne fera pas son procès. Mais on fera le procès de l’incendiaire. Je lui ai dit de laisser tomber.  Aucun sacrifice n’étant de trop pour la victoire sur les agresseurs de notre pays.
Et en matière politique, quand je dis « suis-moi », obtempère et tu ne perdras jamais. Sois patient et suis-moi seulement. Il y a des ainés et de grandes personnalités qui m’ont suivi et qui ont toujours eu ce qu’ils voulaient. Et je suis souvent invité à l’étranger pour cela.
C’est pour vous dire que rien ne se perd.

C’est dire que vous avez tentez de réconcilier les deux hommes ?
Oui, à ma façon. Tout s’est bien passé comme vous l’avez vu. On fait de très bonnes choses ensemble. Mais il y a des gens qui pardonnent, mais n’oublient jamais le tort à eux causé et d’autres qui pardonnent et oublient.
Ils se prenaient sérieusement pour des concurrents depuis qu’ils n’ont pas réussi à choisir un candidat unique entre eux deux, dès le premier tour. C’est des rivaux qui ont fait preuve de tolérance, d’acceptation de l’autre parce qu’au delà de cette rivalité, il y a de grandes choses qui nous rassemblent, qui nous mettent ensemble et dont les résultats peuvent atténuer les malentendus.
C’est pour dire simplement que ce qui s’est passé, ne renforce pas la coalition, au contraire. Ajavon, c’est le deuxième poids lourd du groupe. Donc, son départ ne peut pas nous faire plaisir. Ma conviction profonde est qu’on aurait pu éviter cela, si on ne se trompait pas de combat. Cette vilaine affaire éclabousse la Coalition de la Rupture dès l’entame du régime. C’est un véritable malheur pour nous. C’est l’une des raisons de ma souffrance. Et puis, j’ai prié et je continue de prier pour que ce qui est épars puisse être rassemblé. Car, pour construire un pays, nous devons travailler et savoir travailler à ce que tout le monde soit ensemble. C’est l’énergie du peuple qui construit un pays. Il faut le savoir. Dans l’implantation du mouvement du changement au Bénin, j’ai été l’homme le plus combattu du fait de ma proximité avec Yayi Boni. Je ne m’en suis jamais plaint. Si vous avez une formation et une culture spirituelle, vous comprendrez ce que je dis. Cela vous permet de résister à un certain nombre d’agressions et de tentations. Il y a un certain nombre de mauvaises pratiques qui vous conduisent tout droit à la déchéance spirituelle et sociale. Il faut les connaître et les éviter.
Si vous dirigez des pauvres que vous escroquez, vous le payez plus tard avec agios. Cet argent ne vous apportera que de la souffrance, la honte et la déchéance.
C’est pourquoi chez moi, on conseille de ne jamais voler un pauvre. C’est l’allégorie de la calebasse pleine et de son couvercle. Si vous volez dans la calebasse du pauvre ou dans le couvercle, Dieu vous punira doublement.
Dans ce pays, les deux tiers de la population sont pauvres; trente cinq pour cent vivent en deçà du seuil tolérable de pauvreté. Alors si vous êtes amenés à gérer un tel pays, il y a des choses qu’il ne faut pas faire et des choses qu’il ne faut jamais dire. Car, quand vous les dites, vous en rajoutez à la souffrance de vos populations. Moi je suis paysan et je réclame cela. Je suis très friand des éléments de sagesse du terroir. Ce qui s’est passé en un an n’est pas bon.
Non pas parce que la volonté de réussir n’existe pas. On sent dans les discours qu’il y a beaucoup de volonté de bien faire. On veut même aller au-delà de ce que la situation réelle du pays autorise. Lorsqu’un artisan veut coudre sur un vieux tissu de la toile de grosse laine, il y travaille avec précautions et finesse. Sinon, le vieux pagne se détériore encore plus. Pour enlever la peau de la mouche, il faut faire preuve de grande dextérité et de grande sagesse.
C’est pour dire que si vous connaissez correctement la constitution de notre pays, pour ne pas dire la constitution du 11 décembre, pour conduire sa révision, vous devez faire preuve de beaucoup de sagesse, de vertus et d’attention.
C’est parce qu’il n’y a pas eu suffisamment d’attention, de précautions, d’humilité et de sagesse que le projet de loi de la révision de la constitution a échoué face à une résistance à peine organisée au niveau de l’Assemblée nationale.
Malheur à celui qui accepte une mission qu’il sait bien qu’il ne peut assumer.

Pour vous qui avez la constitution dans votre main gauche, qu’est-ce que le nouveau projet avait de mauvais au point où vous avez senti la constitution du 11 décembre vandalisée ?

Une constitution, c’est pour un régime donné et il faut se demander le régime dans lequel nous sommes. Lisez bien le décret qui transmet ce projet à l’Assemblée. Ce décret expose les motifs. C’est imprudent. Ça manque de modestie et d’humilité. Nul n’est détenteur de la vérité. Il n’y en a pas. L’approche de la vérité est asymptotique. On essaie de s’y approcher sans jamais l’atteindre. Celui qui dit qu’il a la vérité, la science infuse, a menti. J’ai parlé de vandalisme parce qu’une révision de la constitution n’est pas l’écriture d’une nouvelle constitution. Nous sommes dans une république qui tourne bien, nonobstant la pertinence d’un réaménagement nécessaire pour y insérer à peu près quatre préoccupations. Même si le préambule n’a pas été touché, la constitution a été dénaturée par la destruction sans raison de son architecture institutionnelle si opportunément bien conçue pour trouver des réponses définitives aux maux liés à la longue nuit noire de 17 ans de dictature que nous avons vécue dans notre chair.
Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que la prison, pour un jeune qui ne veut que le bien de son peuple, le développement de son pays. Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que d’avoir quelque chose à dire et ne pas pouvoir le dire. Il y a eu des gens qui ont payé cher pour cela. On vivait dans la clandestinité puisque si on t’attrape, on te tape jusqu’à ce que tu rendes l’âme. Même la guerre de cent ans s’est terminée  par un traité. Nous avons accepté de le faire comme un traité avec nos frères du PRPB qui voulaient le bonheur de ce pays, malgré tout.
Pour ceux qui ont été à la Conférence nationale, il y a neuf péchés capitaux pour lesquels nous avons tous chanté « plus jamais ça ». C’est pour combattre ces neuf péchés que l’assemblée du peuple a décidé de la rédaction de cette constitution. Le premier alinéa du préambule de la constitution dit : « Nous peuple béninois, affirmons notre profonde opposition à tout régime fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le népotisme, le régionalisme, la confiscation du pouvoir, et le pouvoir personnel. … ».
L’article 2 de notre constitution affirme et encadre la nature de notre pays. Le Bénin est une république, une et indivisible, laïque et démocratique. Je ne sais pas pourquoi on a mis le dernier qualificatif comme démocratique. Le second alinéa de cet article dit, « le principe du Bénin est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », pour donner la définition générique grecque du terme démocratie. Ceci, afin que nul n’en ignore. Le préambule, en son alinéa 2, dit déjà ce qu’est notre pays et il n’y a pas lieu de parler de dictature du développement. Si j’avais été même dans l’antichambre de ce qui s’est passé à l’occasion du processus, j’aurais au moins conseillé au Président de la république de ne pas le faire. J’ai été conseiller et coach politique toute ma vie. Je dirai au président que ce qu’il dit est pertinent mais qu’il ne peut le réussir pour le moment…
Aujourd’hui, les gens parlent de déguerpissement sauvage et inhumain. Normalement, à cause de ces qualificatifs « sauvage et inhumain », on devrait avoir une feuille de route pour cela.

Selon vous, qu’est-ce que Talon peut faire pour réviser la constitution, si c’est possible ?

C’est bien possible. J’ai entendu le président de la république parler. Je suis médecin, j’ai psychanalysé ce qu’il a dit et je me suis rendu compte que la volonté politique existe encore. J’ai vu qu’il n’avait pas de réserves mentales.

 Qu’est- ce qu’il doit faire ?

Il faut d’abord rendre impersonnel le processus et le confier à une commission neutre représentant toutes les tendances fortes.
Il faut une approche inclusive qui prend en compte toutes les communautés populaires à la base dans un débat général dont les résultats devront être pris en compte par la commission neutre à toutes fins utiles grâce à la phase départementale qui recueillera toutes les propositions qu’elle acheminera à la commission neutre.
Un groupe d’experts constitués des éminentes personnalités proposera à la commission neutre une formulation du projet de révision dont l’adoption déclenchera la phase institutionnelle inclusive. Qui s’achèvera sur le processus référendaire.
Il faut en choisir le moment approprié etc ;
Il faut d’abord qu’il sache utiliser le temps. Lorsque vous perdez huit mois pour faire sortir un programme d’actions du gouvernement, alors que vous avez déjà conçu votre projet de société et êtes entourés de 25 autres candidats, c’est un gâchis. Si, aujourd’hui, je dois noter en tant que coach, je dirai que c’est très grave et qu’il faut opérer rapidement les corrections idoines. Je ne peux pas avoir un officier TAM (tir, armement et munition) avec moi, avoir une kalachnikov, et ne pas pouvoir l’armer au moment d’une agression mortelle.

La première chose à faire c’est écouter les experts et les partenaires ?

Je suis contre l’assertion selon laquelle nous sommes dans un désert de compétences. Moi, je ne suis pas un cadre incompétent. J’ai été premier sur 489 personnes et c’était à un concours pratiquement mondial en infectiologie. Mon patron s’appelle Christian Lafaix. Je suis médecin interniste, j’ai été major de ma promotion. La médecine n’est pas le métier le plus facile sinon, allez prendre un cours de microbiologie ou même de biologie ou de chimie. Et vous m’en direz.
Un mois après, vous allez abandonner. Ce n’est pas la chose la plus facile. Il y a des gens qui sont bien formés pour être des aides à la décision du Président de la république. Ils sont membres de la coalition mais ils sont tenus à l’écart de tout. Personne ne leur adresse la parole, personne ne les écoute. Cela est très grave. Dans mon cortex cérébral, je savais que ça carburait même au sein de l’équipe gouvernementale qui souffrirait d’un déficit d’esprit d’équipe à cause de la marginalisation de certains.
On a gâché la ressource temps, on a gâché les ressources humaines. Ça fait mal, les résultats de la première année sont médiocres.

Qu’est- ce qu’il peut faire ?

Donner un socle politique au régime.
C’est déjà capital. Des gens ont fait admettre au  chef de l’Etat qu’il peut gérer ce pays en tant que président de la république, sans faire de la politique. Naïveté, infantilisme, échec. Il n’y a que les outils politiques pour régler les problèmes politiques et toute action est au service d’une politique donnée. Si vous voulez poser des actes qui ne sont pas au service de la politique de votre adversaire, soyez politiques.

Nous allons parler du projet de révision de la constitution

On a carrément rasé des institutions importantes sans raison valable. Le Conseil économique et social, qui est appelé également  l’assemblée du peuple au travail a été supprimé. C’est le peuple au travail qui se retrouve là. Ce sont les représentants de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers, ou de l’artisanat, les métiers libéraux comme les avocats ou les médecins qui se retrouvent là.
C’est l’assemblée de ceux qui créent la richesse, qui font la bonne lutte contre la pauvreté et le chômage. S’il y avait une seule institution à laisser, c’est celle-là. C’est vrai que l’institution n’a pas la capacité de jouer le rôle de contrepouvoir.
Mais, les institutions ne sont pas là pour jouer ce rôle. Elles sont là pour apporter de la synergie aux efforts de développement. Notre Conseil économique et social s’est si bien comporté qu’elle a rayonné, et a essaimé les Conseils économiques et sociaux de toute l’Afrique. Aujourd’hui, le CES fait partie d’un Regroupement africain dont le siège est chez nous.
Au lieu d’exiger que le rapport consultatif du CES lie les autres institutions en matière économique et sociale afin que leurs dirigeants en tiennent compte dans la mesure du possible.
Pourquoi le peuple est mécontent aujourd’hui ? J’ai suivi le ministre des finances, mais j’étais révolté. Je me suis demandé s’il a un chef de la communication. C’est la catastrophe. Peut-être qu’il ne connait pas le Bénin ou ne connait pas l’aspiration du peuple mais il l’apprendra.
Vous pensez que c’est parce que le projet était si mauvais qu’il a été rejeté mais le chef de l’Etat pense qu’il y avait des mains invisibles.Ce que j’ai entendu est un aveu d’impuissance. Je suis psychanalyste. Assumons et faisons de bons diagnostics. Il n’a que cinq ans. S’il met un an pour faire sortir un PAG, c’est le désastre. Il y a des experts nationaux qui sont thésaurisés. Il faut être humble et admettre que l’autre pourrait en savoir mieux que soi en certaine matière. J’ai fait 14 ans d’études après mon doctorat, mais je ne sais pas ce que le vulcanisateur fait pour réparer le pneu crevé de ma voiture.

Juste après le projet de révision de la constitution, le président de la république a déclaré que pour 2021, il avisera. Qu’est-ce que vous en dites ?
La première fois, il a pu rassembler autour de sa candidature comme prime à sa virginité politique, 24%. D’ici 2021, il perdra sa virginité, et sera jugé comme nous qui sommes de vieux renards politiques sur son bilan, sa gouvernance et surtout sur ses erreurs et ses échecs. Le peuple béninois en a conscience et le suit dans ses propos et sa politique. Quand l’électeur a vu un certain nombre de personnalités politiques l’entourer, il a été rassuré  et a voté pour lui. Il a été ainsi élu à 65%. Il ne faut jamais couper l’arbre tordu qui vous a amené à la cime du grand arbre. A cause du jour de la descente. C’est un élément de sagesse du terroir. Toute situation peut être transformée en opportunité et nous sommes spécialistes en cela. Il y a eu un an d’état de grâce qu’on a gâché … Il n’y pas un seul Béninois aujourd’hui qui ne pense pas que la constitution peut être  révisée maintenant. C’est le seul instrument qui appartient au peuple, le peuple souverain. C’est sa chose.
C’est la seule chose que nous avons en commun. Toute la communauté nationale s’entend sur cette chose-là. Il n’y a personne pour dire que cette constitution est mauvaise.
Même les amis extrémistes s’y reconnaissent. C’est quelque chose, il faut que tout le monde s’entende sur cette affaire-là. Lorsque vous voulez y aller, j’ai dit qu’il ne faut pas faire de vandalisme. On a produit même une institution ad’hoc. Citez- moi un seul pays au monde où il y a une institution ad ‘hoc. Une institution ce n’est pas un comité, ce n’est pas une commission. Je me demande le diagnostic qui a été posé par rapport à ces institutions.

Quel diagnostic avez-vous fait et quelle disposition avez-vous prise au niveau de cette institution ?

Personne n’est arrivé jusque-là à faire la saisine de la haute cour de justice. Le problème se pose au niveau de la saisine. Il faut alors améliorer la procédure pour permettre d’amener un dirigeant délinquant devant la haute cour de justice. On dit que c’est une institution qui apparaitra et qui disparaitra. Dans quel pays on a vu ça ? Pour ces genres de choses, il faut l’humilité et la prudence. Parce que c’est une forêt qui appartient à d’éminentes personnalités de ce pays.

Si Patrice Talon se présente en 2011, vous allez le combattre ?

Il doit se souvenir des engagements qu’il a pris, de la parole donnée devant le peuple béninois. Le combattre ? Je suis médecin, je ne suis pas de nature à combattre un homme.
Même spirituel, ça ne sert à rien de combattre un homme. Il n’y a que ceux qui ne sont pas mûrs pour dire qu’ils vont combattre leurs semblables.

En 2020-2021, pourriez-vous être amené à le soutenir?

Je pourrai vous dire les conditions dans lesquelles je pourrai le soutenir. Parce que c’est déjà une grave naïveté de dire : « je ferai un seul mandat ». Personne ne l’a contraint à prendre un tel engagement devant le peuple. C’est un véritable purgatoire, l’élection présidentielle. Celui qui la gagne et qui s’astreint à abandonner le pouvoir au bout d’un mandat doit avoir des raisons  suffisantes.  Je respecte sa décision. Mais je suis mal à l’aise ; j’ai des difficultés à le croire. C’est incompréhensible politiquement. Wait and see !
Le Président de la République est l’élu de la nation. Il est impératif de tenir compte de son avis. Il avisera et peut-être que le peuple dira qu’il n’a pas respecté sa parole. Nous sommes en politique où les mots ont souvent des sens figurés, et les phrases comportent souvent des non-dits. Il ne suffit pas toujours d’être éloquent pour défendre la chose et son contraire. En politique, tous les mots résonnent différemment selon le temps et l’espace et les récepteurs sont variables et incontrôlables.

La démission de Candide Azannaï

La liberté est tout entier contenue dans la faculté de pensée, de décider par soi-même, de dire NON. Tout être a la liberté absolue de conscience. Même s’il est emprisonné dans une cellule. Sur la même affaire, ce que vous pensez n’est pas ce que je pense. La conscience est d’abord personnelle.
C’est elle qui permet d’exprimer le « moi », ou le fameux « je pense, donc je suis ». Le président Candide Azannaï, pour ce que je sais, parce qu’il était dans le desk politique du Président Yayi, nous avons travaillé ensemble. C’est un homme qui a des vecteurs directeurs. Lorsqu’il y a déviance par rapport à ses vecteurs, il dit ce qu’il pense et il s’en va. Il n’a pas peur de partir parce que c’est un homme qui sait se battre. Je sais que le président de la République ne le laissera pas partir. Non !!! Il ne le laissera pas partir. Quel gâchis !
Quand vous prenez les jeunes premiers-là qui s’excitent, vous voulez gagner quoi ? Tout le monde veut gagner. Tout le monde a envie de gagner mais tout le monde n’a pas appris à gagner. Je le disais à mes compagnons des Fcbe : « Vous échouerez à coup sûr ». Ils sont venus jouer les porte-paroles, je leur ai dit : « vous échouerez. D’ailleurs vous avez déjà échoué. »

Quel poste vous pouvez prendre en charge pour aider le président Talon s’il vous fait appel ?

J’ai besoin seulement de la posture qui me permet de parler avec le lui, et être écouté. Les autres pourraient garder pour eux, tous les postes. J’ai tellement occupé de postes que je ne sais même plus ce qu’il me faut pour contribuer à la construction du Bénin. Il faut que les jeunes qui veulent de postes se servent d’abord. Je veux juste que mon pays avance. C’est tout et dans les meilleures conditions possibles qu’on gagne sur tous les tableaux, qu’on gagne le combat de la pauvreté. Je leur parle tout le temps du Rwanda mais ils ne savent pas le secret de la réussite de ce pays. Pour un pays de notre taille, de 10 millions d’habitants, ce n’est pas mal. Nous pourrions faire certaines expériences adaptées à notre pays.  Il n’y a pas que les exemples des grands pays qui peuvent inspirer le développement, les petits pays peuvent également être des exemples. Le Bénin a proclamé le changement ; et a inspiré la France et les USA. Tout le monde en a parlé même jusqu’aux confins de l’Afrique. J’ai la bonne recette contre la grande pauvreté. L’actuel chef de l’Etat est à la hauteur. C’est une question d’équipe pour réussir. Personne n’a jamais gagné tout seul à ce niveau de responsabilité. On gagne avec une équipe. Regardez aujourd’hui Messi du FC Barcelone, il peut faire quoi tout seul ?  Il aura deux éclats et les adversaires organisés  en équipe vont rapidement avoir raison de lui. Le président Talon ne réussira à terme que s’il travaille en équipe. Ce n’est pas en se faisant entourer de jeunes premiers surexcités. Il faut des hommes d’expériences et d’expertise. Il n’y a pas beaucoup qui peuvent réfléchir et produire de bonnes idées. Combien sont-ils aujourd’hui qui peuvent aider le système à éviter les erreurs d’enfance ? Les erreurs que vous voyez ne peuvent qu’arriver. Lorsque nous ne nous parlons pas.
On ne peut pas parler du régime Yayi sans évoquer Patrice Talon. Ça veut dire que vous ne savez pas comment on a amené Yayi au pouvoir. Le pouvoir que nous avons conquis au deuxième mandat, on l’a retourné contre chacun de nous. Yayi a tourné dos à tous ceux qui ont travaillé pour lui et a travaillé avec de petits truands. Je l’ai dénoncé. Et je continue de le dire. Talon et Yayi ont vécu des choses désagréables dans ce pays. En 2006, les deux hommes faisaient des choses et personne ne nous informait. Mais comme nous, on est ouvriers de la République, on travaillait. On se taisait et ils le faisaient. Le président Talon et nous, on a préparé le K.O de 2011. Je l’assume entièrement. C’était une période de fronde où les grands groupes dont l’UN (Union fait la Nation) se constituaient à grands renforts. Il y avait des affaires difficiles à gérer dans le pays. Il y avait l’affaire ICC Services, l’Affaire Dangnivo, l’affaire CENSAD etc. C’était vraiment compliqué. Mais même dans cette ambiance, nous avons su gagner. Nous avions les munitions, les armes pour les battre et des hommes d’expériences.
Si les mêmes conditions se réunissent aujourd’hui, je dirai que Talon va gagner au premier tour. Mais nous sommes loin de ces choses actuellement. Le président Talon est un yayiste bon teint. Il a travaillé à ce que nous ayons des réponses à des questions difficiles. A un moment donné, on ne sait pas quelle mouche a piqué notre leader, et il s’est retourné contre ces hommes de mains. Le résultat, vous le connaissez bien. Le président Talon est arrivé au pouvoir   et des enfants de choeur ont commencé à bavarder sans savoir vraiment à quoi cela retourne. Vous n’avez jamais été dans un conseil municipal et vous donnez des leçons. Vous n’avez jamais été dans un cabinet, dans un conseil d’administration et vous portez des jugements de valeur. Ce n’est pas normal.

Du programme d’actions du gouvernement…

Je dis que ces réformes ne valent que par les résultats de leur mise en œuvre. Cela nous interpelle au niveau de la qualité des hommes, parce que nous sommes conditionnés par le temps, cela nous interpelle au niveau de la force de l’équipe, nous ne pouvons plus gâcher ni le temps, ni les ressources humaines. Je me suis arrêté pour vous dire que c’est là le mal, c’est là, la chose. Mais, on n’utilise jamais les outils d’un régime pour un autre régime. Nous sommes dans un régime présidentiel fort. La constitution du Bénin, c’est la constitution du 11 décembre 1990 avec les lois constituant le bloc de constitutionnalité. Qu’il ne saurait y avoir au Bénin, la dictature du développement.
Donc, vous avez bien envie d’aller vite, de bousculer les choses, mais si vous ne respectez pas la loi, le Béninois n’acceptera pas. L’excès en toutes choses, c’est ce que le Béninois n’aime pas et tout ce que l’on fait doit être empreint de sagesse. Et c’est pourquoi, je demande à tous les jeunes d’avoir l’humilité, la prudence, de cultiver la sagesse qui sont des éléments fondamentaux de notre culture. Si vous vous éloignez de ces choses, vous ne réussirez en rien.

Comment appréciez-vous alors les mouvements de soutien au chef de l’Etat qui ont commencé il y a quelques jours ou semaines ?

C’est après un an qu’il a compris qu’il faut des soutiens. Il n’y a aucune lutte qui se fait sans des racines politiques. Et il n’y a pas de socle politique à l’action politique du Président Talon. Vous voyez, à un moment les gens ont commencé par dire « Talon là, on ne veut plus de lui ». C’est parce qu’il n’y a personne sur le terrain pour porter le point de vue du Président. Mais quelqu’un a fait adopter une stratégie de communication du Chef de l’Etat qui  se fait entre quatre murs. Cela ne peut pas être efficace. Moi, j’ai vieilli en faisant de la communication politique. La communication politique est réticulaire ou ne l’est pas. Ça se fait à travers les réseaux. C’est comme la toile d’araignée. C’est pourquoi on parle de communication  réticulaire (qui dérive de réseau). Alors, lorsqu’à la présidentielle de 2016, chacun a loué le parti qu’il veut, lui Talon a réuni des jeunes, de-ci et de-là et après, des personnalités politiques et quelques partis sont venus renforcer le regroupement. Tout cela, ce ne sont pas les caractéristiques d’un mouvement politique capable de porter une communication politique, de gagner un combat politique, ce n’est pas possible. J’ai demandé depuis le début de cette aventure de créer un secrétariat où chaque personnalité envoie son élément le plus intelligent ou son alter égo. Ceci a abouti à une équipe intellectuellement et techniquement solide, c’était des gens qui connaissaient bien la matière politique. Je disais qu’il ne suffit pas de gagner les élections, il faut le faire asseoir sur un socle politique. Si on envoie un projet de loi à l’Assemblée et puisqu’on n’a pas un socle politique, on est contraint de louer des élus parlementaires pour sauver la face. Mais cette approche qui est fort détestable et scandaleuse, ne marche pas toujours. Là-bas, tout est politique. Et, seule la valeur politique que vous représentez, a cours dans ce marché.
Vous pouvez me donner cent millions et l’instant d’après, des raisons politiques peuvent me contraindre à changer de posture ! L’autre va à l’Assemblée Nationale et va faire du lyrisme et va appeler Victor Hugo dans une assemblée béninoise. Cela ne convainc personne et a eu pour effet d’irriter plus d’un député. Les avis ont évolué péjorativement pour permettre la constitution d’une minorité de blocage qui reporte sine die la révision de la Constitution. C’est un fait politique à la fois frustrant et salutaire. Cette situation devrait être transformée en opportunité.

Un jeune de 39 ans est sur le point d’être président de la République en France, cela peut-il inspirer la politique béninoise ?
Ecoutez, aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Nous avions historiquement  fixé entre 40 et 70ans la tranche des Béninois aptes à diriger le Bénin. Le risque à conjurer à l’époque grâce à de telles dispositions a-t-il disparu de nos jours ? Une réponse objective déterminera la conduite à tenir.
Je connais des septuagénaires qui attendent encore un baroud d’honneur. Il y a des jeunes de moins de 40 ans qui sont fringants, flamboyants, qui en imposent par leur prestance.  Il y a également des gens qui ont plus de 70 ans et qui sont non seulement compétents et fringants mais également pleins d’expériences de toutes sortes.
Engageons les échanges sur les bonnes questions et nous parviendrons à coup sûr, à nous entendre sur des résolutions pertinentes communes pour faire avancer les choses.

Votre conclusion
– Aider les gouvernants à bien gouverner, à diriger correctement ce peuple.
-Sortir ce peuple de la pauvreté, c’est la seule chose qui mérite un combat réel. J’en ai fait tellement ma chose qu’aujourd’hui, j’ai quand même des propositions. Le dernier projet de société que j’ai eu à écrire est là. Lisez, et vous comprendrez comment, sans grandes dépenses, nous pouvons vaincre la pauvreté au Bénin. Parce que Dieu nous a donné beaucoup trop de choses pour dix millions d’habitants. Dix millions d’habitants, c’est l’équivalent de la population d’une ville moyenne d’ailleurs. Le défi n’excède donc pas la responsabilité d’un conseil municipal animé par un maire ;  c’est le travail d’un bourgmestre. Pour résoudre un problème, il faut savoir le simplifier. Voilà mon approche : il faut se dire que le Bénin, c’est dix millions d’habitants, ce n’est pas plus peuplé que la ville d’Ibadan, et Dieu nous donne 115.600 km2, où tout pousse sans être semé. La partie la plus aride de notre pays est la partie la plus humide d’autres pays et, nous n’avons pas honte d’importer des agrumes, et des produits maraichers de ces pays. Nous importons du riz alors que nous avons des marécages où pullulent les anophèles qui nous rendent malades. Nous avons des zones humides immenses qui constituent autant d’opportunités pour faire des cultures de produits maraichers  Je vous dis, c’est vraiment malheureux. Notre pays est divinement couché à côté de la première économie d’Afrique, il possède un littoral maritime de 125kilomètres qui constitue la porte océane des pays de l’hinterland, leur accès à la mer. En tout état de cause, on ne peut pas recevoir tant de grâces de Dieu et se plaindre qu’on est pauvre. Evitons que tout cela tombe dans les mains d’étrangers qui n’en savent rien et qui ne peuvent rien pour nous.
– Comptons sur notre peuple et sur notre élite. Restons ensemble et travaillons. C’est vrai que certains donnent l’impression qu’on peut tout avoir sans rien faire. Mais ceux qui savent que seul le travail produit des richesses, n’ont qu’à donner le bon exemple. Personne ne prend ses sous pour construire un pays. C’est le peuple qui développe son pays. En tout état de cause, l’inclusion, la participation populaire ou communautaire au travail de production de la richesse est la voie royale pour la victoire sur la pauvreté, ce n’est pas la mobilisation seulement des ressources extérieures. Vous n’aurez rien fait, si vous endettez le pays pour construire quelques routes ici et là.
– La logique qui a réduit le peuple béninois à la misère doit être repensée s’il doit connaître le progrès. Si nous nous contentons de mobiliser les ressources extérieures pour construire quelques routes, nous n’aurons pas fait grand-chose à la fin.
– Le développement effectif, c’est celui qui s’appuie sur la production diversifiée de richesses, celui qui est souché sur l’organisation de filières agricoles, la transformation des produits agricoles et leur commercialisation. Car on ne peut pas disposer tant de terres arables et ne même pas construire une seule filière viable !
La seule filière viable est maintenant pourrie par la corruption, le vol et ce coton fait l’objet de toutes les convoitises, capte toute notre attention, confisque notre sollicitude et on ne peut plus rien faire d’autre quand nous en avons produit 400.000 tonnes en une saison contre près de sept cent mille tonnes au Burkina Faso…
Allez en Côte d’Ivoire, c’est cinquante filières agricoles  à peu près. Ils ont connu dix ans de guerre civile, et quand ils l’ont arrêtée, ils ont continué de peser 47% de toutes les ressources d’exportation de l’UEMOA. Pour que le petit Anglais prenne son café, c’est la Côte d’Ivoire ; pour que le petit Suisse mange son chocolat, c’est la Côte d’ivoire. Ce pays figure au top10 mondial dans plus d’une dizaine de spéculations et nous, nous sommes incapables de construire deux filières agricoles viables. C’est ça, les vrais problèmes.  Structurons notre économie, faisons en sorte que ce que Dieu nous accorde de plus gratuit, la terre, puisse nous servir à grandir. Si nous produisons et nous transformons, nous  vendrons à un prix rémunérateur. Le coton, je ne veux plus en entendre parler, c’est une filière comme les autres et c’est tout. Et si nous ne pouvons pas organiser 50 filières, allons-y pour dix, pour douze. Nos cadres ont inventé le PS RSA (plan stratégique de relance du secteur agricole) que des gens sont venus tricher ici. Ils sont déjà dans la mise en œuvre avec trois, quatre, cinq filières qui portent déjà. C’est seulement maintenant que nous commençons à balbutier par la création des régions économiques et des agences régionales pour le développement agricole. On ne peut pas continuer comme nous faisons. Le développement est ailleurs. On ne peut plus continuer à vivre de la douane et des impôts seulement. Donc, il faut produire en commençant par une diversification agricole qui prend appui sur l’organisation d’une quinzaine ou une douzaine de filières dans six ou sept régions spécialisées. L’occident ou l’Europe, ne peut plus rien pour aucun pays. Notre peuple doit être mis au travail dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais. Car, nous ne produisons rien et vivons seulement d’emprunts et de taxes Ce qu’il faut faire pour guérir ce pays, je l’ai dit.
-Que les dirigeants changent complètement de méthode de gestion, changent de gouvernance. Qu’ils changent même d’équipe. Vous ne pouvez pas prendre les outils d’un système pour gérer un autre.
-Le grand besoin est d’ordre politique. Il lui faut un groupe politique, un bureau politique pour faire éviter au régime les graves erreurs et insuffisances notées.

– Il faut une cellule juridique et une cellule de communication assise sur un système réticulaire et le soutien des renseignements généraux performants, pour affermir le régime et le rendre plus crédible aux yeux du peuple.

Carte d’identité: Une blouse blanche en politique

Médecin interniste, qu’est-ce à dire ? Il est d’abord un médecin. Jean Alexandre Hountondji est médecin, avec une thèse d’Etat soutenue à la faculté des sciences de la santé en 1980, sur la morbidité et la mortalité en médecine interne au CNHU  de Cotonou. Mais il s’est spécialisé en  médecine interne. En effet, après son doctorat, il a dû faire quatre années d’études supplémentaires pour devenir médecin interniste. La formation repose sur des matières fondamentales réputées difficiles. Le médecin interniste est un touche-à-tout. Il fait la synthèse de toutes les spécialités, mais dans une corrélation donnée. Pour finir, il faut faire « l’hyperspécialisation ». Jean Alexandre Hountondji a alors fait une autre spécialité en infectiologie qui est l’étude des infections.  Cet homme à la carrure de boxeur, est issu de l’une des vieilles familles d’Abomey. Né vers 1953 à Tori-Bossito, il s’est révélé d’une intelligence précoce. Il est autorisé en classe de CM1 à passer son certificat d’études primaires, dans son village. On était en 1964. Les luttes politiques de ces premières années d’indépendance battaient leur plein. Son père étant l’une des têtes de proue de l’Union démocratique dahoméenne (UDD), parti emblématique du très charismatique Justin Tométin Ahomadégbé, il voit défiler chez lui des célébrités politiques du moment.  C’est lors de ces rencontres fréquentes qu’il fit la connaissance de Justin Tométin Ahomadégbé dont la prestance, l’éloquence, le patriotisme et le charisme l’éblouirent. Il décida de faire comme lui et d’être médecin. « Quand le docteur venait, c’était toujours la fête, se rappelle-t-il. Il y avait à boire et à manger.» C’est donc son père qui le confia au docteur Ahomadégbé qui devint son tuteur. « Un jour, dit-il,  à son arrivée, mon père lui dit que parmi  ses enfants, il y a un qui souhaite devenir docteur. C’est là que le docteur m’a pris par l’index et m’appela ‘’Cher collègue’’. Et le sobriquet est resté tel jusqu’à sa mort. Je l’aime beaucoup. C’est ce qui m’a amené à aller dans le métier et par la suite en politique. » Jean Alexandre fait d’abord le Lycée Béhanzin à Porto-Novo, avant que son tuteur qui avait des amis sûrs au collège Léon Bourgine, décide qu’il quitte ce lycée pourtant légendaire. «C’est un monsieur qui aimait l’éducation de type fort. Il nous matait. C’est un dirigiste, mais il le faisait pour notre bien ». C’est donc à Léon Bourgine, toujours à Porto-Novo, qu’il passe son Bepc, son examen probatoire et finalement son Bac D. Ce Bac obtenu en  1973 lui ouvre les portes de la Faculté des sciences de la santé. Devenu médecin après son doctorat d’Etat, il est affecté à So-Ava, un poste en création qu’il a pris de mains de maître et dirigé avec succès. « Tous les centres de santé que vous voyez là, c’est moi qui les ai créés, depuis So-Zounko, So-Tchanhoué, Houédo-Aguékon, Wodomè, Womè-Lokpo, jusqu’à Ganvié, etc. », dit-il. Quatre ans plus tard, le voilà à  Ouidah. Mais on était au cœur des années de plomb. Le régime révolutionnaire de Mathieu Kérékou battait son plein et Jean Alexandre Hountondji réussit à échapper à la persécution qui le guettait du fait de ses activités politiques. On était en 1986. Il arrive à Paris,  accueilli par des amis à l’université de Créteil, pour continuer ses études de spécialité en médecine interne. Son thème de soutenance : « Les espèces virose et le VIH » sous la direction du professeur  Christian Laffaire.   De retour au pays, la politique qui l’avait bercé dès le berceau, prit le dessus. Il est élu député à la deuxième législature et secrétaire parlementaire dans un bureau dirigé à l’époque par Adrien Houngbédji. Grâce à ce travail parlementaire, il pouvait encore avoir un peu de temps pour s’inscrire  à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), où il a  pu faire une formation en santé publique. Déjà  infectiologue et l’un des tout premiers spécialistes du Sida, il accrocha ce diplôme de santé publique à son palmarès.  En 1997, il fut nommé Directeur départemental de la santé de l’Atlantique-Littoral, poste qu’il ne quitta pas avant 2007, soit une longévité record de dix ans. Il fut l’un des fondateurs de l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant (HOMEL) qui fut certifié  ISO 9001. Jean Alexandre Hountondji le reconnait humblement, il fut l’une des chevilles ouvrières de l’arrivée au pouvoir de Boni Yayi en 2006.  Ministre chargé des relations avec les institutions de 2007 à 2008, il avoue qu’il a fini par tomber amoureux de son pays.   « Vous êtes prêts à tout laisser pour ça ».  Et quand on lui demande quel bon souvenir il garde de son ami Yayi, il n’hésite pas : « Il est un maniaque du travail. Yayi Boni est un hyper actif. Une journée qui commence  se termine le lendemain. Il travaille. Même à 1 heure du matin, on est toujours au travail, en Conseil. C’est un grand bosseur ». Mais malgré son amitié pour lui, la séparation devait intervenir en 2012.  Tous les chefs du monde, dit-il, font des erreurs de débutant  à un moment ou à un autre de leur gouvernance. « Et il faut savoir dire ‘’Non’’. Et c’est tout un art de dire ‘’Non’’ quand on sert un chef d’Etat ».

Intimité

Le sens de l’altérité

Jean Alexandre Hountondji est l’homme d’une femme. « Je ne me connais pas de maîtresse », dit-il. Remarié après avoir été veuf, il est le père de cinq enfants, dont la dernière prépare une thèse de doctorat en gynécologie. A table, il aime bien le ‘’man tindjan’’ et la pâte de maïs, comme tout bon Aboméen. Sa boisson préférée reste l’eau, même s’il prend aujourd’hui du vin de table.  Son sport préféré reste  le football qu’il a pratiqué pendant longtemps.  Même s’il n’aime rien de spécifique chez l’être humain, il reconnait que son engagement en politique est surtout pour satisfaire son désir de servir les autres. Si vous voulez donc être son ami, soyez l’ami des gens.

La Rédaction

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2 thoughts on “Le Président de la Coalition de la Rupture, Alexandre Hountondji « SOUS L’ARBRE À PALABRES », AU SIÈGE DE L’ÉVÉNEMENT PRÉCIS: Des révélations sur la coalition de la rupture, Yayi et Talon

  1. DJENONTIN Ignace

    Merci à toute l’équipe Evènement Précis pour notre information et éclairage avec ces genres d’entretien publiés dans leur entièreté et GRATUITEMENT
    Bravo

  2. DJENONTIN Ignace

    j’oubliais de dire à Mr Agognon Gérard toutes mes félicitations de savoir diriger et dynamiser son équipe de jeunes talents

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