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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec l’administrateur des impôts, Joseph Foundohou: «C’est une erreur de s’accrocher aux postes, même à la retraite »


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Foundohou okAdmis à faire valoir ses droits à la retraite depuis le 1er avril 2016, le directeur de la gestion des ressources à la Direction générale des impôts, Joseph Foundohou, a bien céder sa place le jour même de son départ à la retraite, malgré que son supérieur hiérarchique n’a pu lui trouver un intérimaire si ce n’est lui-même qui a fait une proposition. Au détour d’un entretien accordé à notre rédaction, il invite les agents retraités de l’administration publique à se conformer aux textes en vigueur dans la fonction publique qui précisent leur départ à la retraite après trente années de service.

L’Evénement Précis : Nous sommes au premier mai et vous devez être au bureau. A-t-on déjà nommé un remplaçant à votre poste ?

Joseph Foundohou : Mon remplaçant n’a pas encore été nommé

Mais on dirait que vous avez abandonné votre poste ?
Je ne l’ai pas abandonné. Quelques semaines avant le 1er avril, j’ai attiré l’attention de ma hiérarchie, le directeur général des impôts, que je devais être à la retraite à compter du 1er avril  2016. Je lui ai proposé de réfléchir sur qui il pourrait nommer comme directeur de la gestion des ressources ou, au demeurant, je pouvais lui proposer quelqu’un comme intérimaire si jusqu’au 31 mars 2016, il n’avait pas nommé quelqu’un. Le 31 mars, je lui ai fait la proposition d’une note de service qui choisissait le chef service du matériel et des affaires financières comme intérimaire du directeur chargé de la gestion des ressources. A partir du 1er avril, je suis parti chez mes parents.

Vous êtes chez vos parents et vous n’allez plus au bureau ?
J’ai pris service le 24 mars 1986. Depuis cette date, on m’a bien précisé que 30 ans après la date de prise de fonction donc, le 1er avril 2016, je devais aller à la retraite. Je ne suis pas du tout étonné qu’à partir du 1er avril 2016, je puisse libérer le bureau et que l’administration  puisse nommer quelqu’un d’autre à ma place.

Mais ce n’est pas ce qu’on constate dans l’administration. Pourquoi n’avez-vous pas fait comme ceux qui, bien étant à la retraite, restent à leurs postes des années durant ?
C’est une erreur de s’accrocher aux postes alors qu’on est déjà admis à faire valoir ses droits à la retraite. Je ne veux pas imiter ce qui n’est pas bon. Je veux être quelqu’un qui respecte les textes, les lois de mon pays et ces textes disent que vous partez en retraite le trimestre qui suit vos trente années de fonction. C’est ce qui fait qu’ayant pris service le 24 mars 1986, le trimestre qui suit immédiatement est le 1er avril. Je suis donc appelé à faire valoir depuis ce temps mes droits à la retraite. Je suis allé au village et je suis revenu seulement il y a deux jours.

Pourquoi avez-vous choisi de laisser votre poste ? Il n’y avait quand même aucune pression sur vous ?
Je l’ai dit tantôt. Nul n’est indispensable. Quelqu’un pourrait dire qu’il est nommé par décret ou par arrêté. C’est par arrêté ministériel que j’ai été nommé en son temps. Mais, un arrêté ou un décret est toujours inférieur à la loi. C’est une loi qui régit la fonction publique et dit que vous devez partir à la retraite trente ans après votre prise de fonction. Je pense que ce n’est pas logique pour d’autres arguments.

Mais ceux qui mettent en application la loi n’étaient pas derrière vous pour vous presser de partir ?
La loi est à appliquer pour tout le monde. Que vous ayez un couteau à la gorge, un fusil à l’anus, vous devez à mon avis, respecter la loi. Et c’est ce que je fais aujourd’hui.

Etes-vous informé que l’un de vos collègues agent permanent de l’Etat et étant averti de ces lois les foulent au pied ?
Je sais qu’il y a encore beaucoup d’agents de l’Etat qui, après leur admission à la retraite, sont toujours à leurs postes. Mais comme je vous l’ai dit, je ne veux pas imiter ce qui n’est pas normal.

Quels conseils avez-vous à donner à ces retraités qui sont toujours à leurs  postes puisque vous êtes en train de donner le bon exemple ?
Ce n’est pas un exemple. C’est une loi qui dicte cela. C’est une obligation. Ce que j’ai fait n’est pas exceptionnel. Si l’administration ferme les yeux sur quelqu’un qui ne le fait pas, elle est défaillante. Je pense que c’est aussi simple que ça. Si l’administration ferme les yeux sur ceux qui donnent des arguments pour rester, c’est cette administration qu’il faut condamner parce que force doit rester à la loi

D’aucun dirait que vous êtes parti pour mieux vivre des avantages du privé ?
Je crois qu’être prévoyant, qu’être prudent dans la vie n’est pas un péché ou un crime. Que je sois prêt ou pas, la loi me dit que je dois partir le 1er avril 2016 et je suis parti.

Vous êtes parti pendant qu’au Ministère des affaires étrangères, le syndicat grève pour cette même cause. Qu’est-ce que cela vous fait ?
J’ai la chair de poule parce que ces retraités ont des enfants et petits-enfants qui doivent venir les remplacer. Il faut qu’ils cèdent la place aux jeunes. Ce que je sais de l’administration est qu’après 26 ou 27 ans, la rentabilité devient faible parce qu’on se dit déjà doyen et au-dessus de tout le monde. On ne donne plus aussi efficacement comme les tous premiers jours de notre recrutement. Il vaut mieux qu’ils partent et laissent la place à ceux qui sont encore à la recherche d’emplois aujourd’hui. Il s’agit de nos enfants. J’en ai aussi et ceux qui s’accrochent en ont également. C’est le seul conseil que je peux donner modestement

Pour avoir passé 30 ans dans la fonction publique, on vous reconnait d’avoir été un agent exemplaire pétri de talents. Quels conseils avez-vous à donner à la nouvelle génération de la fonction publique ?
Je m’efforçais quand même de faire ce que je devais faire pour mériter mon salaire à la fin du mois. Pour ce qui concerne ceux qui sont encore dans l’administration, non retraités, le seul parrain sur qui ils doivent compter, c’est leur travail. Ils ne doivent compter que sur leur travail et non sur qui que ce soit. Le directeur de société, de l’entreprise ou de l’administration doit aimer qui travaille pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.

Pour vous qui avez fait preuve de compétences dans vos différents postes. Quelle a été votre réaction face aux propos du président de la république qui dit que « l’administration est un désert de compétences » ?
J’ai suivi presqu’en direct le président de la république, Mr Talon à Paris quand il parlait. J’étais très fâché de sa déclaration devant le président français, François Hollande. L’administration béninoise a des cadres émérites. Lorsqu’on met tout le monde pour dire que le Bénin est un désert de compétence, je crois que le président a fait un peu économie de vérité. Qu’il m’en pardonne. C’est notre président de la république mais je crois que s’il s’était bien renseigné, s’il avait bien fait ses enquêtes, il aurait su qu’il y a encore beaucoup d’excellents au Bénin et plus principalement dans l’administration publique.

Mais vous connaissez la lourdeur de notre administration
Je ne peux parler que de ce que je connais. Lorsque vous êtes dans l’administration fiscale, c’est-à-dire, la Direction générale des impôts, vous êtes fâchés quand vous entendez que les gens ne travaillent pas. Avant même de venir au bureau, le travail et la population vous attendent. C’est ça que vous gérez jusqu’à 19 ou 20 heures des fois. Qu’on dise que tout le monde est paresseux dans l’administration, je crois qu’il faut avoir un peu de bémol dans les déclarations. J’ai été de l’administration fiscale et je sais de quoi je parle.

Pour vous qui avez représenté la Direction générale des impôts dans diverses missions de contrôle, avez-vous eu le sentiment que les concours à polémiques méritaient une suspension ?
Je n’étais mêlé ni de près ni de loin à ces concours. Je crois que si les gens en parlent, c’est sûrement parce qu’ils ont des preuves qu’ils vont peut-être faire sortir devant la commission mise sur pied par le conseil des ministres. Lorsque nous mettons tout le monde dans un même panier de crabes, ça fait un peu mal. C’est en cela que j’encourage vivement la commission mise sur pied à travailler dans la clarté pour pouvoir sortir le bon grain de l’ivraie et qu’on sache vraiment qui est qui et qui devrait réussir à ces concours.

Un mot pour conclure cet entretien
Je viens de faire un mois comme retraité. Mais, mes collègues qui continuent à s’accrocher doivent savoir que la vie ne finit pas avec la retraite. Après l’administration, il y a encore une vie meilleure parce que vous devenez libre comme le vent. Vous pouvez gérer maintenant votre propre vie comme vous le voulez. L’objet principal est le départ à bonne date à la retraite et je crois que l’administration ne doit pas du tout lésiner sur les moyens pour faire partir ceux qui sont admis à la retraite et les remplacer par des jeunes.

Propos recueillis par Yannick SOMALON

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