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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’école des élites


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logo 10ans newLa liste des premiers au Bac circule. Elle interpelle tous ceux qui observent depuis quelques années la situation de l’école béninoise. D’ici quelques semaines, les parents de ces surdoués se mettront dans la course aux bourses étrangères, convaincus que leurs rejetons ne seront jamais « quelque chose » qu’en fréquentant les universités européennes ou américaines.  Et l’Etat paie par étudiant un minimum de dix millions de FCFA par an, alors qu’on sait que 90% d’entre eux ne reviendront jamais servir le  pays.

On se retrouve dans la situation paradoxale d’un pays en manque de cerveaux qui finance ces élites  au profit des pays déjà riches. Nous donnons nos meilleurs médecins, nos meilleurs ingénieurs, nos meilleurs juristes, nos meilleurs économistes à la France, aux Etats-Unis, au Canada, à la Chine, à la Turquie depuis des décennies. Et nous nous plaignons après d’être un pays pauvre. Et nous nous plaignons après de manquer de compétences pour développer notre pays.

Ce qui est encore plus grave, c’est la situation de tous ces enfants qui échouent. Pendant que le système met tout en œuvre pour faciliter la vie à ceux qu’il estime être les plus forts et les plus doués en leur ouvrant la voie à un avenir dorée hors de leur pays, il oublie et rejette littéralement tous les autres qui ont commis le tort d’être moyens ou même médiocres. Je vois d’ici ceux de mes anciens camarades que nous considérions comme des surdoués. Parmi ceux qui sont restés au pays, bon nombre ont simplement échoué dans la vie réelle, alors que ceux qui furent considérés comme des cancres s’en sortent aujourd’hui. Certains d’entre eux, avec un peu de chance et à force d’abnégation, ont pu s’accrocher à un métier  qu’ils ont appris et qui les nourrit. Je me souviens encore de deux cancres parfaits, trublions de tous les diables que j’ai connus en faculté, alors que nous autres, brillants étudiants, nous moquions d’eux. Je me rappelle, comme si c’était hier, de leur ferme volonté de s’en sortir, mais aussi de leur paresse presque congénitale. Aujourd’hui, l’un a ouvert on ne sait comment un grand centre touristique, et l’autre est devenu un haut cadre de l’administration. Nous jouions bien les érudits à l’époque, mais la persévérance et la volonté de ces deux me donnent aujourd’hui une leçon supplémentaire sur la qualité de notre système éducatif.

Dans ce système, il y a peu de place pour ceux qui sont moyens, et moins encore pour ceux qui échouent. On les écrase. Tous ceux qui ont des enfants au niveau intellectuel moyen chez eux, en ont honte et passent leur temps à s’en plaindre. Laissez-moi vous le dire : vous vous trompez royalement. Vos enfants, même dénués de talents scolaires ou académiques, peuvent trouver leur chemin demain. Au moment même où j’écris cet éditorial, j’ai reçu l’appel de l’un de mes amis qui n’a jamais pu avoir son Bac, après avoir difficilement décroché son BEPC. Croyant bien faire, son père lui a trouvé un emploi dans une ambassade où il pouvait gagner correctement sa vie. Mais au fil de ses souffrances, mon ami avait acquis la certitude qu’il vaut mieux travailler à être un grand patron qu’un grand employé. Il refusa et s’attira la foudre parentale. Aujourd’hui, il gagne des millions par semaine et n’aura jamais rien à envier au meilleur professeur d’université de ce pays.

C’est pourquoi, les échecs massifs aux récents examens   donnent une idée exacte de l’inadaptation de notre système scolaire aux besoins réels de la société et aux aspirations des jeunes. On travaille à faire échouer les enfants, et l’on s’étonne qu’ils échouent effectivement. Dans les pays riches, ceux que nous appelons cancres, ceux que nous rejetons, sont pris en charge par des méthodes alternatives, formés et mis sur le marché de l’emploi. Combien de fois, nos élèves les plus moyens, parvenus dans le système français où ils disposent de tous les moyens pour exceller, deviennent réellement des étudiants brillants et occupent les premières places. Tous ceux qui connaissent le système éducatif français savent que seuls les enfants les plus irrécupérables peuvent y échouer. Et là encore, la communauté se sent comme le devoir sacré de les hisser vers leur propre insertion sociale.

C’est cela une école : celle qui élève l’individu et s’adapte à son génie.

Par Olivier ALLOCHEME

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