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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le balayage et le spectacle


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Le couperet est tombé hier. En un communiqué laconique et lapidaire, le président de la république a mis fin aux fonctions de tous les ministres. Un balayage systématique qui frise un coup de colère, comme on n’en a jamais vu.
Mais la première nouveauté qu’on a vue hier réside dans le mode d’annonce de cet événement. C’est par un banal communiqué lu par le présentateur du journal télévisé à l’ORTB. Tout simplement. On a été habitué jusqu’ici à un protocole plus officiel avec comme chef d’orchestre le Secrétaire général du gouvernement. Ici, ledit communiqué ne figurait même pas parmi les titres du journal. Original.
Deuxième nouveauté, et c’est toujours dans la forme, il n’y a pas eu un seul mot pour annoncer des remplaçants éventuels. Normalement, tout remaniement (technique ou pas) donne lieu à des entrées et des départs. Mais ici, il n’y a eu qu’une seule mesure. Boni Yayi se paie même le luxe (supplémentaire) de se limoger lui-même de son poste de ministre de la défense…
C’est ce qui donne un caractère hollywoodien à l’acte posé hier. S’il ne cherchait qu’une énième astuce pour faire parler de lui, Boni Yayi n’aurait pas procédé autrement. Il se met en vedette et crée une attente angoissée chez tous les ministres qui se demandent s’ils seront reconduits, même si officiellement, ils sont tous remerciés.
Le plus terrible, c’est le cas Pascal Irénée Koupaki. Premier ministre vidé de sa substance, il est limogé alors même qu’il se trouve à l’extérieur. Ordinairement, ce genre de coup de poignard est asséné à ceux des ministres contre qui le Chef de l’Etat nourrit une rancœur tenace. S’il n’est pas reconduit, ce serait une irréparable gifle pour lui. Ce serait pratiquement un casus belli capable de déchaîner des réactions en série pour le candidat probable qu’est le premier ministre. Il serait obligé, en effet, de laver son honneur dans les circonstances présentes de son humiliation, pour prouver, ne serait-ce qu’une virilité nécessaire au fauteuil présidentiel qu’il désirerait en secret. Et si vraiment le premier ministre n’est plus reconduit, en aucun cas, il n’aurait le droit de jouer les vers de terre comme il l’a fait jusqu’ici.
La méthode plus que douteuse employée confine à une humiliation d’autant plus terrible que le communiqué lu hier fait semblant de rendre hommage aux ministres. Boni Yayi a saisi « cette occasion pour renouveler à chacun d’eux, au nom de la nation, ses sincères félicitations et ses remerciements pour le travail accompli dans un esprit de patriotisme, de sacrifice, de courage et d’abnégation ».
Il y a quelques semaines, je me plaignais ouvertement de la « chosification du gouvernement ». Parlant de la propension du Chef de l’Etat à leur donner des ordres par bande défilante à la télé, j’avais écrit ceci : « Mais en arriver à leur donner des ordres par bande défilante à la télé, il y a une échelle supplémentaire qui est franchie dans le rabaissement et l’humiliation de ces hommes et femmes ayant accepté le sacrifice de servir la nation ». Le mode opératoire de ce limogeage accroit l’impression de « chosification : c’est une pure moquerie».
La conséquence immédiate de tout le spectacle hollywoodien que nous vivons, c’est que le Bénin se réveille ce matin sans gouvernement. Pour la première fois depuis le renouveau démocratique, le pays a un président mais pas de gouvernement. Et rien ne nous dit qu’il pourra en former un dans les heures ou les jours à venir. Aucun article de notre constitution ne le contraint même à travailler de concert avec un gouvernement. S’il le voulait, il peut passer encore quelques jours à peaufiner son équipe. Mais il faut encore compter sur sa sagesse et sa clairvoyance pour lever le suspens d’ici quelques heures…
Mais, il faudra retenir la volonté de Boni Yayi de changer de cap. L’annonce évoque « de nouveaux enjeux » relatifs notamment à la lutte contre la pauvreté et les exclusions lui dictent l’impératif qu’il y a à « poursuivre les réformes dans un esprit de cohésion et de détermination ». C’est une ambition qui n’est pas fondamentalement nouvelle. Si tant est qu’elle requiert une nouvelle équipe, elle appelle un nouveau type de management. Et la question est de savoir si ce balayage voudrait signifier la mise en place de ce nouveau type de management.

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