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Le triomphe de la vérité

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Multiplication des cabinets illégaux à cotonou:Des signes d’alerte malgré les efforts du Ministre de la santé


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Voici un cabinet de soins qui suscite des interrogations

Les cabinets médicaux illégaux poussent à Cotonou comme des champignons. A tous les coins de rue, ces centres de fortune offrent aux populations des soins de santé à des coûts « compétitifs ». Peu importe si le soignant est qualifié, compétent ou non. Sa blouse blanche qui vaut souvent « certificat de crédibilité » aux yeux des patients pourrait aussi valoir un visa pour l’au-delà. Des dizaines voire des centaines de victimes. Au nez et à la barbe des autorités sanitaires apparemment impuissantes face à un système qui gangrène le secteur. Silence délibéré, laxisme ou complicité ?

Lundi 14 Mai 2012, 10 heures du matin. Le sieur Akpovi vient déposer au cabinet du ministre de la santé une plainte contre le docteur Yaovi qui aurait, selon lui, « ôté la vie » à sa fille de 5 ans. Dans le couloir qui mène au cabinet du ministre on l’entendait hurler à tue-tête qu’il voudrait que la mort de sa fille soit vengée.

 « Je suis venue ici parce que j’estime que justice doit être faite. Il a tué ma fille, ce maudit docteur. Elle qui était toute ma joie, il l’a tuée et si ici on ne m’écoute pas je vais moi-même me charger de lui et de sa famille ». Les cris et hurlements de l’homme désemparé n’ont pu laisser l’autorité indifférente. Il a été reçu séance tenante.

Dans le même registre, le jeudi 05 juillet 2012, vêtu de sa blouse blanche, le sieur E. S. s’affaire. Sur le vieux banc disposé à l’entrée du « cabinet » attendent déjà 7 personnes dont deux hommes, quatre femmes et un enfant. La cinquantaine environ, E. S. sort et invite la première venue à entrer pour la consultation.

 Le cabinet médical logé dans un bâtiment délabré non loin de la Place de l’Etoile rouge à Cotonou ne comporte qu’une pièce. Un rideau crasseux sépare le bureau de la salle de consultation faisant office de salle de soins. Sur les bancs, chaque patient attend son tour. Aucun d’entre eux ne sortait sans avoir eu sa ou ses dent(s) arrachée(s).

L’une des patientes nous confia : « il m’a enlevé deux dents et m’a pris 6000 Fcfa ». Une autre accompagnée de son époux nous confie qu’elle était aussi venue se faire enlever une dent au prix de 3000 Fcfa. La petite fille déjà pleurnicheuse s’est vue arracher trois dents. Dans la salle de consultation équipée d’un lavabo attaqué par la rouille et déjà hors d’usage, notre « dentiste » qui avait enfilé un gan taché de sang examinait tour à tour les patients.

Quant aux matériels utilisés, aucune mesure évidente de protection et de désinfection pour assurer un minimum d’hygiène. L’opération « chirurgicale » sans anesthésie, ne dure ici qu’environ 10 minutes. Aussi, en moins d’une heure, plusieurs dents ont été arrachées à quatre patients dans l’ambiance d’un spectacle ahurissant. Dans la peau d’une malade de circonstance (pour les besoins de l’enquête), nous avons failli nous faire arracher une dent dans les conditions décrites plus haut.

 « La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a », a laissé entendre le « docteur » E.S. lorsque nous avions refusé de subir son « intervention chirurgicale ». « Je reviendrais très prochainement parce qu’aujourd’hui j’ai trop mal », avait-il reçu pour toute réponse de notre part.Parmi les patients reçus ce jour-là, une s’est retrouvée dans le coma deux jours après.

A l’Hôpital Saint-Luc où elle venait d’être admise, le médecin l’ayant reçue, Dr Elire Nougbodoto, nous confia que cette « intervention chirurgicale » aurait pu lui coûter la vie. « Mais Dieu merci, nous avons pu la sauver. Elle est en soins intensifs et d’ici quelques heures, ses parents pourront la voir. Tous les jours, nous recevons des cas du genre provenant du même cabinet médical », avait-il indiqué.

Selon le docteur Casimir Echikou, président de l’Ordre des dentistes du Bénin, cet homme qui se fait passer pour un dentiste n’a été rien d’autre qu’un simple assistant dans un cabinet dentaire. « Plusieurs fois déjà, nous l’avons rappelé à l’ordre. Mais, rien n’y fit. C’est à croire que ce dernier a des couvertures au ministère de la santé », a-t-il déclaré.

Dame « Maman Samuel », autre patiente ayant été « traitée » chez E.S. témoigne : « Dès la première consultation, il a décidé de m’arracher la dent malade séance tenante ». A la suite de cette opération, dame « Maman Samuel » raconte s’être retrouvée avec la tête enflée sous l’emprise de douleurs insupportables. « C’est grâce à des soins prodigués par un tradi-thérapeute que j’ai pu m’en sortir ».

Complicité ou mutisme de l’autorité ?

Interrogé au téléphone sur les motivations de cet exercice quasi illégal de la stomatologie, le sieur E.S., vert de colère, hurle : « Qui êtes-vous ? Je vais vous créer des ennuis si vous continuez. Mon cabinet n’est pas illégal et je possède tous mes papiers en règle ». Quelques heures après ce coup de fil, ce fut un véritable ballet téléphonique : Nous reçûmes des appels à hue et à dia. Morceau choisi : « Est-ce vous la journaliste qui voulez publier une enquête sur mon frère ?

Vous n’avez pas intérêt. Si vous tenez à votre boulot et à votre vie. D’ailleurs j’appelle tout de suite vos responsables »… une voix d’homme à l’autre bout du fil, un numéro masquée ; l’appel était donc parfaitement anonyme mais apparemment (ou temporairement) efficace. Le soir même, la rédaction de mon journal m’invite à surseoir à la publication de mon article. Ne dit-on pas que la raison du plus fort est toujours la meilleure ? E.S. avait visiblement des « bras longs » qui ont pu empêcher (retarder) la révélation du drame.

Comme lui, ils sont nombreux à usurper le titre d’agent de santé, parfois avec la complicité de hautes personnalités gouvernementales. De nos investigations, il ressort que E.S. était le frère d’un directeur au ministère de la santé qui aurait « pesé » dans l’obtention de ses fameux « papiers » pour l’ouverture de son « cabinet ». Et donc, sans être médecin dentiste, il exerce au vu et au su de tous. Comme lui, ils sont nombreux ces soi-disant « médecins » exerçant au Benin dans l’illégalité.

Cette prolifération anarchique des centres et cabinets médicaux entraîne des lourdes conséquences sur la vie des populations allant souvent à des pertes en vies humaines. Les cas sont légion et les victimes se comptent par milliers. Beaucoup se souviennent encore de ce fait divers horrible où (excusez l’image) une « accoucheuse » a carrément arraché la tête du bébé laissant le tronc dans le ventre de sa mère…

Dans un autre centre de santé de fortune, on a laissé tomber une femme en travail de la table d’accouchement. Des centaines de cas d’administration de sérum glucosé à des patients diabétiques… Des erreurs médicales ? Non, Il s’agit plutôt d’actes ignobles de vils individus à la quête du gain facile qui, pour parvenir à leurs fins, se font passer pour ce qu’ils ne sont pas. Ils ont prostitué la noble profession d’agent de santé. Mais qu’en disent les autorités? Rien ! (à notre connaissance).

Pour certains, c’est un problème qui ne sera jamais résolu dans ce pays. Pour d’autres, c’est la peur des autorités de s’engager dans un combat perdu d’avance. « A qui voulez-vous qu’ils s’en prennent. Ces responsables ont aussi des cabinets médicaux. A qui iront-ils dire de fermer ? Elles-mêmes, elles n’osent pas », a déclaré Ephrem, le frère de la victime hospitalisée à l’hôpital Saint-Luc. Un ministre de la santé peut recevoir des injonctions du palais de la présidence lui interdisant de fermer tel ou tel autre cabinet ou centre médical.

« J’ai fait fermer un cabinet illégalement ouvert et quelques jours après, le soit disant agent de santé responsable a ré-ouvert ses portes », a confié une ancienne ministre de la santé qui a préféré garder l’anonymat. Selon elle, il serait difficile de résoudre ce problème tant que la question du recrutement des nouveaux formés et la relecture des conditions d’ouverture de cabinet médical ne seraient pas réglées. « Elles sont muettes parce qu’elles n’ont pas de solutions.

 Je me rappelle que de nombreux cabinets ont été fermés. Mais l’autorité a vite fait d’abandonner cette lutte. Car (tenez-vous tranquille), les responsables de ces cabinets sont souvent de grands hospitalo-universitaires. Souvent très occupés, ils recrutent d’autres personnes parfois peu qualifiées pour gérer ces cabinets », a confié un autre ex-ministre de la santé dont nous taisons le nom. Plus qu’une complicité, c’est un partenariat entre l’illégalité et l’irresponsabilité.

 Ce qui semble justifier aisément le mutisme qui s’observe face à ce phénomène inquiétant. A quand donc la fin de cette marchandisation incontrôlée de la santé au Bénin ? En ce moment, le sieur E.S. (comme bien d’autres) continue d’ôter la vie à des « clients ». Certains, comme on aime bien le dire en Afrique diront que c’est le fait de la sorcellerie, d’autres s’en remettront à Dieu qui a donné et qui a repris. Advienne que pourra.

Les faits en disent long

Une étude réalisée au Bénin en 2005 a révélé que 13 cas ayant rapport à des infractions plus ou moins liées à des fautes médicales et paramédicales ont été recensés au tribunal de première instance de Cotonou. Pour la plupart, il s’agit des cas d’exercices illégaux de la fonction médicale. Sur les 13 cas recensés, un agent de santé a été cité non pour avoir provoqué un avortement mais pour avoir administré du sérum antitétanique à un patient…

Un autre jugement a mis en cause un meunier qui se faisait passer pour un chirurgien. Il a confondu une hernie à un abcès et l’a incisée. Conséquence, l’intestin grêle de la victime a quitté sa cavité et mort s’en est suivie.Au tribunal de Porto-Novo, 3 cas ont été énumérés. Le premier était relatif à l’usage du faux en écriture, falsification de documents pour pratique illégale et clandestine de la médecine. Et pourtant de nombreux textes de lois existent pour réglementer l’ouverture des centres de santé ou cabinets de santé. Que fait-on de ces instruments juridiques ?

Un enfant de 4 ans handicapé à vie

Jocelyn, 4 ans, restera toute sa vie handicapé. Il s’est vu amputer de son membre inférieur droit alors qu’il avait juste « un bobo » au pied. Une plaie qui avait du mal à se cicatriser. Le docteur de circonstance, un agent d’entretien a donc préféré couper le pied de cet enfant en lieu et place des soins adéquats.

Il ne marchera plus qu’avec une béquille. Il ne pourra plus jouer au ballon dans la cour de l’école avec ses amis. C’est le triste sort réservé à ce jeune garçon béninois qui, de l’avis de ses parents « a perdu une partie de lui ». « Mon fils bien né avec tous ces membres est désormais un handicapé. Ce soit disant médecin me le payera très cher. Je dois en finir avec lui, sinon, je ne me reposerais pas », déclare Kodjo, un oncle de la victime très affecté par la nouvelle ce matin du dernier trimestre de 2011.

De nos investigations, il ressort qu’il s’agit d’un centre médico-chirurgical ouvert à Adjarra (une dizaine de km de Porto-Novo) par un agent d’entretien sous le couvert d’une Organisation Non Gouvernementale (ONG) dont le responsable est un étudiant en médecine. Ledit Centre médico-chirurgical serait spécialisé dans les interventions chirurgicales et les accouchements voire les césariennes.

 La dernière intervention réalisée dans ce centre qui a dégénéré consiste en l’amputation du pied d’un enfant de quatre ans, qui était suivi au Centre Hospitalier Départemental de l’Ouémé-Plateau et dont les parents ont été détournés vers ce centre. Ledit centre est composé d’une chambre (qu’on peut qualifier de bloc opératoire à ciel ouvert) qui s’ouvre directement sur la cour de la Clinique.

Avec pour tout mobilier une vieille table d’opération, le soi-disant bloc opératoire ne dispose d’aucune lampe scialytique, ni de respirateur, ni de stérilisateur, encore moins d’eau courante. Ce qui dépasse l’entendement, c’est que la structure décrite serait animée par des professionnels de la santé en activité et à la retraite. Le promoteur, un agent d’entretien interpellé a tôt fait de révéler le nom des agents de santé qui exercent dans ce centre.Le ministre de la santé lance un ultimatum à tous les responsables des cabinets et centres médicaux illégalement installés au Bénin.

Informée de l’amputation du pied de l’enfant de 4 ans, la ministre de la santé, le professeur Dorothée Kindé Gazard a tiré la sonnette d’alarme à travers une conférence de presse et invité les autres cabinets illégaux à se conformer aux législations existantes. En se basant sur les faits, Dorothée Kindé Gazard a affirmé que les textes réglementaires régissant le secteur de la santé ont été violés.

A ce propos, la procédure pénale a permis l’arrestation du promoteur ; les présumés complices ont été présentés au procureur de la République en décembre 2011. Le ministre de la santé avait alors invité tous les promoteurs de centres de santé illégalement installés sur toute l’étendue du territoire national, « à régulariser, en tout cas dans les plus brefs délais, leur situation administrative, vis-à-vis des ordres respectifs ». A ce jour, on attend toujours la fermeture de centres de sante illégaux.

Source : Afrika7.com

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