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Le triomphe de la vérité

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Hamadou Tidiane Sy : « C’est un besoin de former des journalistes qui soient sensibles au genre »


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Hamadou Tidiane SyDu 24 au 26 août 2016, le projet de renforcement de capacités de l’Union des journalistes de l’Afrique de l’ouest  (UJAO/PRC) en partenariat avec l’Ecole supérieure de journalisme, des métiers de l’Internet et de la communication  (E-jicom), basée à Dakar au Sénégal, a formé à Cotonou, vingt (20)  journalistes, hommes et femmes, sur le reportage sensible au genre.Principal formateur, Hamadou Tidiane Sy, le Directeur de E-jicom revient ici sur cette formation.Le spécialiste des média et de la communication s’exprime aussi sur la nécessité aujourd’hui pour les journalistes de prendre en compte toutes les composantes de la société dans le cadre de leur travail.

 L’Evénement Précis : E-jicom dont vous êtes le directeur vient de former vingt  journalistes béninois sur la question du genre.Est-ce un besoin de le faire?

Hamadou Tidiane Sy : Former des journalistes qui comprennent le genre et qui soient sensibles au genre, oui c’est un besoin. Le programme de renforcement de capacités de l’UJAO a été lancé il y a trois ans à partir d’un constat. Le constat,  c’était que les médias n’avaient pas une bonne compréhension de la question du genre comme beaucoup d’autres segments de la société, qu’il y avait des déséquilibres dans la manière de traiter l’information et c’était un déséquilibre en défaveur des femmes et que, si nous voulons prendre le genre en compte, ça veut dire, prendre en compte toutes les composantes de la société, que ce soient des hommes ou que ce soient des femmes, qu’il  fallait déjà, au niveau des rédactions,  aider à corriger ces déséquilibres. Corriger ces déséquilibres en faisant qu’il y ait le respect du genre, déjà dans les rédactions, qu’il y ait autant de femmes que d’hommes, et que ces femmes soient aussi compétentes que les hommes. Le deuxième aspect, c’est que dans le traitement de l’information, les journalistes se souviennent qu’il y a des problèmes de société qui sont liés au genre que nous reproduisons, et éviter de les reproduire. Le programme, en quelque sorte, visait à corriger les déséquilibres que nous avons dans la société à travers une bonne formation des journalistes.

 

Comment vous sentez-vous à l’issue de cette formation de journalistes béninois ?

Je suis satisfait, parce que les deux facilitatrices (Hermine Akponna et Makéba Tchibozo, Ndlr) qui ont été formées à Dakar ont restitué très fidèlement l’esprit. Elles ont compris ce que l’UJAO voulait faire, elles ont bien assimilé les choses et dans leur manière de restituer, elles sont parvenues à le placer dans le contexte béninois et à travailler avec leurs consœurs et leurs confrères pour partager leur expérience, parce qu’en fin de compte, c’est de cela qu’il s’agit, partager des expériences sur cette question-là. De ce point de vue,  c’est satisfaisant. L’autre aspect qui est important, c’est que les journalistes reçoivent beaucoup de formations, mais elles ont réussi à mobiliser les participants et les participantes. Elles ont réussi à imposer une certaine rigueur, parce que c’est très facile de réunir les gens pour trois jours, mais réussir à les mobiliser, à les faire participer et à susciter leur intérêt pendant trois jours d’affilée, ça, c’était le plus difficile. Elles l’ont réussi. Ça aussi, c’est quelque chose qui me fait beaucoup plaisir et qui me remplit de satisfaction.

Vous avez sans doute lu, écouté et regardé les médias béninois durant votre séjour. Quelles appréciations en faites-vous?

Comme dans la presse de tant d’autres pays, il y a du bon, il y a du moins bon et il y a du mauvais. Si on prend l’exemple sur lequel nous travaillons, la question du genre, les déséquilibres dont on parle, on les sent. On a même fait des exercices pratiques dessus, on a parcouru la une des journaux, on a vu les déséquilibres dans la représentation des femmes dans la presse, comment les femmes sont représentées dans nos organes de presse. Mais ce n’est pas une spécificité béninoise, c’est quelque chose qui dépasse les frontières du Bénin, c’est quelque chose qui concerne beaucoup de pays. Et ce genre de formation vise à aider les journalistes à prendre conscience de ces phénomènes-là, à les rectifier et à savoir qu’ils ont un rôle. Si nous voulons que nos sociétés changent dans le bon sens, que nos sociétés soient plus équilibrées, que les gens aient les mêmes chances dans la vie et que tous les citoyens et toutes les citoyennes puissent contribuer de manière positive au développement, il nous faudra intégrer forcément toutes les composantes de la société, que ce soient les hommes, que ce soient les femmes.

Que répondez-vous à ceux qui avancent que ça ne sera pas évident, étant donné le conservatisme de la société béninoise?

J’ai une formule que j’aime dire : « on est conservateur quand on a quelque chose à conserver». Je suis sûr que la société béninoise a aussi son propre dynamisme, comme dans toutes les autres sociétés. Je suis sûr qu’il y a des choses qui n’étaient pas acceptées,il y a 10, 20, 100 ans, mais qui sont aujourd’hui acceptées. Je crois que le changement social se fait de manière progressive. Cela dit, la formation ne vise pas à dire que les journalistes doivent tout chambouler. Il n’est pas question de tout chambouler. Il est question de voir, dans ce que nos sociétés font, ce que nous pouvons changer sans forcément créer des conflits, sans créer des situations conflictuelles, sans créer des situations qui peuvent avoir des contrecoups négatifs dans la société. Il s’agit de participer au changement positif de la société, sans forcément tout remettre en question. Il y a des valeurs qui sont là, que tout le monde respecte, que tout le monde accepte. Il n’est pas question de fondamentalement tout remettre en cause. Dans toute société où vous allez, il y a des valeurs, mais il faudrait aussi qu’on ait le courage aussi de discuter de ces valeurs : quelles sont celles avec lesquelles nous pouvons continuer d’exister et rester une société harmonieuse, et quelles sont celles que nous pouvons changer sans que ça ne porte atteinte à notre  société, mais qu’au contraire, ça contribue au développement de notre société.

Quelle sera la suite après la session de Cotonou ?

En tant que principal formateur et en tant que directeur de l’Ecole supérieure de journalisme, des métiers de l’Internet et de la communication qui est chargée de mettre en œuvre ce programme, je serai très heureux si demain, parmi ceux qui ont participé, je vois des gens qui ont progressé dans leur perception des choses, qui ont progressé dans leur manière de traiter l’information. Pour moi, c’est ça la suite. C’est que demain, dans les rédactions, on trouve un meilleur traitement, que parmi les gens qui ont été formés, qu’il y en ait qui soient capables d’expliquer ces choses-là, et de le rendre dans leurs travaux,de manière professionnelle. Je crois que ça sera une excellente suite. Si demain, on me dit qu’un journaliste ou une journaliste parmi les participants,a remporté un prix parce qu’il ou elle a écrit un excellent article sur le genre, ça sera preuve du succès de ce que nous sommes en train de faire.

Réalisé par Flore S. NOBIME

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