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Le triomphe de la vérité

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Analyse de l’expert en aménagement du territoire et développement régional, Tôgbé Cyriaque Agonkpahoun, sur le déguerpissement de la berge lagunaire:« Le ministre Ahanhanzo a raison, mais il manque de tact »


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Entre le maire de la commune de Cotonou et le ministre en charge de l’urbanisme, qui a raison et qui a tort ? Difficile pour le citoyen lambda de trouver réponse à cette question avec la polémique qui s’anime autour du déguerpissement de la berge lagunaire à Xlacodji et ailleurs. Au-delà des appréciations plutôt politiques qui font le lit à ces controverses, le spécialiste en aménagement du territoire et développement régional, Tôgbé Cyriaque Agonkpahoun jette un regard d’expert sur l’opération. Dans cet entretien, il éclaire nos lanternes tout en situant les responsabilités de chacun et propose des pistes de solutions à l’appui.

L’Evénement Précis: Est-ce que le ministre en charge de l’urbanisme n’est pas allé trop loin en procédant par la force à ces déguerpissements ?

Cyriaque Agonkpahoun: Techniquement, il faut reconnaître que le ministre Blaise AhanhanzoGlèlè est dans ses droits. Il a raison à 90% en décidant de faire exécuter une décision du conseil des ministres datée du 27 décembre 2006 et actualisée le 14 décembre 2011. Passer à l’acte c’est alors vouloir rester conforme à son communiqué signé le 23 février 2012

Est-ce que cela suffit pour se passer de l’autorité municipale et exécuter une décision aussi délicate sur le plan social ?

C’est à ce niveau que la collaboration entre les deux institutions a manqué d’intelligence. Et c’est pour cela que j’ai évité de dire tout à l’heure que le ministre a totalement raison. Il aurait dû faire usage de tact. Pour faire preuve de responsabilité, le ministre devrait d’abord vérifier si le Maire de la ville de Cotonou dispose de solutions atténuantes aux populations victimes et sinistrées de cette opération de déguerpissement.

Mais le ministre Ahanhanzo a ignoré les aspects sociaux et est certainement resté dans la logique que le Maire de Cotonou devrait disposer de solutions qui ne sont rien d’autres que ce que nous appelons les logements tiroirs. De plus, la responsabilité du ministère de l’urbanisme est engagée pour n’avoir pas traduit dans différentes langues locales et par des affichages publics le communiqué annonçant le déguerpissement et appelant les populations à vider la berge lagunaire.

Mais les journaux ont publié que le Maire Nicéphore SOGLO était au courant. Ce qu’il renie. Est-ce que ce n’est pas du devoir de la mairie de se préparer à reloger ces sinistrés qui ont occupé illégalement ces espaces qui sont publics ?

Que le maire soit informé ou non, qu’il soit en train de jouer à un jeu politique ou non, on n’en finira jamais avec les enveloppes de soutien qui n’ont aucun impact sur les populations sinistrées. Le mieux, c’est de réfléchir pour disposer de logement «tiroir» pour des hébergements temporaires. Je crois que le maire ne devrait pas déplorer l’action du MEHU. Il est souhaitable qu’il l’accompagne de son soutien car nul n’a le droit d’aller contre un Programme d’intérêt Général (PIG) voulant être mis en service pour le bonheur des mêmes populations. On doit réussir à dissocier la politique de la gestion du territoire

C’est dire que le maire de Cotonou a tort ?

Ce n’est pas exactement cela. Il faut reconnaître qu’en tant qu’élu local, proche des populations, le maire doit tenir compte d’un certain nombre de réalités. Et le fait que le ministre en charge de l’urbanisme est aussi un ancien élu local et par surcroît maire, il doit comprendre que pour ces genres de situation, il faut passer par plusieurs étapes. Et c’est là qu’il faut accepter que le maire de Cotonou ait quand même un peu raison de s’indigner. Le MEHU pouvait attendre une lettre de confirmation émanant du maire faisant état de ce que les dispositions de relogement sont prises totalement ou partiellement et dans ce cas les récidivistes pourraient être déguerpis par force.

Dans ce dossier donc, tout le monde a raison et tout le monde a également tort

Dans la mesure où tout le monde est unanime qu’il faut lutter contre l’habitat insalubre, il n’y a pas lieu d’animer une polémique. La lutte contre l’habitat insalubre est un volet du programme d’amélioration de l’habitat qui n’est qu’une branche de la politique de la ville. Dans ce volet dénommé «Amélioration de l’habitat», l’autorité doit disposer de plusieurs polices. Il s’agit par exemple de la lutte contre habitat indigne (Lhi), le programme de renouvellement urbain, la résorption de l’habitat indigne.

 Cela englobe un certain nombre de dispositions incitatives selon le cas pour amener les habitants à participer au programme car, ils ont un droit qui est le devoir de l’élu à mettre en œuvre un programme de logement dans sa politique de management territorial. La politique au plan décentralisé reste donc l’art de se faire utile à sa commune.

Comment mettre en œuvre la politique des logements tiroir ?

Plusieurs stratégies peuvent être utilisées pour mettre en œuvre cette politique. La première stratégie, c’est d’agir par réserve de 20% du social dans les programmes immobiliers si le concept est bien perçu. Ces 20% serviraient à loger temporairement les sinistrés en cas de catastrophes, à accompagner les actions de lutte contre les habitats indignes (Lhi).

 L’autre stratégie est de constituer un parc de logement de secours par la mairie. Ceci se fait par le rachat de patrimoines immobiliers ou l’expropriation des habitats représentant un danger public, risque ou péril, pouvant conduire à une démolition en vue de leur amélioration et de leur intégration au parc. On peut aussi réussir un déguerpissement par la contribution du pouvoir local à une construction par les populations elles mêmes avec des offres de matériaux, des suivis des travaux par la DST, des dons et autres…

Dans la pratique, que faire en urgence ?

Quatre choses essentielles. La première chose est d’éviter de revenir en arrière. Cela oblige à respecter l’action du MEHU car il émane du pouvoir central. Il faut alors définir à court terme un relogement provisoire des populations puis aider à la construction pour ceux qui sont recasés. Il ne faut surtout pas tomber dans l’erreur de la mauvaise politique des dons de vivres, de moustiquaires, d’habits, etc. Là n’est pas le problème car ce n’est pas une catastrophe.

Il est surtout question d’éviter foncièrement les dédommagements qui font objet d’insatisfaction et donnent même naissance à d’autres réclamations tout azimuts. Le cas de Sèmè par exemple et même du lieu sujet du récent déguerpissement. Il faut alors suivre la procédure normale en matière d’expropriation et déclarer les zones d’utilité publique en amont.

En guise de conclusion ?

Quand nous vivons ces situations, cela doit nous interpeller. Nous devons commencer par rendre prioritaires et préoccupantes les questions de protection de notre environnement et par conséquent de notre planète. Et ceci doit passer par la relecture du code de l’urbanisme surtout que des déguerpissements se font sur décision du tribunal. D’où la nécessité de repenser le permis de construire, la politique de la ville au même titre que la réduction de la pauvreté, la lutte contre le Sida, le paludisme et même la révision de la constitution.

Entretien réalisé par

A. P. Virgil HOUESSOU

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