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Le triomphe de la vérité

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La tragédie sans fin du football béninois: «Le travail fait au Brésil est insuffisant », estime Edmée Codjo


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Edmé CodjoToujours à son habitude, Edmé Codjo n’a pas sa langue dans la poche. Il revient encore sur la scène et aborde le séjour des cadets béninois au Brésil. Selon le technicien béninois, le projet n’est pas mauvais, mais sa conception et sa réalisation laisset à désirer. Pour lui, il y a mieux à faire pour mener à bien cette initiative pour permettre au Bénin d’avoir une bonne génération dans l’avenir. Malheureusement, il y a plus eu de la précipitation qu’autre chose.

L’Evénement Précis : Comment avez-vous mené l’opération de sélection des jeunes ?

Codjo Edmé : Le ministre Didier Aplogan m’a abordé. Il a insisté sur la délicatesse de la mission en m’expliquant que l’ambassade du Brésil est avertie des tripatouillages dont nous sommes capables de nous rendre coupables au Bénin en de pareilles circonstances. Si la détection n’est pas bien menée, les Brésiliens ne seront plus disposés à continuer la collaboration avec le Bénin. Deux collaborateurs m’ont été proposés par le ministre des sports pour conduire l’opération. J’ai émis des réserves à propos de l’un d’eux. La suite de l’histoire m’a donné raison.

Il parait que vous avez eu maille à partir avec la mission brésilienne quant aux critères de sélection ?
Effectivement, les critères de sélection proposés par les techniciens brésiliens m’ont parus obsolètes. Nous avons eu un entretien houleux en présence du ministre des sports et de tous les directeurs centraux. J’ai dû démontrer, par exemple, que les critères de taille fixés par les Brésiliens sont bouleversés depuis par les statistiques de la FIFA. Le Barça est un exemple concret qui réfute la thèse qui veut qu’il faut absolument être grand pour faire une grande carrière dans le football.

Il a été constaté au Brésil que certains jeunes qui ont été sélectionnés ne respectent pas les critères d’âge retenus. Parlez-nous un peu de comment cela a été possible ?
J’ai dit au ministre Aplogan de tout faire pour contrôler l’âge véridique de ces enfants. Il m’a répondu avoir sollicité les services d’un cabinet pour ce faire. En fait, moi, j’avais des informations sur certains enfants qui étaient déjà en équipe nationale cadette avec moi et qu’on a dû retirer du circuit parce que Sébastien Ajavon avait, à l’époque demandé qu’on fasse nécessairement un contrôle d’âge. J’ai même eu un entretien avec un joueur qui m’a avoué qu’entre-temps, ses dirigeants ont diminué son âge. Mais, à deux semaines de leur départ, j’ai encore demandé à un collaborateur du ministre, si les contrôles d’âge ont été effectués. Il m’a répondu : « monsieur Codjo, n’ayez pas peur, je vous en prie, arrêtez ! Ce qui est certain, ils sont tous dans la même tranche d’âge ». Je pense que ce sont les évènements qui les ont rattrapés après.

Est-ce que vous avez une idée du travail qui a été fait au Brésil ?
Je me suis renseigné un peu auprès d’un des entraineurs qui ont accompagné les jeunes. Il s’agit de Moussa Latoundji. C’est un homme honnête qui ne mâche pas ses mots. Avec ses explications, franchement, le travail qui a été fait au Brésil me laisse sur ma faim. Aujourd’hui, les programmes de formation sont devenus universels. Qu’il s’agisse de Manchester United ou de n’importe quel autre club, ça ne changera pas. Ces programmes sont même disponibles sur internet. Je ne veux jeter la pierre à personne mais, je connais Ulrich Quenum que tout le monde adule actuellement. Il a fait deux ans avec moi. Aujourd’hui, moi, Edmé Codjo je ne reconnais plus le garçon.

Vous parliez tout à l’heure du programme qui ne change pas. Est-ce à dire qu’on pouvait garder ces jeunes ici au Bénin et leur dispenser le même programme ?
Je pense que oui. Mais cela dépend de comment le projet a été négocié. On aurait dû négocier avec les Brésiliens un partenariat ou les inviter au Bénin. Ainsi, même nos jeunes entraineurs auraient pu en bénéficier. Concrètement, j’avais souhaité que sur les 200 enfants qui avaient été observés pendant les détections, qu’une promotion de 15 ou 20 jeunes soient mise en place au Bénin, qu’on encadrerait sur le terrain de Natitingou qui est disponible. Ainsi, au retour des 22 qui sont allés au Brésil, on fera une comparaison. Cela aurait été deux expériences et, on aurait tiré de bonnes leçons pour l’avenir.

Plus de 7 mois déjà que les jeunes sont revenus au Bénin et depuis, rien. Etes-vous sûr de la suite du programme ?
D’abord, on ne forme pas un joueur en 9 mois. Si je continue à me taire, on dira qu’au Bénin, nous ne sommes que des imbéciles heureux. Techniquement, il faut un minimum de 3 à 6 ans pour former une génération, même s’il s’agit de surdoués. Nous aurions dû négocier une formation de 3 a 4 ans au moins et payer le prix, s’il le fallait. Ainsi, cette génération on la mènerait jusqu’au bout. Elle pourrait jouer les premiers rôles pendant des années. Quelqu’un m’a dit depuis le Brésil que nous allons préparer une génération de délinquants et j’ai bien peur qu’il ait raison. Depuis le retour de ces jeunes, on annonce le départ de quelques un, mais rien ne bouge.
Toujours, dans l’attente, certains ont abandonné les études…
On ne peut plus parler de sport, de formation sans parler de sport-études. Les meilleurs joueurs au monde à 32 ans, sont tenus de tirer leur révérence. Les surdoués qui ont une bonne hygiène de vie et les gardiens de but vont jusqu’à 35 ans. Il faut donc des connaissances. Des enfants qui sont revenus du Brésil, il y en a qui sont à la maison aujourd’hui en train de rêver. Il ne faut pas qu’ils rêvent. Disons leur la vérité. Les parents doivent les inscrire dans une école ou alors, leur imposer l’apprentissage d’un métier parce que rien ne dit qu’ils seront des footballeurs de haut niveau. A tout moment, un accident peut arriver.

Globalement, quelle appréciation faites-vous du projet ?
Je pense que l’initiative est bonne. Car, il faut bien que nous formions nos joueurs si nous voulons avoir, à l’avenir, une équipe nationale forte. Mais, les conditions dans lesquelles ce projet s’est tenu ne lui ont pas permis d’être une réussite. Il y a plusieurs raisons qui me poussent à penser ainsi. Si on ne s’en tient qu’aux billets d’avion qui ont été achetés, on orienterait mieux cet argent.

Estimez-vous que le projet a été mal ficelé?
Oui. Et vous voyez vous-même le résultat. Les enfants sont revenus et sont à la maison, on annonce le départ de certains qui sont encore là, bref, c’est l’incertitude totale.

Entretien réalisé par Anselme HOUENOUKPO

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