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Le triomphe de la vérité

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Edito: La guerre a commencé


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logo journalEt ce qui devait arriver depuis des décennies arriva: le Bénin est entré en guerre commerciale contre le Nigeria.
En vérité, le pays n’avait pas le choix. Pendant longtemps, le Bénin a préféré adosser son économie sur les potentialités de consommation du marché      nigérian, en fermant les yeux sur les nombreuses barrières commerciales érigées par Abuja. Peu d’industriels béninois peuvent dire sincèrement qu’ils arrivent à vendre sereinement sur le territoire nigérian. Par contre, nous sommes restés champions de la réexportation, et ouverts à tout ce qui vient de l’autre côté de nos frontières.
J’entends encore nombre d’économistes et de leaders politiques gloser à longueur d’interviews sur « la chance » que constitue le marché de notre voisin de l’Est. Personne n’a semblé voir qu’Abuja inonde notre marché de produits manufacturés qui tuent systématiquement toute production industrielle chez nous. Les rares unités industrielles qui existent aujourd’hui, vivotent parce que submergées par la concurrence des produits nigérians.
Aujourd’hui, la menace a été multipliée par trois. Le Nigeria en récession a dévalué sa monnaie, permettant aux grosses firmes du pays de conquérir les marchés environnants. D’où la guerre Goldberg-Béninoise qui fait rage depuis quelques mois. La bière nigériane Goldberg est plébiscitée par le consommateur béninois qui la trouve moins chère et plus raffinée. Mieux, les sodas provenant du Nigeria, vendus à vil prix sur nos marchés, prennent d’assaut bars et restaurants ainsi que les cérémonies funèbres. Ils ne font aucun cadeau aux produits de la SOBEBRA. C’est un énorme manque-à-gagner pour la SOBEBRA et toutes les brasseries du Bénin.
En plus des brasseries, ce sont les cimenteries qui sont dans l’oeil du cyclone. Dangote Cement  a déjà investi les marchés ghanéens et togolais avec un dumping commercial des plus sauvages. Environ deux mille gros porteurs débarquent quotidiennement des centaines de tonnes de ciments dans ces deux pays. A Lomé, les ciments Dangote sont vendus 66.000 F la tonne, au lieu de 81.000 F fixés par arrêté ministériel. Après avoir résisté pendant longtemps, les autorités de Lomé ont fini par céder aux avances du milliardaire nigérian qui fera d’une bouchée les trois usines cimentières du pays, sauf si elles parviennent à faire plier le gouvernement pour éviter une ouverture du secteur à la concurrence. Il en est de même du Bénin où l’informel dicte sa loi dans les communes frontalières. Dans ces communes, le ciment est descendu jusqu’autour de 50.000 F la tonne contre environ 70.000 F pour les autres usines du secteur. La production actuellement excédentaire inonde le marché et fait baisser les prix. Et la question est de savoir jusqu’à quand nos cimenteries pourront encore tenir.
L’interdiction annoncée des importations terrestres hors produits communautaires, se situe dans la droite ligne des mesures de riposte prises par la douane béninoise face à la catastrophe qui s’annonce. Elle devrait contrecarrer tous les détaillants et même les grossistes qui s’approvisionnent en produits manufacturés importés d’Europe ou d’Asie au Nigeria et surtout à Lomé.  Cela devrait donner un certain regain d’activités au port de Cotonou qui subit de plein fouet le détournement de ses trafics vers Lomé, le port de Lomé offrant de meilleurs tarifs. Ce qui est visé, c’est surtout les produits provenant du Nigeria. Les autorités béninoises pourraient alors disposer d’une arme de négociation face à Abuja qui a toujours eu la latitude de bloquer les réexportations en provenance du Bénin, comme bon lui semble.
Personne, cependant ne pourrait préjuger l’issue de la guerre qui est ainsi ouverte. Les autorités douanières béninoises font actuellement une chasse féroce aux produits de brasserie nigériane, faisant planer le spectre d’une riposte  d’Abuja.    Cette chasse sera proprement inefficace, si l’on voit la porosité des frontières nationales et le peu de moyens humains et matériels dont disposent les douanes béninoises pour couvrir les 700 km de frontière entre les deux pays. Il est clair qu’il s’agit de mesures policières dont la pérennité   même, si pérennité il y a, ne peut occulter le problème de fond qui est celui de la construction d’une véritable économie productive.
De ce point de vue, le Nigeria a toutes les cartes en main, s’il décide de répondre de façon diplomatique aux mesures béninoises. Il pourrait recourir au principe sacro-saint de la libre circulation des biens contenus dans les accords créant la CEDEAO. Ma conviction profonde est que le Bénin  n’a plus d’autre choix que de résister pour sauver son industrie et son économie menacées de toutes parts par la toute-puissance nigériane.

Par Olivier ALLOCHEME

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