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Alimentation scolaire au Bénin:Quand la faim remet en cause les droits de l’enfant


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Manger à sa faim, un défi pour l’enfant béninois

Au Bénin, le droit à l’alimentation demeure toujours une quête pour des milliers d’enfants. Et pour nombre d’entre eux, la faim continue de conduire à l’abandon des études.

Sac en bandoulière, le petit Joachim Sossou peut courageusement braver les affres du vent sec d’harmattan qui sévit en ce mois de décembre dans la cité des Tschabè. Son bout de pain en main, il peut soulager la faim qui lui tenaille. Contrairement à la veille, cet élève de CE1 à l’cole primaire publique de Gambiala, à une quarantaine de kilomètres de Savè, ville située à environ 300 Km de Cotonou, peut envisager une journée studieuse sans craindre les tortures liées à la faim.

A l’instar de cet apprenant, des milliers d’enfants, filles et garçons, issus de milieux pauvres souffrent au quotidien le martyr de la faim dans les écoles privées et publiques du Bénin. Ainsi, privés de petit déjeuner et/ou de déjeuner, ces apprenants se heurtent à la problématique d’allier performances scolaires et ventre vide. Il en a été ainsi de Sylvain Otchoumaré du village de Soclogbo, dans la commune de Dassa-Zoumé. « J’ai abandonné les cours pour venir aider mes parents à casser la pierre.

A cause de la pauvreté, mes parents ne parvenaient pas à me donner de quoi acheter à manger à l’école. Ce qui m’a poussé à abandonner les classes malgré moi », explique ce garçon de 15 ans, la voix amère. « Peut-être que j’aurai eu une autre situation si j’avais eu la possibilité d’assurer ma pitance quotidienne », regrette t-il.

 Or, le droit à l’alimentation trouve un écho favorable dans les lignes directrices volontaires adoptées, à l’initiative du Fonds mondial pour l’alimentation (FAO) le 23 novembre 2004, qui consacrent l’obligation des Etats « à respecter le droit à une alimentation adéquate et à assurer à tout un chacun qu’il ne souffrira pas de la faim » et dont le Bénin est signataire.

Un facteur d’abandon et de contre-performances scolaires

«Comment demander à un enfant d’être concentré, d’être motivé, s’il a le ventre vide ? Comment voulez-vous qu’un élève qui n’a pas pris le petit-déjeuner suive attentivement les explications du maître? Ce n’est pas possible ! », s’indigne l’enseignant Germain Aballo. En clair, selon lui, les enfants qui ne mangent pas le matin ont de fortes chances de s’assoupir en classe et de ne pas intégrer les connaissances qu’on tente de leur transmettre. C’est ce que l’Unesco appelle d’ailleurs le « syndrome de faim immédiate » qui affecte les fonctions cognitives des enfants et leur faculté d’assimilation. Or, rappelle-t-il, « l’enfant est l’avenir d’un pays ».

 « Dans nos établissements scolaires, de nombreux enfants continuent d’aller au cours le ventre vide », se désole Léonce Dansou de l’Ong Action Vitale scolaire (Avs-Ong) avant de faire observer que ceux qui se rendent à l’école le ventre creux sont facilement distraits, ont du mal à rester éveillés et à se concentrer sur l’enseignement ». Pour sa part, le directeur de l’Ecole primaire publique de Gambiala, Théodore Magbondé estime que « la faim est l’une des explications aux taux élevés d’abandon et de redoublement enregistrés dans les établissements situés notamment en zones rurales ».

A en croire ses propos, le cas des zones reconnues par l’Etat comme déshéritées est dramatique. « Dans ces localités, la faim pousse les enfants à quitter les bancs parce que leurs parents ne parviennent pas à leur offrir quelque chose à manger pour être en mesure de suivre les cours». Ainsi, alors que le droit à l’alimentation est consacré par la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, des milliers d’enfants sont contraints de plier l’échine devant la faim en mettant un terme à leur cursus scolaire.

 La FAO estime à ce titre que « le droit à une alimentation adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec autrui, a accès à tout instant, physiquement et économiquement, à une alimentation adéquate ou aux moyens de se la procurer ». Les plus chanceux quant à eux, se maintiennent dans le système sans parvenir à exprimer pleinement leurs talents. Or, «l’alimentation joue un rôle primordial dans l’acquisition d’un quotient intellectuel élevé chez tout individu », confie le nutritionniste Gervais Tossou.

Manger à sa faim, un droit de l’enfant

« Nous pouvons attester que la cantine joue un rôle important dans notre établissement. L’offre de mets quantitatifs et qualitatifs aux enfants les retient dans la cour et favorise un bon climat de travail », confie Bienvenu Komaclo, le directeur de l’Ecole béninoise des sourds (EBS) de Cotonou. A l’instar de cet établissement, 1694 cantines scolaires sont opérationnelles sur toute l’étendue du territoire national dont 1098 cantines gouvernementales appuyées par plusieurs partenaires notamment le Programme alimentaire mondial (PAM), à en croire les services du Ministère des enseignements maternel et primaire (MEMP).

Destinées, selon le ministre des enseignements maternel et primaire du Bénin, Félicien Zacharie Chabi, « à éliminer la faim de courte durée notée auprès de certaines couches vulnérables », les cantines gouvernementales cohabitent, dans bien des cas avec celles informelles – et plus sollicitées – mises en place par de bonnes dames avec le consentement des responsables d’établissements. Grâce à ce mécanisme, nombre d’enfants démunis ont accès à des denrées alimentaires de coût réduit. « La cantine scolaire mise en place par le gouvernement est l’une des réponses les plus efficaces aux abandons scolaires dans les milieux pauvres », explique, Théodore Magbondé.

 Cet impact positif de la bonne alimentation des élèves n’est pas ignoré par l’Etat béninois. Ce dernier qui envisage, entre autres actions, d’inscrire l’alimentation scolaire comme priorité nationale dans les prochains mois, s’est engagé, à travers divers instruments internationaux à assurer le droit à l’alimentation de ses populations. Il en est ainsi de la Convention sur les droits de l’enfant Adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale dans sa résolution 44/25.

A travers l’article 24 (2) (c) de cet instrument de protection de l’enfant, le Bénin s’engage à « lutter contre la maladie et la malnutrition… » tandis que dans l’Article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, il reconnait que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation… ». Il va alors s’en dire que sa responsabilité est engagée dans la promotion et le respect effectif du droit à l’alimentation et surtout celui de la couche vulnérable des enfants.

Somme toute, en attendant la concrétisation des ambitions du Bénin de faire véritablement du droit à l’alimentation une réalité dans sa marche vers l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la petite Eugénie de l’Ecole béninoise des sourds, sourire aux lèvres, peut s’estimer bien chanceuse. Elle fait partie des enfants qui jouissent des bienfaits de la cantine scolaire qui lui garantit son droit à manger à sa faim.

Jean-Claude D. DOSSA

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