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Verdict du juge constitutionnel au sujet des expropriés de la route Akassato – Bohicon: La Cour condamne le retard de l’Etat dans le dédommagement des victimes


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le Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo, représenté par Monsieur Odilon Houedanou, a formulé  un recours à la haute juridiction le 03 février 2016 pour expropriation illégale, Contrôle de conformité, Atteintes aux biens, Droit de propriété, Irrecevabilité  etc… La Cour, après analyse des faits et des circonstances, a déclaré irrecevable le recours de Monsieur Odilon HOUEDANOU dans sa décision DCC 17 – 016 du 31 Janvier 2017 en son article premier. Certes, la haute juridiction dans sa prononciation d’office a reconnu dans l’article 3 de la même décision qu’il y a eu violation de la constitution.

DECISION DCC 17 – 016 DU 31 JANVIER 2017

Date : 31 janvier 2017
Requérant : Odilon HOUEDANOU représentant « le Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo »
Contrôle de conformité
Atteintes aux biens
Droit de propriété
Irrecevabilité
Prononcé d’office
Violation de la Constitution

La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 03 février 2016 enregistrée à son secrétariat le 15 février 2016 sous le numéro 0337/017/REC, par laquelle « le Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo », représenté par Monsieur Odilon HOUEDANOU, forme un recours pour expropriation illégale ;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Akibou IBRAHIM G. en son rapport ;
Après en avoir délibéré,

CONTENU DU RECOURS
Considérant que le requérant expose : « Dans le cadre de l’exécution du marché de construction de la route inter-Etats n° 2 Akassato-Bohicon, portant sur plus de 100 kilomètres de voies bitumées à travers ce tronçon, toutes nos habitations et autres installations commerciales ont été détruites au profit de l’intérêt général.
Ces actes de destruction portent sérieusement atteinte à nos droits en ce qu’ils violent les dispositions des articles 22 de la Constitution … et 250 de la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin ; lesquelles dispositions énoncent clairement que : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement ». « Lorsque l’expropriation urgente nécessite le déménagement immédiat des populations, l’autorité expropriante est tenue de leur fournir hébergement et/ou une provision sur l’indemnité d’éviction ».
En dépit de tout cela, nos installations ont été détruites sans ménagement et sans aucune mesure protectrice de nos droits reconnus par les textes ci-dessus cités.
Depuis près de deux (02) ans, nous sommes laissés pour compte, nos biens sont laissés en proie aux intempéries de toutes sortes et au pillage. Bon nombre de membres de nos familles respectives dorment à la belle étoile.
Cette situation a mis en péril toutes nos activités commerciales ainsi que toutes nos obligations vis-à-vis de nos partenaires et clients avec lesquels nous avons conclu d’importants contrats de partenariat.
La dégradation de nos moyens financiers à l’issue de cette situation nous a mis dans l’incapacité de subvenir aux besoins humanitaires de nos familles.
Nous ne mangeons plus à notre faim parce que nous n’avons plus d’activités ni de toit où dormir… Toutes nos démarches tant amiables qu’extra judiciaires, notamment la signification de la correspondance … du 20/01/2016 dénoncée le 22 janvier 2016 à l’endroit des responsables du pouvoir exécutif, local et sécuritaire à l’effet d’obtenir un règlement amiable du payement de nos indemnités de dédommagement dans le cadre de l’expropriation de nos biens immobiliers … pour cause d’utilité publique, sont avérées vaines.
Pendant que la saison des pluies avance à grand pas pour le mois de mars, nous n’avons pas encore d’abri où rester avec nos effets. Nous constatons que nous sommes lésés et que l’autorité hiérarchique n’a rien fait pour sauvegarder notre droit constitutionnel. Le Collectif des victimes, par la voix de son porte-parole, rappelle à la Cour que les préjudices matériel et moral sont importants et ne peuvent en l’état être évalués pour le moment. Environ plus de 120 ménages sont déstabilisés du fait de ces actes et plusieurs habitations détruites.
C’est pourquoi, nous venons … porter à votre … attention ces faits afin que l’ordre constitutionnel soit rétabli et que réparation soit faite » ;

INSTRUCTION DU RECOURS
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour lui demandant de fournir à la haute juridiction, la preuve de la capacité du Collectif des victimes d’expropriation de l’arrondissement de Colli et de Houègbo, commune de Toffo à ester en justice, le requérant produit une copie du récépissé d’enregistrement non pas du collectif auquel il appartient, mais plutôt de l’association intercommunale de la sauvegarde des intérêts des riverains sinistrés dans la réalisation de la voie inter-Etats n° 2 Akassato sortie Glo-Djigbé avec laquelle ledit collectif fait front commun ; qu’au demeurant, il convient de remarquer que, d’une part, les noms des responsables du collectif ne correspondent pas à ceux des responsables de l’association, d’autre part, le nom du requérant ne figure que sur la liste des responsables du collectif ;
Considérant que de son côté, le Ministre des Infrastructures et des Transports, Monsieur Hervé HEHOMEY, invité à faire connaître à la Cour ses observations sur les faits invoqués par le requérant, affirme : « … La réhabilitation de la route Akassato-Bohicon est un projet financé sur un prêt de la République populaire de Chine. Dans le cadre de ce projet, les obligations essentielles à la charge de la partie béninoise portent sur la libération totale et la mise à disposition de l’emprise des travaux. Cette opération donne lieu à une procédure d’expropriation au terme de laquelle, les propriétaires des domaines et infrastructures se trouvant dans l’emprise bénéficient d’une indemnisation.
Conformément aux normes et pratiques en la matière, il a été créé par l’arrêté n° 051/MTPT-PR/DC/SG/DGTP/DTN/ Coord-H/SA du 10 septembre 2012, une commission intermi-nistérielle chargée d’étudier les problèmes de dédommagement des victimes d’expropriation des bâtiments, infrastructures et domaines situés dans l’emprise des travaux. Ladite commission, dans le souci d’assurer un caractère inclusif et participatif des opérations de dédommagement, regroupe tous les acteurs concernés par le projet y compris les représentants des sinistrés.
Au nombre des actions réalisées par la commission, il y a eu la sensibilisation et le recensement des sinistrés ainsi que le relevé physique des domaines et bâtisses concernés, assorti des fiches de constats contradictoires sur la base desquels, chaque sinistré est fixé sur le montant de l’indemnisation qu’il devra percevoir.
Il convient de faire remarquer que par le décret n° 2001-92 du 20 février 2001 portant classement des voies, la route Godomey-Parakou-Malanville sur laquelle se situe l’axe objet des travaux, est classée Route nationale inter-Etats n° 2 et a une emprise administrative de quarante (40) mètres.

Par la communication n° 1237/14, la commission a rendu compte au Conseil des Ministres de l’évaluation du montant de l’indemnisation des sinistrés des agglomérations de Bohicon, Zogbodomey, Sèhouè et Guèmè qui s’élève à un milliard deux cent vingt-et-un millions neuf cent six mille huit cent quarante-deux (1.221.906.842) francs CFA pour le dédommagement de huit cent deux (802) sinistrés. En approuvant ce montant, le Conseil des Ministres en sa session du 25 novembre 2014, a ordonné la mise à disposition dudit montant à la commission qui a effectivement démarré les paiements dans certaines des localités concernées à partir du jeudi 13 août 2015.
A ce jour, les activités d’indemnisation se poursuivent dans les agglomérations de Houègbo, Colli, Hinvi, Attogon, Allada, Sékou, Zê, Glo-Djigbé, Adjagbo et Akassato. Le montant de ces indemnisations est estimé à deux milliards quatre cent vingt-six millions trois cent quatre-vingt-seize mille deux cent vingt-deux (2.426.396.222) francs CFA pour un effectif de mille deux cent cinquante (1250) sinistrés environ. Des dispositions sont en cours pour mobiliser auprès du budget national ces ressources afin de démarrer les paiements dans ces localités à la satisfaction des populations.
En ce qui concerne les requérants, ils sont pris en compte dans les sinistrés de Houègbo et de Sèhouè ; ces deux agglomérations relevant du territoire de la commune de Toffo. Il faut cependant noter que certains sinistrés ont contesté l’estimation du montant de l’indemnisation qui leur est proposé par le comité. Lesdites contestations n’ont pas été prises en compte dans la détermination du montant total de 5 l’indemnisation sus-cité. Toutefois, une provision est faite lors de la mobilisation des ressources pour ces cas de contestations et d’omissions. Par ailleurs, les négociations se poursuivent avec ces derniers afin qu’il soit tenu compte dans la limite de l’acceptable de leurs revendications » ;

ANALYSE DU RECOURS
Considérant qu’aux termes de l’article 31 alinéa 2 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle : «… Pour être valable, la requête émanant d’une organisation non gouvernementale, d’une association ou d’un citoyen doit comporter ses nom, prénoms, adresse précise et signature ou empreinte digitale » ; que cette disposition impose à tout collectif ou toute association de justifier de sa capacité à ester en justice en rapportant la preuve de son existence légale par son enregistrement au ministère de l’Intérieur ; que le requérant n’a pas apporté à la Cour ladite preuve ; qu’il s’ensuit que « le Collectif des victimes d’expro-priation de l’arrondissement de Colli et de Houègbo, commune de Toffo, dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon » n’a pas qualité pour ester en justice ; qu’ il échet pour la Cour de dire et juger que la requête sous examen est irrecevable ;
Considérant que toutefois ladite requête fait état de la violation des droits de l’Homme, notamment du droit de propriété ; qu’il y a lieu pour la Cour, en vertu des dispositions de l’article 121 alinéa 2 de la Constitution, de se prononcer d’office ;
Considérant que l’article 22 de la Constitution énonce : « Toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et contre juste et préalable dédommagement » ;
Considérant qu’il ressort de l’analyse du dossier, notamment de la réponse du Ministre que : « Conformément aux normes et pratiques en la matière, il a été créé par l’arrêté n° 051/ MTPT-PR/DC/SG/DGTP/DTN/Coord-H/SA du 10 septembre 2012, une commission interministérielle chargée d’étudier les problèmes de dédommagement des victimes d’expropriation des bâtiments, infrastructures et domaines situés dans l’emprise des travaux… La commission … a effectivement démarré les paiements dans certaines des localités concernées à partir du jeudi 13 août 2015 … A ce jour, les activités d’indemnisation se poursuivent dans les agglomérations de Houègbo, Colli, Hinvi, Attogon, Allada, Sékou, Zê, Glo-Djigbé, Adjagbo et Akassato » ; qu’il se dégage de tout ce qui précède que les activités de dédommagement qui sont toujours en cours n’ont pas précédé les opérations d’expropriation comme l’exige l’article 22 précité de la Constitution ; qu’il s’ensuit que l’expropriation des membres du « Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo », sans un juste et préalable dédommagement est contraire à la Constitution ;

D E C I D E :
Article 1er : La requête du « Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo », représenté par Monsieur Odilon HOUEDANOU est irrecevable.
Article 2 : La Cour se prononce d’office.
Article 3 : Il y a violation de la Constitution.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Odilon HOUEDANOU, représentant du « Collectif des victimes d’expropriation dans le cadre de la construction de la route inter-Etats Akassato-Bohicon de l’arrondissement de Colli et de Houègbo dans la commune de Toffo », à Monsieur le Ministre des Infrastructures et des Transports publics et publiée au Journal officiel.

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