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Le triomphe de la vérité

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Prolifération des centres de formation sportive:Laxisme, amateurisme et crise fédérale font des dégâts


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La crise du football a été un élément perturbateur

Au Bénin, les centres de formation sportive naissent comme des champignons. Loin des normes requises et avec le laxisme de la puissance publique, la plupart exercent dans un désordre et un flou total. La fermeture du Cifas et ses conséquences psycho-sociales illustrent bien le désastre.

Le Centre international de formation Ajavon Sébastien (Cifas) a fermé ses portes le 20 juillet 2011. Après cinq ans seulement d’existence. Loin d’être une affaire banale, cette fermeture plonge joueurs, parents d’enfants, éducateurs et autres usagers du centre dans un désarroi total.

Et pourtant ! Lorsque le Cifas lançait ses activités le 11 octobre 2006, tous les espoirs étaient permis. Même si la première promotion d’une centaine d’apprenants n’a pas comblé toutes attentes. Près de 75% de l’effectif est remercié. Le recrutement jugé biaisé et complaisant est repris. Dès lors, en complément des rescapés de la première génération, une centaine de jeunes talents ont intégré le centre. La direction technique est confiée au Franco-belge, Patrick Aussems (2006-2008).

 Mais, ses méthodes sont de plus en plus contestées par ses collaborateurs. Dans la foulée, il est nommé directeur technique nationale de la fédération béninoise de football. Son remplaçant, le Français Bernard Deferrez, prend fonction en août 2008. C’est une référence dans l’Hexagone en matière de formation à la base. En raison des relations conflictuelles avec certains responsables administratifs du centre, il va jeter le tablier en mai 2009. Soit, neuf mois après.

Un 3e Français, Lionel Soccoïa, arrive. Sous ce dernier, Cifas fait une saison correcte en Ligue 2. Le centre est sacré champion et rejoint l’élite en 2010. Sa première saison en Ligue 1 professionnelle était prometteuse. Après la phase aller, Cifas était classé 4e sur 14 équipes. C’est alors que la crise au sein de la fédération béninoise de football (Fbf) éclate.

Le championnat est d’abord suspendu, puis définitivement arrêté. En fait, le Cifas était le plus grand centre d’excellence au Bénin où les conditions d’apprentissage (scolaires et sportives) sont optimales. Les infrastructures sportives relèvent de la dernière génération. Sur les cinq années d’existence, les résultats académiques sont bien satisfaisants. Au Bac, le taux moyen est de 60%. Que ce soit au Bepc ou au Cep, il est de 80%.

La crise est passée par là

Depuis toujours, le milieu du football béninois est en proie à des crises intestines cycliques. En août 2009, une nouvelle équipe fédérale s’installe à la faveur d’une assemblée générale qui consacre, a priori, la fin d’une crise de confiance entre les membres du Comité exécutif sortant. M. Moucharafou Anjorin, président sortant, a rempilé avec le soutien décisif de M. Sébastien Ajavon, richissime homme d’affaires et promoteur du Cifas. Quelques mois seulement après, des fissures apparaissent.

 Ceux qui se sont mis ensemble pour vaincre un camp – celui des frères Didavi – ne s’entendent plus sur les orientations à donner pour le renouveau du football béninois. En toute évidence, un conflit de leadership est né entre MM. Ajavon, nommé entre temps président de la Ligue professionnelle de football, et Anjorin, président de la Fbf. ce dernier estimant que l’homme d’affaire empièterait sur ses prérogatives. Pendant que Ajavon pense que son « associé » n’est pas prêt pour les réformes.

Le 20 décembre 2010, 12 des 15 membres du Comité exécutif de la Fbf – dont Sébastien Ajavon est le chef de file – déposent leurs tabliers. « …Après plus de 15 mois passés au sein de ce comité, nous avons constaté que M. Moucharaf Anjorin n’avait aucune volonté de changer ses anciennes pratiques… », s’était-il désolé plus tard. L’objectif de la démission collective étant de mettre Anjorin en minorité, et de provoquer une assemblée générale extraordinaire aux fins de le destituer. Une bataille juridique s’en est mêlée avec la complicité et le diktat de la Caf et de la Fifa qui ont pris position pour Anjorin.

Même la décision du Tribunal arbitral du sport (Tas), saisi par le camp Ajavon, n’a rien arrangé. Cette juridiction s’est contentée de la forme pour renvoyer dos-à-dos les protagonistes. A ce jour, le dossier est pendant devant les tribunaux ordinaires du Bénin. Entre temps, après une communication jugée partisane du ministre des sports en Conseil des ministres, le gouvernement béninois reconnait le bureau de membres cooptés de Anjorin. Le ministre Didier Akplogan qu’on dit très proche du camp Anjorin est accusé par les contestataires pour connivence.

Dès lors, M. Ajavon, ne voulant pas aller contre une décision de son Etat, a opté pour un retrait pur et simple des activités du football au Bénin. Le 20 juillet 2011, il annonce la fermeture du Cifas. Entre autres raisons évoquées, il y a « … la généralisation de fraudes au niveau des âges des joueurs, empêchant les jeunes formés dans les centres de formation de participer aux compétitions internationales, la non délivrance de licences fédérales aux jeunes athlètes du Cifas, le refus d’enregistrement des conventions de formation des jeunes sportifs par la Fbf, l’inexistence de championnats de catégories d’âges et des centres de formation, l’inexistence de loi sur la pratique du sport professionnel au Bénin pour protéger les athlètes et les promoteurs de centres de formation sportive etc.).

Griefs corroborés par M. Félix Côme d’Oliveira, ancien directeur du Cifas. Selon ses explications, l’arrêté 2001 N°099 qui règlemente l’existence des centres de formation sportive exige en son article 4 la délivrance de licence fédérale à tout athlète de centre de formation. Ce que la Fbf a toujours refusé aux enfants du Cifas.

Pour lui, « un enfant recruté gratuitement coûte en moyenne 1.200.000f Cfa/an. Et M. Sébastien Ajavon ne peut pas injecter de l’argent éternellement, et à fonds perdus. Toutes choses qui n’offrent aucune garantie au promoteur qui est en droit de s’attendre à un retour sur investissements en vue de la survie du centre », a déploré M. d’Oliveira.

Beaucoup de légèreté

A y voir de près, l’Etat béninois n’a pas bien joué son rôle. Ce qui a compliqué la situation de crise ayant abouti à la fermeture du centre. Les arguments avancés par le promoteur du Cifas n’étant pas dénués de tout fondement. Effectivement, il n’y a pas de loi votée pour protéger les investissements dans les centres de formation sportive et les sportifs eux-mêmes.

Pire, l’application du seul arrêté ministériel qui pourrait contraindre les acteurs du secteur de formation n’est pas stricte. La preuve, la fédération béninoise de football n’a jamais délivré de licences aux jeunes apprenants, ni enregistré la convention de formation des jeunes sportifs. L’argument avancé par les responsables de cette structure fédérale est qu’un enfant en formation dans un centre ne peut avoir de licence.

Ce qui est en contradiction flagrante avec les exigences de l’arrêté 2001 N°099/MJSL/DC/SGM/DNS/SA portant conditions générales de création, d’ouverture, de fonctionnement et de contrôle des centres de formation sportive. Un arrêté signé le 13 mai 2001 par le ministre des sports d’alors, M. Valentin Aditi Houdé.

L’autre situation mal gérée par l’Etat béninois est la fugue en Hexagone d’un jeune pensionnaire du Cifas. En 2010, la sélection cadette du Bénin a participé au tournoi de football de Montaigu en France. Le Cifas a fourni une dizaine de joueurs. Sur le chemin de retour, le jeune Affo Gnambo disparait.

 Toutes les tentatives pour le retrouver sont restées vaines jusqu’à ce jour. Insidieusement, la responsabilité est portée au Cifas alors que le joueur est parti en France au nom du Bénin. Une situation qui a constitué un blocage à quatre autres produits du centre invités à faire des tests de recrutement.

Le consulat de France ayant exigé que le fugitif soit retrouvé avant d’accorder de nouveaux visas aux jeunes footballeurs du Cifas. Par conséquent, jusqu’à sa fermeture, le centre n’a pu placer officiellement un seul joueur formé. Ce qui laisse un arrière-goût d’inachevé. Un véritable gâchis qui ne dit pas son nom.

Réalisé par Pascal Hounkpatin avec le soutien de l’Association danoise des journalistes d’investigations (FUJ)

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