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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le calvaire du quotidien


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Logo facebookSerrés à huit dans une antique 505 prévue pour cinq passagers, nous avons effectué samedi dernier le trajet de l’enfer, Akassato-Bohicon. « On a lancé la réhabilitation de cette voie au moins trois fois », ironise une dame qui n’arrête pas de bavarder à côté de moi.
Au bout de deux heures de zigzags et de secousses parfois violents à travers le dédale de crevasses, nous voici à Massi, juste après Sèhouè. Un gros bouchon s’est érigé. Plus d’une centaine de camions gros porteurs s’alignent de part et d’autre et dans les deux sens. A cela s’ajoutent les véhicules en transit, tout aussi nombreux dont les conducteurs jouent des klaxons pour se frayer un passage. Mais finalement, tout le monde s’immobilise. Il règne une ambiance de chaos généralisé. Après plus d’une heure d’attente, un vieux monsieur à bord d’une petite Toyota Corolla en transit s’engage à droite, dans la broussaille et au risque de tomber à tout moment dans le ravin. Tout le monde s’attroupe pour observer le téméraire. Il réussit en fait à percer un petit chemin sur 200 mètres. Ruée générale des conducteurs qui prennent leur volant. Mais le téméraire marque un arrêt. Il aurait dû s’en tenir à son intuition. Quand il s’ébranle à nouveau, tout le monde entend un bruit sourd. Les pneus avant se sont retrouvés dans un trou et la voiture menace de chuter dans le ravin pour de bon. Quelques-uns étouffent de rire, d’autres accourent pour soutenir le véhicule en danger et l’empêcher de basculer dans le vide.
Trente minutes d’attente. Un passager de mon taxi, apparemment pressé d’assister à une réunion à Bohicon réussit à convaincre un zémidjan. Deux autres s’agglutinent sur un autre zém pour payer 3000 F jusqu’à Bohicon. « L’heure de Dieu est la meilleure », tempère notre chauffeur convaincu de trouver une ouverture bientôt. Un passager enchaîne : « Vous n’avez encore rien vu. Allez sur la voie Parakou-Djougou. C’est Dieu seul qui peut nous sauver ». Justement, la longue file de ferrailles se met en mouvement. Branle-bas général : c’est une voie de contournement qui passe dans un petit village à 300 mètres environ de la voie principale. Une fois sur place, la colonne vrombissante et klaxonnante se fait arrêter par les villageois furieux. « Yayi Boni n’a construit aucune voie par ici, vous devez payer 500F avant de passer », crie un paysan, en brandissant ostensiblement sa machette. Une cinquantaine d’habitants, femmes et hommes, barrent la voie avec de gros troncs d’arbres. Mais les conducteurs de véhicules en transit ne l’entendent pas de cette oreille. Ils sortent eux aussi leurs machettes. Et elles sont neuves. Pire, ils n’entendent rien au Français. Ce sont des Nigérians qui ne parlent que le pidgin anglais, mais surtout le Haoussa et le Yorouba.
Après quarante-cinq minutes de palabre, un Béninois remet au meneur des villageois en colère un billet de 1000 F, tout en demandant aux autres de donner ce qu’ils peuvent. Les véhicules en transit démarrent en trombe, comme pour narguer les villageois révoltés.
Quelques mètres plus loin, nouvel arrêt. Un pick-up blanc en transit pour le Tchad vient de heurter un motocycliste. Sa moto de marque Bajaj est garée en travers de la voie, et un homme se présentant comme son frère exige que tous les véhicules de son espèce s’arrêtent. Trente nouvelles minutes de palabre. Quelques 100 mètres plus loin, c’est un vrai bourbier qui attend tout ce beau monde. Sur une vingtaine de mètres, la latérite est labourée de part en part par une profonde couche de boue. Vingt minutes d’attente à voir s’enfoncer quelques véhicules. « Nous n’allons plus leur faire de cadeau », s’enflamme un jeune du village. « Dès qu’on les aide à sortir de la boue, ils ne vous donnent plus rien », justifie-t-il en montrant son pantalon couvert de saleté. Notre chauffeur finit par se décider et rentre dans la fange glissante qui tente de l’envoyer dans le décor. Enfin ! Un fois sur la grande voie, le véhicule passe sur le pont. On aperçoit les entrailles d’un camion renversé. Un gros trou a déséquilibré la remorque. Une vendeuse de maïs cuit lance à la cantonade : « Yayi Boni dix ans, premier tour K.O. » Une fois à Bohicon, il sonnait exactement 12h30. Je viens de faire 7 h de route pour 135 km.

Par Olivier ALLOCHEME

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