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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Les retraités de l’administration


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Des vagues successives de fonctionnaires commencent à prendre leur retraite. A partir de cette année et jusqu’en 2015, ce sera une véritable hémorragie qui emportera presque la totalité des hauts cadres de l’administration publique et presque autant dans des secteurs vitaux comme l’éducation, la santé et l’armée. Y a-t-il une véritable relève ?

Non, ou presque. Les « doyens », comme on les appelle, n’ont pas vraiment eu le temps de se préparer ni de préparer leurs jeunes collègues avant de partir. Résultats, dans nombre d’hôpitaux, de services administratifs et de ministères, leur départ constituera une rude épreuve difficilement surmontable.

Et ils sont nombreux, ceux-là qui ne partent pas vraiment, puisque malgré leur admission officielle à la retraite, bon nombre d’entre eux continuent à être sollicités par l’Etat qui ne leur a trouvé aucun remplaçant digne du nom. Mais le système est connu depuis longtemps. Beaucoup de ces « anciens » ont lutté aux quatre fers pour empêcher leurs collègues d’évoluer dans leur spécialité.

Des manèges de tout genre sont employés pour les écarter des formations stratégiques. Les cas les plus connus sont dans nos universités qui grouillent de professeurs « irremplaçables ». Ils ont eu le mérite d’avoir fait le vide autour d’eux, en empêchant que leurs étudiants montent jusqu’au doctorat pour les concurrencer dans leurs sacro-saintes matières.

Dans certains départements, notamment ceux qui sont les plus techniques, seul la mort du « doyen » peut permettre aux autorités décanales ou rectorales de préparer la relève. De son vivant, le « doyen » s’érige en Dieu le Père, critique ses collègues avec une régularité méticuleuse, surtout dans les concours d’agrégation et lors des délibérations du CAMES et en fait la publicité auprès des étudiants.

Idem dans les hôpitaux. Quelques spécialistes chevronnés font barrage autour de leurs personnes élevées au firmament de la gloire. Les autres sont piétinés, empêchés de monter en grade, humiliés à longueur de journée. Les plus furieux s’en vont en France, au Gabon ou en Côte-d’Ivoire où un accueil triomphal les attend. Ce n’est pas pour rien qu’il y a plus de médecins béninois à Paris et sa région qu’au Bénin même. Ces traitements dégradants font fuir les cerveaux et créent une atmosphère de peur et de soumission aveugle autour des « Doyens ».

Et pourtant, des instruments légaux et règlementaires sont déployés pour éviter d’en arriver au règne de quelques-uns. Le ministère des finances veille généralement au grain pour couper les salaires à temps. « Pour certains la mise à la retraite est plus cruelle que la mort d’un être cher », disait Jacques de Bourbon Busset.

 Malgré les lois, malgré les décrets d’application et les arrêtés, les retraités en activité sont légions dans les cabinets ministériels, dans les commissions techniques et les directions. « Le ministre est son camarade d’école, ils sont du même village et appartiennent au même parti.

Personne ne peut lui demander de partir, » m’a-t-on dit au sujet de l’un de ses hauts cadres indéboulonnables. La loi 2011-20 portant lutte contre la corruption pose pourtant des conditions draconiennes à l’emploi des retraités dans la fonction publique.

Mais les séniors n’ont pas tout à fait tort. Du fait des programmes d’ajustement structurel mis en œuvre dans les années 90, l’Etat béninois a été empêché pendant longtemps de recruter dans la fonction publique. Il a fallu ces six dernières années pour que la pénurie généralisée oblige l’Etat à prendre ses responsabilités.

En voulant maîtriser la masse salariale, on a créé une fonction publique vieillissante où s’amorce aujourd’hui la crise de la relève de qualité. Les séniors qui restent le font surtout pour leurs poches. C’est à ce stade de leur existence qu’ils découvrent les miels de leur carrière.

Ceux qui n’ont pas eu le temps de construire de belles villas s’y emploient en corruption vorace et en gabegie. Les autres se rattrapent en voitures de luxe et en missions onéreuses à l’extérieur. Et certains en viennent à souhaiter franchement que l’âge de la retraite soit repoussé à 70 ans. Pour pouvoir mourir au bureau.

Olivier ALLOCHEME

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