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Le triomphe de la vérité

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interview du premier ministre, candidat des FCBE sur rfi: Lionel Zinsou donne les grands axes de son projet de société et critique ses challengers


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Lionel ZINSOU PMJusqu’en juin dernier, Lionel Zinsou semblait peu intéressé par la politique. Mais il y a six mois, le banquier franco-béninois a accepté de devenir le Premier ministre du président béninois Thomas Boni Yayi. Et aujourd’hui, il est le candidat du parti au pouvoir à la présidentielle béninoise du 28 février prochain. Pourquoi a-t-il attrapé le virus de la politique à l’âge de 60 ans ? De passage à Paris, le neveu de l’ancien président Zinsou répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Vous avez surtout une expérience de grand banquier international. En quoi cela peut-il être utile pour votre pays ?

Lionel Zinsou : Vous savez, je suis d’abord un enseignant. J’ai enseigné l’économie du développement et la macroéconomie. J’étais banquier-conseil sur la privatisation, sur les politiques publiques, tout de même dans des pays relativement proches : le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal. Et au fond, l’une de mes spécialités quand j’étais enseignement et puis une de mes pratiques quand j’étais dans le privé, industriel ou banquier, c’est quelque chose qui ressemble beaucoup à de l’économie et du développement. J’ai travaillé beaucoup sur le financement de l’agriculture et là, si vous voulez, c’est le premier problème que j’ai sur ma table comme Premier ministre. Donc, je vois une assez grande continuité quand même.

Est-ce que des candidats probables, comme Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Koupaki n’ont pas aussi une grande expérience dans l’économie et la finance.
Ah si ! Je pense que nous avons une offre politique de bonne qualité.

Mais alors si vous reconnaissez que Bio Tchané et Koupaki sont de bons adversaires, quelle va être la différence avec Lionel Zinsou ?
Pour l’instant, tout ce que je fais me différencie. Je suis en train d’essayer de prouver qu’on peut trouver des solutions assez pratiques à la vie des gens. On est en train de monter un certain nombre de projets. Ils touchent par exemple les zémidjans que vous connaissez. C’est cette invention du Bénin, mais aussi ce métier extrêmement précaire.

C’est-à-dire les taxis-motos ?
Les taxis-motos du Bénin qui maintenant se répandent en dehors du Bénin et qu’on appelle aussi maintenant les zem au Cameroun, par exemple. C’est une profession extrêmement précarisée. Les syndicats sont venus me voir, il y a peu de semaines, et m’ont dit : « Nous sommes 160 000 à Cotonou, dont 160 000 ne voulaient pas faire ce métier. Qu’est-ce que vous pouvez faire avec nous ? ». Avec eux, on est en train d’inventer des moyens de sortir de la précarité, d’augmenter le revenu, donner une protection sociale, de travailler à la reconversion. Simplement, on les écoute et on travaille ensemble. On est en train de faire un programme qu’on a appelé « Lumière pour tous », pour donner aux familles, y compris les plus vulnérables, c’est-à-dire à 100% des familles en réalité, mais bien sûr qu’on va toucher les plus vulnérables, des moyens d’électricité à domicile avec des kits solaires. Je pense qu’il faut travailler pour ceux qui n’ont jamais été atteints par une politique publique. Il faut aller beaucoup plus profond et beaucoup plus loin. Et en revanche, il faut retirer l’Etat d’un certain nombre de choses qu’il fait beaucoup moins bien que le secteur privé. Donc ça être projet de société contre projet de société et ça fera de la différence.

L’homme d’affaires Patrice Talon a été accusé des crimes les plus graves par le président Boni Yayi. Pensez-vous, comme certains au palais présidentiel, qu’il est un candidat de la division ?
Je pense que c’est très, très important de jeter les vengeances à la rivière. Je pense que d’abord on n’est pas candidat contre un président dont le mandat s’achève. On est candidat contre d’autres candidats. Je pense qu’il faut éviter les clivages et les conflits d’intérêts. Quand on est un homme d’affaires impliqué dans les affaires et que ces affaires sont très centrales dans la vie du pays, il va falloir se dépouiller de quelques ambitions d’affaires pour éviter les conflits d’intérêts.

Vous êtes plus offensif contre Patrice Talon que contre d’autres. Est-ce à dire que ce sera peut-être votre principal challenger ?
Non, je ne suis pas du tout plus offensif ou plus agressif. Je ne suis agressif contre personne, je ne réponds à aucune attaque et ce ne sera pas une campagne de dénigrement. Mais je vous ai dit, en plus je ne peux pas cacher qu’il y a de mes amis parmi les candidats.

Alors comme vous le dites, vous avez le teint clair et l’accent parisien. Qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous êtes le candidat de la France ?
Mais c’est romanesque comme hypothèse ! C’est répandu dans un milieu qui est un microcosme, mais de façon intense, que la France avait joué un rôle dans ma nomination. Je l’ai démenti en disant « Non c’est faux ». C’est une polémique absurde. C’est juste factuellement faux. Je n’ai jamais rencontré au contact des populations cette question. Je la rencontre sur Internet. Mais les populations, vraiment, je n’ai jamais rencontré ça.

Simplement, il y a trente ans, vous étiez au cabinet du Premier ministre Laurent Fabius et depuis vous êtes restés très proches. Alors on imagine que le jour où le président Boni Yayi vous a proposé d’être son premier ministre, vous en avez parlé à votre ami le ministre français des Affaires étrangères, non ?
Oui, mais ça s’est fait dans cet ordre-là. C’est-à-dire que le président de la République m’a fait l’honneur et la surprise de me demander si je pouvais rejoindre le gouvernement. Laurent Fabius l’a appris par une rumeur une demi-heure avant que je lui téléphone pour lui signaler : « Je voudrais vous demander quelques conseils ». Tout ça était fait ! Ça s’est passé dans le bon ordre. C’est-à-dire que les autorités françaises ont été informées au moment où la chose allait être publique.

Et quand vous en avez parlé à Laurent Fabius, il vous a conseillé de dire oui ?
C’est toujours émouvant pour un homme politique de voir un collaborateur d’il y a trente ans, qui est resté un ami, embrasser une carrière politique, alors qu’il sait très bien que ce n’était pas mon inclination. Mon inclination était vraiment vers l’entreprise privée. Et c’est toujours singulier pour un premier ministre de voir un de ses collaborateurs devenir premier ministre, même si c’est dans un autre pays.

Et si Laurent Fabius vous avait dit « Non, je te conseille de ne pas y aller » ?
Non, c’était fait. Ça m’aurait ennuyé qu’un de mes amis proches et qui a de l’expérience politique, qui me veut du bien, pense cela. Mais cela dit, je me suis évidemment ouvert à quelques intimes. Evidemment, qu’il y a des gens qui m’ont dit : « Il ne faut pas entrer en politique, ce n’est pas ce que tu sais faire ». Mais c’est une décision quand même extrêmement intime. Cela faisait une douzaine d’années que j’avais fait des choses comme créer une entreprise d’insertion qui a 200 salariés, créer une fondation et donc j’avais changé beaucoup dans mon appréhension des problèmes du Bénin. C’est-à-dire que je pensais qu’on pouvait faire bouger les lignes. C’est vraiment un pays où on peut faire bouger les choses. Donc tout ça – je vous le dis à vous pour la première fois, je n’en parle au fond jamais au Bénin – c’est une espèce de satisfaction profonde éprouvée depuis maintenant 12-15 ans et qui me persuade qu’on peut tout à fait faire des choses de très grande qualité au Bénin. Et ça, évidemment, ça m’a fait changer en matière de passage à l’action politique.
RFI

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