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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Le marché financier international ???


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Oser sortir sur le marché international. C’est le défi colossal que l’agence de notation américaine Moody’s a lancé aux pays africains qui hésitent encore à aller solliciter des eurobonds pour financer leurs besoins d’infrastructures. Ces obligations libellées en devises étrangères ont la particularité de pousser nos pays à sortir de leurs frontières monétaires pour oser affronter le grand public, les banques, les institutions et les entreprises d’ailleurs.

Jusqu’ici, nos pays se contentent de rester dans les limites de leurs zones monétaires pour solliciter l’épargne publique. C’est même courageux pour nos Etats à la crédibilité douteuse de solliciter le public pour financer leurs investissements. Le marché obligataire est resté un tabou pour les Etats qui n’y vont qu’en tremblant, tant ils s’exposent à la sanction du public.

Et puis, l’on avait cru que les ressources disponibles sur ce marché étaient trop réduites pour que les Etats puissent y employer l’instrument financier que constituent les obligations. Les récentes évolutions ont montré à Moody’s et à tous les observateurs que nos Etats commencent à gagner en crédibilité.

Le cas le plus récent est celui de la Côte-d’Ivoire qui a réussi il y a seulement quelques semaines à mobiliser environ 93 milliards de FCFA sur les 60 recherchés sur le marché financier de l’UEMOA, soit un taux de souscription de 155%. Et c’était la deuxième émission obligataire en un an ! Le premier de l’ère Ouattara a eu lieu en 2011 et a mobilisé 160 milliards de FCFA contre 100 milliards prévus. Ce sont des succès qui en disent long sur la crédibilité du régime d’Abidjan.

Au Bénin, ce fut le même succès, mais à un rythme moins frénétique. Le deuxième emprunt du régime Yayi, mis en œuvre en 2011, a permis de mobiliser environ 64 milliards de FCFA, contre 50 milliards attendus, soit un taux de souscription de 128%. En 2007, le Bénin, qui ne cherchait que 40 milliards FCFA sur le marché sous-régional, a amassé plus de 54 milliards.

Un peu comme pour montrer les risques de l’opération, relevons qu’en 2010, le même Etat de Côte-d’Ivoire avait fait flop: un peu moins de 23 milliards de FCFA mobilisés contre 62 milliards FCFA prévus. Et pourtant, les conditions de rémunération offertes dans le cadre de cette opération ne manquaient pas d’allécher le public : taux d’intérêt de 7% net d’impôt et remboursement du capital en sept ans 2010-2017.

Mais voilà que Moody’s propose aux Etats d’aller au-delà de l’ancrage sous-régional. L’agence de notation s’appuie sur le fait que 13 pays sur les 54 ont déjà eu recours à cet instrument financier. D’autant que les pays africains ont des besoins énormes en infrastructures, soit 90 milliards de dollars par an (43.650 milliards environ), des besoins qu’ils ne peuvent financer par le seul truchement de la dette multi ou bilatérale.

Mais il faut voir dans les réticences de nos Etats à aller sur le marché international, le résultat des nombreux ajustements structurels qui les obligent à modérer leur endettement. Un pays comme le Niger s’est fait prendre récemment la main dans le sac, en tentant de s’endetter en catimini auprès du Congo Brazzaville pour 50 milliards (avec 4% de taux d’intérêt annuel sur 10 ans). Il s’est fait recadrer par le FMI et ne pourrait s’en sortir qu’à force de conciliabules et de concessions obscures.

C’est dire que pour intéressantes que puissent paraître les propositions de Moody’s, elles se heurtent à des architectures économiques encore fragiles. Les fragilités dont il s’agit se recrutent surtout au plan du poids de la dette et de sa soutenabilité dans un contexte où la productivité même des Etats africains (surtout francophones) pose problème.

Encourager les Etats comme le Bénin à recourir au marché financier international dans ce contexte reviendrait à les inciter à prendre plus de dettes qu’ils ne peuvent supporter. Cette solution est possible, et à certaines conditions seulement, pour les Etats miniers et/ou pétroliers adossés à des ressources qui pourraient garantir qu’ils ne soient pas asphyxiés par les traites à payer.

Last but not the least, les Européens eux-mêmes sont réticents (et c’est un euphémisme) à ces fameuses euro-obligations. Elles ont fleuri suite à la crise de 2008, mais n’ont pas vraiment fait recette. Venir utiliser ces solutions bancales en Afrique.

Olivier ALLOCHEME

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