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Le triomphe de la vérité

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Edito: Reconquérir notre identité


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Romuald Hazoumè est littéralement révolté contre la demande béninoise exprimée ce 27 juillet. Le gouvernement béninois a, en effet, demandé à la France le rapatriement des biens patrimoniaux pillés ou volés durant des décennies et qui sont aujourd’hui soigneusement gardés dans les musées français. L’artiste béninois, qui réside et travaille à Porto-Novo, a publié une chronique le 17 septembre dernier dans le magazine français Télérama, chronique dans laquelle il s’insurge contre la demande de son pays et parle plutôt d’un « acte politique »  qui ne tient pas compte des réalités de notre pays. Pour lui, les Béninois méprisent et volent leurs propres patrimoines culturels. « Cela fait cinquante ans que notre culture est à l’abandon », dit-il. Il donne alors cet exemple : « Le musée d’Abomey est dans un état pitoyable, il n’est pas entretenu, il n’y a pas assez de gardiens alors qu’il a été rénové en 2003 par l’Unesco, avec la Fondation Getty et de nombreux pays, dont la France, l’Italie et le Japon. Aujourd’hui, tout est laissé à l’abandon. »

De fait, il y a aujourd’hui plus de 5550 objets culturels béninois  au musée du Quai Branly-Jacques Chirac qui se trouve  en France. Parmi ces objets patrimoniaux, on peut retrouver le trône authentique de Béhanzin ou encore des têtes de bronze de plus de 200 ans et  des masques pendentifs précoloniaux.  Le visiteur peut admirer au moins trois  grandes statues royales botchio du Royaume du Danhomè : mi-homme mi-requin du roi Béhanzin (1890-92),  mi-homme mi-oiseau du roi Ghézo, (XIXe siècle),  mi-homme mi-lion du roi Glèlè, (1858-1889). Ce sont des trésors inestimables que nos enfants ne verront jamais que sur le papier glacé des magazines spécialisés ou à la télé, alors qu’ils font partie intégrante de leur histoire.  Il n’y a pas plus grand désastre pour un pays. Bien sûr, en les rapatriant dans nos musées, le risque est grand de les voir disparaître. Plus de 300 œuvres ont été  volées au musée d’Abomey depuis une douzaine d’années. De quoi enrager davantage Romuald Hazoumè.

Seulement, il y a plus de mal à déposséder un peuple de son patrimoine culturel qu’à le voir abandonner celui-ci par ignorance ou par impuissance. Le mal le plus grave de ce pays, ce n’est ni le sous-développement ni l’absence de ressources minières : c’est l’absence de conscience patriotique. Or donc, avec quoi construisons-nous cette conscience patriotique ?  Avec nos biens patrimoniaux qui parlent à la conscience de chacun pour faire de chaque fils et de chaque fille de chez nous les continuateurs des œuvres de nos ancêtres. A l’état actuel de conscience patriotique au Bénin, il est illusoire d’espérer le développement dans un pays dont les élites sont toutes entières tournées vers l’Occident. Un pays bourré de matières premières comme le Congo-Kinshasa prouve tous les jours que l’origine même de la pauvreté des peuples est leur inconscience.

Regardez donc votre maison et dites moi, en dehors du ciment et du sable, les matériaux béninois qui y figurent. Regardez votre habillement, et dites moi quel couturier vous avez enrichi, à quel industriel  vous avez donné votre argent en l’achetant. Est-ce un Béninois ? En répondant non à cette question, on ne peut continuer à nous morfondre sur notre sort. La tragédie des peuples sous-développés, c’est de penser que leur salut viendra d’ailleurs. Aucun peuple, depuis la création de l’univers, ne s’est développé en se tournant uniquement vers l’extérieur.

De ce point de vue,  le patrimoine matériel sert de tremplin à la reconquête de notre identité. Ce n’est pas pour rien qu’en France, il y a des milliers de musées jalousement entretenus pour dire à chacun quelle est sa responsabilité dans la construction du pays. Ces lieux de mémoires sont aussi de formidables sources de devises, puisqu’ils engendrent des flux de visiteurs nationaux et étrangers qui créent des milliers d’emplois et engendrent une économie du tourisme évaluée à plusieurs milliards d’euros. Cette économie peut aussi être développée chez nous pour nous rendre les deux services des objets patrimoniaux : redonner la fierté d’être béninois et développer l’économie locale.

Il ne faut cependant pas blâmer ceux qui, comme Romuald Hazoumè, soutiennent la thèse contraire. Ils rappellent utilement cet impératif : penser le projet de rapatriement comme une vision de protection absolue de nos biens culturels pour construire des citoyens ayant des repères. Il participera à changer l’ADN du Béninois pour l’obliger à aller vers le progrès.

Par Olivier ALLOCHEME

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