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Le triomphe de la vérité

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Irénée Hounmènou Zodékon à propos de la dette extérieure: « Un pays qui ne s’endette pas prépare sa propre mort »


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itw Irénée Hounmènou Zodékon siteEconomiste de formation, Irénée Hounmènou Zodékon est cadre de la Caisse autonome d’amortissement (CAA), actuellement inspecteur général au Ministère de l’Agriculture. Il évoque dans l’entretien qui suit, la dette extérieure d’un pays, les critères pour avoir un prêt et l’avantage pour un Etat de signer un accord de prêt. Tout un ensemble d’éclaircissements qui dissipent les inquiétudes des uns et des autres au sujet des différentes ratifications d’accords de prêts que fait le gouvernement.

L’Évènement Précis : Selon vous, qu’est-ce qu’une dette et quand est-ce qu’on parle de dette extérieure ?

 

Irénée Zodékon : Je voudrais d’abord vous remercier pour m’avoir tendu votre micro afin que l’opinion publique soit, une fois de plus, éclairée par rapport à la dette extérieure, les accords de prêt que signe quotidiennement notre pays. Alors, la dette, c’est la somme due à un tiers par une personne pour une échéance donnée. Lorsque nous rapportons cette définition au niveau national, ce sont des engagements que prend un pays auprès d’une institution financière, auprès d’un autre Etat dans le but de réaliser une infrastructure. En économie, la dette extérieure désigne l’ensemble des dettes qui sont dues par un Etat ou une entreprise à des prêteurs étrangers. Il est important de faire la nuance entre la dette extérieure brute, c’est-à-dire ce qu’un Etat emprunte à l’extérieur et la dette extérieure net qui est la différence entre ce qu’un pays emprunte à l’extérieur et ce qu’il prête à l’extérieur. Ce qui est le plus significatif est la dette extérieure brute.

Quels sont alors les critères pour bénéficier d’une dette extérieure ?

C’est une longue procédure. Lorsque vous voulez vous endetter, c’est suivant un programme déterminé. Par exemple, dans le budget qu’on doit réaliser, il y a un certain nombre d’activités qu’on peut mener. Lorsque nous voyons que les recettes propres d’un pays n’arrivent pas à couvrir les projets à réaliser, l’Etat court vers les institutions bancaires telles que la BOAD, la BAD, certaines institutions de Breton Woods et essaye de soumettre ses besoins. Il y a deux ministères qui s’en occupent au Bénin, à savoir, le ministère en charge du Plan et le ministère des Finances. Ces ministères évaluent et lancent les besoins. On appelle ça requête de financement et cette requête est envoyée à tous les bailleurs de fonds et institutions financières. En la matière, chaque institution à son domaine d’intervention. Lorsque le besoin remplit les critères de soutenabilité, ce bailleur se manifeste et nous envoie un contrat. Ce contrat est analysé par une commission interministérielle composée principalement des deux ministères précités et le ministère qui est bénéficiaire. C’est-à-dire que si nous voulons faire une route, en plus du Ministère du Plan et de celui des finances, il doit avoir le Ministère des Travaux publics et des Transports. Et, c’est ainsi que les gens essayent de voir un certain nombre de critères. Il y a d’abord le montant, après le montant il y a la durée, le taux, et si nous voyons que le taux proposé par le bailleur de fonds est supérieur à 35%, là, on dit que le prêt n’est pas concessionnaire. Maintenant, lorsqu’on vous envoie l’offre, on doit l’étudier pour faire le rapprochement. Parfois, on va en conseil des ministres et le conseil des ministres vérifie si le contrat proposé par le bailleur remplit les critères. Si c’est le cas, alors le conseil des ministres autorise. Après ça, il y a les formalités en vigueur et elles sont au nombre de trois, à savoir, la saisine par le gouvernement de l’Assemblée nationale et c’est de là que les députés autorisent le président de la république à ratifier. Après la ratification, il faut saisir la Cour suprême et cette dernière donne un avis juridique pour dire que l’engagement pris par l’Etat est un engagement qui lui profite. Et si d’aventure, l’avis de la Cour suprême est défavorable, il faut reprendre tout le processus depuis le début. La troisième formalité ou la troisième étape est la publication au journal officiel. Et les cadres ayant à charge le dossier d’offre le finalisent pour que l’accord de prêt soit réalisé dans les meilleures conditions.

Comment un pays comme le Bénin arrive-t-il à payer ses dettes ?

Généralement, au niveau des négociations, la Caisse autonome d’amortissement prend une part prépondérante et à travers cela, il y a un échéancier. L’échéancier peut être sur 40 ans. Il peut avoir cinq ans de différé, dix ans de différé. Pour payer, c’est à travers le recouvrement des diverses taxes, les impôts que nous arrivons à payer la dette. La dette d’aujourd’hui, ce sont les générations futures qui vont la rembourser et c’est suivant une planification. C’est pour cela que, dès sa création, la CAA a initié une taxe spéciale d’amortissement (Tsa) qu’elle essaye de recouvrer. C’est ainsi qu’au niveau de chaque cordon douanier, il y a des représentants de la CAA pour recouvrer cette taxe. Nous avons constaté qu’avec le temps, on a suspendu la Tsa et généralement au niveau de la Tva, il y a une part qui est réservée pour l’amortissement de la dette. C’est seul l’Etat qui a cette force de prélever sur chaque citoyen la part de la dette. Donc, on peut dire que nous payons la dette avec nos ressources. Avec votre salaire, l’Etat prélève une partie pour pouvoir faire face aux engagements qu’il a eu à prendre.

Est-il nécessaire qu’un pays fasse des prêts avant de survivre ?

C’est une question discutable. Pour moi, un pays qui ne veut pas s’endetter, est un pays qui veut toujours rester dans la pauvreté. Les études ont montré que ceux qui s’endettent sont ceux-là qui se développent. L’exemple le plus patent est la Côte d’Ivoire. Lorsque leur ancien président, Houphouët Boigny était au pouvoir, le fait que les bailleurs de fonds, les investisseurs ont constaté qu’il y a la sécurité, la stabilité politique et économique, ils sont incités à placer leur argent. Ils investissent dans le pays et ils n’ont pas de difficulté à récupérer leurs sous. Ça permet de créer des emplois, de faire avancer le pays. Un pays qui ne veut pas s’endetter, c’est un pays qui prépare sa propre mort. Quand vous acceptez de vous endetter, il y a deux possibilités. Le premier, c’est qu’avec le temps, les institutions de Breton Woods peuvent décider de vous faire grâce ou d’annuler cette dette. Là également, la CAA intervient. On essaye de vous remettre la dette. Et là, les institutions de Breton Woods peuvent décider de prendre les dettes annulées et de les réinvestir. C’est ainsi que vous continuez de rembourser mais ça sert à développer d’autres infrastructures.

Quel appel lancez-vous à l’opinion publique ?

Vu la longue procédure pour gagner une dette et la manière dont nous la remboursons, je voudrais dire à l’opinion publique de rester vigilante lorsqu’on publie un accord de prêt dans un journal officiel. Il faut prendre le temps de le lire ligne par ligne et voir s’il est compatible avec nos lois et si ça avantage le pays. S’il y a un seul Béninois qui écrit à la Cour suprême pour dire que cet accord de prêt est incompatible avec notre loi fondamentale, c’est-à-dire, la constitution, il faut tout recommencer.

Entretien réalisé par Yannick SOMALON

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