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Le triomphe de la vérité

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Edito: Retour à l’âge de pierre


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Logo facebookTant que les manifestations de rue sont favorables à Boni Yayi et à la mouvance, il n’y a jamais de trouble à l’ordre public. Personne n’en veut au Président de la République, donc on ne saurait jamais perturber ses partisans qui manifestent jour et nuit pour l’émergence fulgurante du pays. Mais sitôt que l’opposition tente de manifester à son tour, des individus mal intentionnés prennent les armes et menacent de tout faire sauter.
Telle est, du moins, la curieuse équation que le ministère de l’intérieur invite les Béninois à ingurgiter à travers l’interdiction de la manifestation de samedi. Subitement, le même ministère qui ne trouvait rien aux marches yayistes, se met à farfouiller dans ses dossiers et découvre, comme par hasard, que la Convention Patriotique des Forces de Gauche (CPFG) est « inconnue ». Certainement qu’il ne connait pas non plus l’Union fait la Nation, coorganisatrice de la marche « pacifique » projetée pour protester contre le projet de loi du gouvernement sur la révision de la constitution et contre la violation des libertés démocratiques.
On peut relever que le résultat direct de ces éléments mis en épingle, est l’interdiction de la marche de samedi. C’était le but recherché. Les raisons officielles ne furent que des alibis officiels. Mais dans ce registre, il y a des paliers qui sont franchis.
Le premier, et il est de taille, c’est que désormais aucun mouvement anti ou pro-Yayi ne saurait être autorisé à marcher au Bénin s’il n’est légalement et dûment reconnu. Jusqu’ici, les marches pro-Yayi n’ont pas eu besoin de ces tracasseries administratives et sécuritaires. Mais à partir du moment où la jurisprudence a été instaurée, le bon sens voudrait qu’elle s’applique à tous. Connaissant le régime en place, il n’y a rien de moins sûr…
Le deuxième, l’on peut comprendre que le gouvernement s’arroge le droit d’évoquer n’importe quel alibi pour interdire les manifestations de l’opposition. Jusqu’ici, s’il est possible de montrer que la CPFG est « inconnue et illicite », comme le dit le pouvoir, rien ne prouve les menaces armées évoquées. Pour la simple crédibilité du régime, il eût été nécessaire que le ministre de l’intérieur nous exhibe les preuves (ou même des débuts de preuves) de ces affirmations. Ne l’ayant pas eu jusqu’ici, tout citoyen est fondé à en douter. Et le problème est précisément à ce niveau : le pouvoir Yayi peut facilement être accusé d’être un prédateur des « libertés démocratiques chèrement acquises » pour employer un vocable cher aux mouvements revendicatifs. Il est même fort à parier que ce soit le but recherché par les organisateurs de la marche de samedi : pousser le pouvoir à montrer à la communauté internationale sa face hideuse.
J’ai le sentiment, très clair, que le gouvernement est tombé dans ce traquenard. Samedi, tous les observateurs ont pu constater l’inorganisation presque évidente de la pseudo-marche. Certains militants anti-révisionnistes eux-mêmes n’ont pas caché leur amertume face à cette situation. Et c’est la raison pour laquelle, aucune échauffourée n’a eu lieu entre les manifestants et les forces de l’ordre. La ruse des organisateurs a été d’associer un mouvement archiconnu (l’UN) à un autre (inconnu et même illégal, la CPFG) obligeant de fait le pouvoir à annuler la manifestation. Ce qui est recherché, c’est le résultat : une annulation qui salit Boni Yayi et le discrédite davantage auprès de la population et des chancelleries occidentales. Le ministre de l’intérieur croyait avoir fait du mal à l’opposition, c’est précisément dans les pieds de son patron qu’il a tiré, vendredi soir, en interdisant la marche du lendemain.
Il faut maintenant s’inquiéter du retentissement international de cette interdiction. Le lobbying mené depuis quelques mois auprès du congrès américain pour faire reconnaitre Boni Yayi au rang des prédateurs des libertés, a toutes les chances de prospérer. Ce qui comporte des risques évidents pour le Millénium Challenge Account (MCA). Or, le MCA, c’est près de 200 milliards de FCFA mis à la disposition du Bénin dans le premier compact.
Pris au piège de la petite dictature, le régime Yayi accumule ainsi les facteurs de sa propre déliquescence. Auprès des militants les plus extrémistes de l’opposition, il enfonce littéralement le clou à travers cette mesure. C’est dire que la radicalisation des positions ne saurait produire bientôt que des étincelles dangereuses.

Par Olivier ALLOCHEME

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