.
.

Le triomphe de la vérité

.

Edito: L’ère du faux


Visits: 3

Imaginez le cas de cet officier de l’armée béninoise qui vient d’être rétrogradé. Lieutenant, il est remis soldat de deuxième classe, c’est-à-dire au ras même de la hiérarchie sociale au sein de l’armée. Il venait d’être descendu de son piédestal pour falsification de son Bac avec lequel il avait pu accéder au cours officier lui conférant le grade de Lieutenant. Il passe d’une position de commandement avec tous les avantages à une position de subalterne, d’essuie-pied pour ainsi dire. On le verra bientôt monter la garde comme tout soldat simple. A tous ses parents et amis qui l’ont félicité pour ses états de services, il se fera le devoir de se cacher, toute honte bue. Dans certains pays, c’est un rabaissement qui se solde par le suicide.

  Selon la note de service signé le 17 août dernier par le Chef d’Etat Major Général de l’armée béninoise, vingt trois officiers détenteurs de faux documents (faux diplômes et faux actes de naissance) ont été démasqués suite aux travaux de la commission d’enquête chargée d’élucider la situation de soixante-douze élèves officiers  sortis d’écoles en 2012 et 2013. La hiérarchie militaire ne leur a fait aucun cadeau, au grand soulagement de leurs collègues. Ces choses se savent en effet dans toute corporation digne du nom. Le faux est impossible à camoufler dans une corporation où chacun sait qui a fait quoi, quand et où. Et pourtant, tout s’est passé comme si la possession du pouvoir a finalement aveuglé certains cadres. Ils se sont littéralement enfoncés dans la boue.

Tel étant pilote du chef de l’Etat, exploite ses relations d’influence pour aider son neveu à falsifier son acte de naissance au vu et au su de tous. Tel étant député, fait pression sur le ministre de la fonction publique pour « caser » son fils ou quelques-uns de ses militants même non méritants. Tel autre étant directeur du recrutement des agents de l’Etat, « place » dans les sphères juteuses de la fonction publique ses « frères » du village. Et tel autre étant ministre d’Etat, s’empresse de corrompre toute la chaîne des concours pour déverser la cohorte furieuse de ses amis et de ses parents préposés plus tard aux basses œuvres politiques au sein de l’administration publique.

On avait pensé que ces manœuvres n’étaient possibles qu’au sein des civils. La décision récente du Général AwalBoukoNagnimi est venue montrer que même l’armée est gangrénée par le faux. Les fraudes mises à jour dans le cadre des concours de l’année dernière furent si enfantines et parfois aussi si sophistiquées, qu’on ne peut que s’attarder sur la culture du faux qui a repris ses lettres de noblesse au sein de notre société.

De l’enseignement à la médecine, de l’armée à la justice, de la police à la douane, le faux est devenu l’une des principales caractéristiques du Béninois en col blanc.  S’il vous est arrivé ces dernières années de parcourir quelques projets de séminaires que détiennent jalousement les ex-Directeurs des ressources financières et du matériel (DRFM), vous auriez vu que les simples discours des ministres à ces occasions leur rapportent des centaines de mille, que des personnes totalement étrangères à ces événements y sont inclues juste pour acheter leur silence et « partager la prospérité ». Et que finalement,la floraison des séminaires, conférences et autres foras est due à ces extranéités falsifiées qui permettent à quelques-uns de s’acheter une nouvelle victoire, de construire une nouvelle maison ou de s’offrir une énième maîtresse.Tout cela a été aggravé par la déliquescence du pouvoir Yayi, un régime superbement vautré dans l’épanouissement du faux, à commencer par le Président lui-même. Le poisson pourrit toujours par la tête…

Pourrions-nous nous en sortir avec l’avènement de la Rupture ? Là est la question. Il n’est pas sûr malheureusement, que le faux disparaisse de nos habitudes bien ancrées. L’inclination du Béninois pour les solutions de contournement, les raccourcis faciles ou les accommodations bancales, constitue un puissant frein à toute politique d’intégrité. J’ai envie de dire qu’il appartient au Chef de l’Etat, et à lui seul, de ne jamais baisser la garde. J’ai envie de dire que s’il ne tient pas bon, et fermement bon, il sera vite surpris de constater le retour au galop des dérives qui ont creusé la tombe du yayisme.

Par Olivier ALLOCHEME

Reviews

  • Total Score 0%


Plus sur ce sujet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page