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Le triomphe de la vérité

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Editorial: La santé a un coût


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L’accident de Benoît Dègla n’a pas pu camoufler l’obsolescence de notre système de santé. Aussitôt blessé, tout a été mis en œuvre pour « l’évacuer », de sorte que l’ancien ministre est aujourd’hui hors de danger. Son garde du corps a eu moins de chance, il a péri dans le drame. Son chauffeur, tout aussi gravement blessé que lui, n’a pu être « évacué ».
Chaque fois qu’une personnalité béninoise a des problèmes de santé, la coutume est ainsi de l’envoyer se faire soigner à l’étranger, dans des cliniques pour milliardaires de Pretoria, dans les hôpitaux hors de prix de Tunis ou à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce en France. Tel ministre ou président d’institution a-t-il quelques démangeaisons à la gorge ? Il court pour exiger l’évacuation. Bien entendu, il existe des affections bien complexes pour lesquelles le plateau technique existant, n’est pas adapté. Nous ne le savons que trop, les efforts entrepris pour juguler la difficulté sont limités face aux ressources réelles mises à la disposition des  centres de santé. Là n’est pas le problème.
Il y a problème lorsque l’écrasante majorité des cadres trouve absolument normales et même obligatoires ces « évacuations ». Ceci arrive précisément parce que la plupart n’ont aucune confiance aux structures sanitaires de leur pays. Il est même à se demander si le ministre de la santé et ses enfants se soignent dans les hôpitaux  du pays. Tant il est vrai que la maladie appelée «évacuation» est aujourd’hui à la mode.
C’est en effet une mode soigneusement entretenue par nos élites qui y trouvent l’occasion de pavoiser aux frais de la princesse, dans une espèce de tourisme sanitaire très lucratif. Il existe dans des pays comme la Tunisie, l’Afrique du Sud ou même en France, une véritable niche dans laquelle s’engraissent de grands centres hospitaliers qui attirent  nos dirigeants incapables de réformer chez eux, leurs systèmes de santé. Il s’est trouvé au Bénin deux ministres femmes qui n’ont rien trouvé d’autre à faire que d’aller accoucher l’une en France, l’autre aux Etats-Unis. A l’époque, personne ne s’est indigné du fait que les enfants de pauvre soient livrés ici aux grèves perlées dans les hôpitaux publics, pendant qu’on utilise leur argent pour aller entretenir l’accouchement de ces ministres. Dans un pays comme les Etats-Unis, cette pratique eût été jugée et traitée d’apatridie grave, l’autorité coupable encourant le risque d’une véritable vindicte médiatique et populaire. Ici, c’est tout le contraire. C’est à peine si les gens ne sont pas admiratifs devant ce qui est regardé en fait comme le signe le plus éclairant de la distinction et de la classe.
Bien entendu, derrière tout cela, se profilent des émoluments cossus perçus sur le dos du contribuable, surtout lorsqu’il s’agit des politiques, présidents d’institutions ou anciens présidents qui perpétuent la ripaille, même sur leurs lits d’hôpital. La filière est donc juteuse et génère tout un système de rétro commissions payées par les hôpitaux, pour rémunérer leurs apporteurs d’affaires.  C’est pourquoi, je nourris l’espoir que la construction d’un hôpital de référence, qui figure au nombre des chantiers prioritaires de la table ronde de Paris de juin 2014, puisse permettre d’endiguer ce snobisme irritant. L’infrastructure verra le jour sous partenariat-public-privé et devrait enrayer cette dynamique ruineuse.
La question qui se pose également est de savoir comment nos établissements hospitaliers en sont arrivés à ce niveau de délabrement et de dénuement. Depuis les restrictions nées des programmes d’ajustement structurel, les hôpitaux publics sont démunis. C’est surtout pour y remédier que la ministre de la santé a lancé l’opération « 120 jours pour équiper nos hôpitaux », devenue depuis « Tous les jours pour équiper nos hôpitaux. » C’est une mendicité publique amplement justifiée par la précarité régnant dans nos établissements hospitaliers. Cela ne dépend pas vraiment de l’Etat, mais des institutions de Bretton Woods qui, depuis la fin des années 1980,  ont obligé les gouvernements successifs à maîtriser les dépenses de santé. On voit aujourd’hui les conséquences de cette politique dont le seul but n’était que budgétaire.
Ailleurs, ce type de politique a provoqué la résurgence d’épidémies autrefois vaincues, du fait de l’aggravation des faiblesses des services de santé. On impute ainsi à la Banque Mondiale, par exemple, la responsabilité de la brusque montée de la fièvre Ebola dans un pays comme la Guinée où  l’institution financière avait prétexté de réformes pour imposer des mesures drastiques ayant touché le secteur de la santé. L’aggravation des faiblesses du secteur sanitaire s’en est suivie.
En clair, le Bénin aura tout intérêt à équiper plus sérieusement ses services de santé. Ce faisant, on ne ferait pas seulement faire des économies à l’Etat.  On contribuera à lutter contre la maladie tout court.

Par Olivier ALLOCHEME

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