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Le triomphe de la vérité

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Relecture de la loi fondamentale du Bénin:Voici les propositions de la Commission Gnonlonfoun sur la révision de la constitution


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La commission Gnonlonfoun a déposé son rapport la semaine dernière. Nous vous proposons les grandes lignes du rapport qu’elle a déposé et qui figure dans un document intitulé Consolider les acquis démocratiques. Il s’agit d’une révision en profondeur de la loi constitutionnelle tenant compte des acquis fondamentaux de la Conférence Nationale.

Introduction

Mise en place par le décret n° 2011-502 du 25 juillet 2011, la Commission a démarré ses activités le 5 septembre 2011.

Depuis cette date, la Commission a travaillé sur plusieurs textes dont le plus important et le plus sensible est la Constitution du 11 décembre 1990. La Constitution est en effet la loi fondamentale, la base de l’Etat, la norme supérieure qui règle les questions relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir.

Elle est sensible puisque dès que l’on envisage la révision d’une Constitution, les citoyens et les partis politiques craignent des modifications substantielles tendant à l’appropriation ou la confiscation du pouvoir par le régime en place et impliquant des régressions démocratiques. L’idée d’une révision constitutionnelle soulève dès lors des passions légitimes que le contexte africain ne contribue pas à apaiser. L’examen d’un texte constitutionnel pour proposer des modifications s’avère alors délicat.

La Commission instruite pour l’examen de notre constitution a tenté de se détacher des considérations politiciennes pour s’attacher à l’histoire constitutionnelle béninoise, à la pratique des institutions, à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et aux nouvelles tendances du droit constitutionnel. Ce rapport rend compte du travail effectué. Mais pour la compréhension du mandant, il convient de décliner d’abord la méthode de travail ainsi que la démarche empruntée pour ensuite présenter les modifications suggérées.

La Commission a apporté des amendements de forme et de fond au texte. La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 entre dans sa vingt deuxième (22éme) année. Elle a fait preuve de sa stabilité par un fonctionnement appréciable des institutions et par l’alternance au sommet de l’État, preuve de la vitalité démocratique. Mais, la Constitution a montré aussi certaines limites par exemple dans des situations de discordance de majorités. Dans ces conditions, le président de la République ne pouvait pas compter sur l’Assemblée nationale pour le soutenir dans l’exécution de son programme.

La situation a frisé plus d’une fois le blocage. Aussi, si globalement la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 a fait preuve de sa solidité, son examen devait-t-il tirer leçons des vingt et une années du Renouveau démocratique afin d’apporter des réponses concrètes et circonstanciées aux problèmes rencontrés par son application et pour l’approfondissement du processus démocratique. Cette démarche réflexive a particulièrement guidé la Commission en ce qui concerne la révision de la Constitution.

En effet, si la révision d’une Constitution en général doit se faire avec précaution, celle d’une Constitution jamais retouchée ni profanée mérite une attention particulière. Une Constitution est mûrement réfléchie au moment de son adoption et est faite pour durer. Pourtant on assiste la dans les Etats africains à la multiplication des révisions constitutionnelles dans le sens de l’appropriation ou la confiscation du pouvoir par certains, ce qui justifie que la question de la révision de la Constitution suscite des réactions vives et acerbes de la part des citoyens et des partis politiques.

Pour autant, si ne pas pouvoir réviser trop facilement une Constitution est une vertu, ne pas pouvoir la réviser indéfiniment est une faiblesse qui risque à terme de l’emporter. En effet, un grand décalage entre la réalité sociale et le droit peut conduire soit à marginaliser la Constitution: la pratique du droit se déroulerait alors en dehors de la Constitution; soit à un coup de force face à l’impossibilité, de droit ou de fait de la modifier. La révision permet l’adaptation de la loi fondamentale à l’évolution de l’histoire politique d’un pays. Réviser la Constitution, ne saurait donc être une question taboue.

Dans le constitutionnalisme moderne, la Constitution n’est plus considérée comme un texte intangible, car rien n’étant immuable dans la vie, des modifications peuvent apparaître nécessaires. L’important est donc d’adapter la loi fondamentale aux réalités et à l’usure du temps, en choisissant des périodes assez espacées pour tirer leçons de la pratique des institutions mises en place. Dans ce souci d’adaptation de la loi fondamentale, les révisions peuvent apparaître nécessaires soit pour corriger les lacunes et imperfections techniques révélées par le fonctionnement des institutions, soit pour marquer un tournant décisif dans l’orientation politique du régime.

Dans le cas béninois, la révision constitutionnelle envisagée apparaît nécessaire pour améliorer le fonctionnement des institutions, lever les blocages et approfondir la participation des citoyens à la démocratie. Il s’agit d’adapter la Constitution du 11 décembre 1990 aux exigences nées de l’évolution et de la pratique politique de ces vingt et une années, sans remettre en cause le régime politique qui reste présidentiel.

La Commission a ainsi pris deux précautions importantes pour maintenir l’équilibre constitutionnel et institutionnel: préserver les acquis, d’une part, renforcer l’édifice constitutionnel, d’autre part.

En ce qui concerne, d’une part, la préservation des acquis, la Commission maintient les « options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990 et qui sont reprises par les articles 42, 44 et 54 de la Constitution ». Comme la Cour constitutionnelle béninoise elle-même l’a relevé, il s’agit principalement de la limitation du mandat présidentiel renouvelable une fois, la limitation de l’âge d’accès à la magistrature suprême, la forme républicaine et la laïcité de l’État. Ces questions essentielles ne peuvent faire l’objet de révision, car reposant sur les idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990.

 Ces principes participent du choix initial de création d’un État de droit et d’une démocratie pluraliste et qui ont fait l’objet d’un «consensus national» désormais érigé en principe de valeur constitutionnelle par le juge. Il n’y a donc pas lieu de les réviser. La Commission a d’ailleurs choisi de constitutionnaliser la limitation du nombre de mandat présidentiel et la garantie des droits fondamentaux et inaliénables comme des normes immuables, c’est-à dire des normes qui feront définitivement et clairement l’objet d’interdiction de réviser.

Soucieuse, d’autre part, du renforcement de l’édifice constitutionnel, la Commission se prononce en faveur de la constitutionnalisation de certaines institutions. Elle souscrit à l’idée d’approfondir la démocratie en introduisant l’initiative populaire, de mettre un terme à l’impunité, d’insister sur la moralité et la compétence avérées des personnes assumant une charge publique et de procéder à des clarifications sémantiques.

 Ainsi en tenant compte de l’évolution politique et du rôle joué par différents organismes publics mis en place par le législateur et qui ont fait la preuve de leur nécessité, les institutions telles la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), le Médiateur de la République sont désormais inscrites dans la Constitution. De même, les engagements internationaux souscrits par notre pays conduisent à proposer la mise en place d’une Cour des comptes, à inscrire dans la Constitution l’interdiction de la peine de mort et l’imprescriptibilité de certains crimes.

Pour ces différentes orientations, la Commission n’a pas travaillé ex nihilo Hormis la Constitution actuellement en vigueur, elle a pris en compte quelques documents existants :

– les Actes de la Conférence nationale de février 1990,

– le texte final de la Commission technique de relecture de la Constitution,

– le décret n°2009-548 du 3 novembre 2009 portant transmission à l’Assemblée nationale du projet de révision de la Constitution de la République du Bénin dont l’exposé des motifs a été indicateur,

– le premier commentaire de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 avec comme sous-titres: Esprit, lettre, interprétation et pratique de la Constitution, Fondation Konrad Adenauer, 2010,

– le Projet de révision de la Constitution béninoise: Portée et limites.

– les conventions et les déclarations de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) sur la démocratie et leurs implications sur le plan économique,

– la jurisprudence abondante de la Cour constitutionnelle et celle des juridictions africaines,

– la doctrine en matière constitutionnelle et l’analyse comparée des mécanismes permettant d’améliorer la participation citoyenne et l’accès des individus au juge constitutionnel.

C’est au regard de tous ces éléments que la Commission suggère ces modifications. Celles-ci visent à renforcer les avancées démocratiques issues de l’application de la Constitution du 11 décembre 1990.

En conséquence, la Commission s’est efforcée d’articuler le nouveau texte qui sera issu de la révision constitutionnelle autour de quelques idées fortes dont les principales sont ici résumées. Le présent rapport reprendra donc les propositions qui ont fait, au sein de la Commission, l’objet d’un consensus. L’accord des membres de la Commission autour des points ainsi soumis à la réflexion des Béninois a généralement été obtenu au terme de vifs débats et

d’échanges approfondis. Ce rapport obéit à une dynamique et présente, dans

ses grandes lignes, tour à tour, les principes nouveaux qu’il conviendra de constitutionnaliser et les réformes politiques et institutionnelles à mettre en œuvre pour rénover nos institutions et assurer à notre pays la stabilité nécessaire à son développement.

CHAPITRE 1

DES PRINCIPES NOUVEAUX

La Constitution du 11 décembre 1990 contenait déjà de nombreux principes. Ils s’inscrivent à l’origine dans la dynamique de l’Etat de droit et de la démocratie pluraliste. La Commission propose de les approfondir en tenant notamment compte des considérations sociales relatives à la lutte contre la corruption, la lutte contre l’impunité et le respect de nos engagements internationaux.

La pratique politique de ces dernières années a clairement montré l’irruption dans le débat public de nouvelles préoccupations. C’est notamment le cas de la lutte contre la corruption, de la morale en politique, de la monétisation du discours politique et de la marchandisation du choix des gouvernants. Ces différents maux, devenus pour certains des fléaux, constituent aujourd’hui une menace pour notre démocratie. D’autres ont pris depuis lors une proportion telle que les pouvoirs publics, les partenaires au développement ainsi que les citoyens à travers diverses organisations ont dû se mobiliser et trouver au moyen d’organes appropriés, de programmes spéciaux pour limiter leurs conséquences.

Le constituant ne saurait rester indifférent à une telle réalité. C’est pourquoi la Commission propose d’apporter à ce dérèglement social une réponse à la hauteur des menaces qu’il fait peser sur le système politique et la survie de notre démocratie. Une action constituante s’impose et il conviendra d’y parvenir par la prohibition de l’achat de conscience, l’imprescriptibilité des crimes économiques et la clarification du régime de responsabilité des gouvernants: président de la République, membres du Gouvernement et députés à l’Assemblée nationale.

 

CHAPITRE II

DE LA MORALISATION DE LA VIE PUBLIQUE

Cette préoccupation traverse les réflexions de la Commission à travers trois propositions de réforme. Ce sont d’abord, la prohibition de l’achat de conscience, ensuite l’imprescriptibilité des crimes économiques et enfin la clarification du régime de responsabilité pénale du président de la République, des ministres et des députés.

1ère PROPOSITION: La prohibition de l’achat de conscience

Les élections pluralistes organisées sous l’égide et en application de la Constitution du 11 décembre 1990 ont confirmé une tendance lourde. Il s’agit, d’une part, de la régression du débat d’idées et de la confrontation des projets de société et, d’autre part, de l’intrusion de l’argent dans la vie politique. Ce phénomène qui a pris une proportion considérable affecte l’intégrité, la sincérité et la crédibilité de toutes les consultations électorales organisées au Bénin.

 L’achat de conscience des électeurs, pour le nommer, est naturellement devenu une préoccupation majeure, mais en même temps un chantier. L’argent en politique, l’argent dans les campagnes électorales dénature désormais l’esprit de la démocratie et biaise le choix des électeurs. C’est un des piliers centraux de la démocratie qui est ainsi menacé, car si les citoyens doivent désormais se déterminer en fonction des moyens financiers et matériels des candidats en compétition, il va sans dire que c’est la vocation même du vote en démocratie qui est remise en cause. Ainsi notre République est-elle devenue une machine « censitaire» qui broie sans pitié ceux qui, dépourvus de moyens financiers, osent participer aux compétitions électorales.

C’est en raison des dégâts que la marchandisation et la monétisation de la confiance de l’électeur induisent qu’il est apparu nécessaire d’endiguer le phénomène sans cesse en expansion. Il est possible de cerner le mal par plusieurs approches. Celle de la sensibilisation des électeurs mais aussi des acteurs politiques ayant montré ses limites, la Commission propose de lui adjoindre la prohibition formelle de la pratique. L’inscription dans le préambule de la Constitution du 11 décembre 1990 de la réprobation de l’achat de conscience en politique pourrait permettre d’assurer à ce principe des chances de sanction par les juridictions appropriées.

2ème PROPOSITION: L’imprescriptibilité des crimes économiques

Toujours dans le but de moraliser la vie publique, il a semblé nécessaire de donner au combat collectif de la société contre la corruption, notamment celle des serviteurs de l’Etat, un support de référence. C’est ce qui justifie qu’on propose dans le corps du texte l’affirmation de l’imprescriptibilité des crimes économiques.

La Constitution fait des crimes économiques et des crimes contre l’humanité des infractions imprescriptibles. La rétroactivité joue à leur égard. Il va falloir que les définitions concernant ces infractions interviennent rapidement pour que leur mise en œuvre soit effective. L’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime de génocide est aujourd’hui incontestable.

La modification suggérée introduit le principe d’imprescriptibilité des crimes économiques pour tenir compte des conséquences tragiques pour des peuples entiers des pillages de ressources économiques d’un pays. Dans les systèmes juridiques contemporains, la loi ne disposant que pour l’avenir, le principe de non rétroactivité a valeur législative. Seule la non rétroactivité de la loi pénale est considérée comme un principe de valeur constitutionnelle. Ce principe de non rétroactivité s’explique par le fait que l’on ne peut punir un individu que pour un acte illicite au moment où il le commet.

 En introduisant le principe de rétroactivité des crimes imprescriptibles et des crimes contre l’humanité, il s’agit, dès l’adoption des propositions, de lancer un signal fort pour la répression de ces crimes graves pour lesquels le retard ou l’absence dans la définition précise des infractions, n’empêchera pas, en temps opportun, la poursuite de personnes présumées avoir perpétré de tels crimes. Dans le même ordre d’idées, le souci de la moralisation de la vie publique a conduit la Commission à proposer d’étendre l’obligation de la déclaration du patrimoine qui pèse sur les gouvernants et les hauts fonctionnaires, à leurs conjoints. La Cour des comptes qui est enfin créée doit y veiller avec efficacité.

3ème PROPOSITION: La clarification du régime de responsabilité pénale du président de la République, des ministres et des députés

L’un des handicaps à la moralisation de la vie publique est sans conteste le défaut de clarté du régime de responsabilité applicable aux gouvernants. A ce niveau, la Commission dissocie le régime de protection des parlementaires de celui du président de la République et des membres du Gouvernement.

Dans le premier cas qui touche à l’immunité des parlementaires, le refus de solliciter les règles prévues à l’encontre de députés présumés avoir commis ou participé à la commission d’une infraction, a paralysé les mécanismes existants. Le régime de responsabilité des députés ne souffre donc pas d’un défaut de clarté. Son inefficacité constatée est plutôt le résultat d’un usage à contre¬ sens. Quant à la responsabilité pénale du président de la République et des membres du Gouvernement, la Commission a noté que sa non opérationnalisation est quelque part due au défaut de clarté des règles qui l’organisent.

En conséquence, la démarche de la Commission et les approches de solutions qui sont esquissées tiennent essentiellement compte de la spécificité de chaque catégorie de gouvernants.

1. L’immunité parlementaire

En ce qui concerne les parlementaires, il convient de rappeler que la sécurité des parlementaires est intrinsèquement liée à l’exercice de la fonction. L’Union interparlementaire dont le Parlement béninois est membre a, à juste titre, insisté sur les deux aspects que recouvre la notion: l’irresponsabilité et l’inviolabilité.

En droit, l’irresponsabilité est une protection permanente et absolue au bénéfice non du titulaire, mais de la fonction. Elle a pour particularité d’une part de s’étendre au-delà de la cessation du mandat antérieurement couvert et, d’autre part, de s’opposer à toute mise en cause du député pour les opinions émises et les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Quant à l’inviolabilité, elle est aussi une protection d’ordre procédural ayant pour objet soit, de suspendre les poursuites en matière criminelle ou correctionnelle contre l’élu en cause, à la fin de l’exercice de la fonction protégée, soit de soumettre lesdites poursuites à des règles de procédure dérogatoires de celles du droit commun.

On voit bien que ces deux composantes de l’immunité parlementaire doivent être absolument et entièrement préservées lorsque l’élu est dans l’exercice de son mandat. Dans l’absolu, la vocation de l’irresponsabilité et de l’inviolabilité est de protéger et la fonction et l’élu, car il s’impose à la raison que les parlementaires soient à l’abri des poursuites judiciaires pour assurer le libre exercice de leur mandat.

Toutefois, l’immunité ne doit pas conduire à l’impunité. Si l’on comprend que, pour la vitalité de la démocratie, le parlement soit une forteresse institutionnelle, il n’apparaît guère normal qu’il s’érige dans la pratique comme ‘’une zone de non droit’’ ou carrément une « citadelle imprenable pour la justice ».

C’est la raison pour laquelle la Commission suggère de veiller à l’équilibre entre deux extrêmes : La première est la protection nécessaire du député par le maintien de l’inviolabilité et l’irresponsabilité parlementaire. La seconde est l’impératif de la moralisation de la vie publique. Celui-ci commande que la République ne soit pas indifférente à l’image que ses institutions, en l’occurrence l’Assemblée nationale peut envoyer à l’opinion.

 Si l’on n’y prend garde, la perception des citoyens risque d’entacher la légitimité de l’institution et de compromettre la participation populaire nécessaire à la vitalité et à l’enracinement de notre démocratie. A cet égard, il suffira de rappeler que depuis plusieurs législatures déjà, l’image du Parlement s’est dégradée auprès de nos compatriotes, pour mesurer l’urgence des réformes à engager.

En effet, nombre de Béninois considèrent à tort ou à raison le Parlement comme un refuge de transgresseurs de la loi, et la fonction de député comme un moyen de se soustraire à sa responsabilité civile et pénale et d’échapper à la justice alors même que les faits en cause sont complètement étrangers à l’exercice de la fonction et parfois antérieurs à l’entrée en fonction.

La proposition de notre commission, déjà formulée par la Commission présidée lo-Glélé, ouvrira la possibilité d’engager des poursuites judiciaires dans des cas où le député est auteur de crimes ou délits n’ayant aucun lien avec sa fonction, notamment dans les cas de flagrant délits ou de crimes flagrants.

2. La responsabilité pénale du président de la République et des ministres

Pour donner corps à la préoccupation devenue constante et croissante de moraliser la vie publique, la Commission a élargi sa réflexion au régime de responsabilité du président de la République et des membres du Gouvernement. Il convient de mentionner que la question de la responsabilité pénale des gouvernants est une question cruciale dans les régimes démocratiques, non pas toujours du fait de sa constitutionnalisation qui est acquise, mais plutôt en raison de l’écart entre le texte et la pratique.

Mais quelle que soit la justification qui plaide pour la protection des gouvernants et la mise en place d’un régime dérogatoire de responsabilité pénale, elle ne saurait être la caution encore moins l’alibi à une surprotection des gouvernants. A l’unanimité, on consent à la nécessité de protéger l’Etat à travers les fonctions présidentielles et ministérielles.

Malgré la demande populaire de responsabilité, les citoyens adhèrent également à l’idée qui sous-tend d’une part l’irresponsabilité pour les «actes publics» et d’autre part, l’inviolabilité pour les «actes privés». Les Béninois comprennent non sans rechigner, que le président de la République et les ministres ne puissent pas être exposés aux poursuites parfois abusives et infondées pour l’exercice de leurs fonctions. Cependant, la protection légitime des gouvernants ne doit pas induire directement ou indirectement, pour quelques raisons que ce soit, l’intouchabilité de ces derniers et en faire des citoyens à part, au dessus de la loi.

De l’entendement de la Commission, la responsabilité pénale doit toujours signifier que l’on est obligé de répondre des infractions délictueuses ou criminelles, commises et de subir la peine prévue par le texte qui les réprime.

Mais formellement, le droit processuel béninois a souvent été une obstruction à la mise en œuvre de cet idéal de justice. En effet, les dispositions constitutionnelles relatives à la responsabilité pénale du Président de la République tirent leur source du titre IV de la Constitution consacré à la Haute cour de Justice. Mais à l’analyse, elles se particularisent par la présence de règles, de modalités et de mécanismes découlant de notions aussi imprécises, confuses que difficiles d’application. Atitre illustratif, on soulèvera quelques points complexes.

Le premier point est relatif à 1a haute trahison. C’est la principale incrimination qui fonde le régime de responsabilité. Seulement, elle est caractérisée par son équivocité. Loin de simplifier le régime de responsabilité, la liberté de qualification qu’offre la notion rend confus le régime de responsabilité, alourdit le mécanisme, dénature quelque peu sa vocation essentiellement pénale et compromet in fine son opérationnalité.

Le deuxième point concerne les actes d’incrimination. Leur indéfinition et leur incomplétude sont frappantes. L’étude du droit constitutionnel normatif béninois montre clairement qu’échappent aux actes visés par le constituant de 1990, plusieurs autres catégories. Il s’agit des « actes antérieurs » à la fonction et des « actes détachables » de la fonction.

Un troisième point qui mérite d’être souligné est celui des limites de l’inviolabilité. Un citoyen peut-il engager contre un Chef de l’Etat en fonction une action en justice ou le citer à comparaitre comme témoin dans une instance pendant le cours de son mandat ? Ou doit-on attendre la fin de celle-ci pour toute procédure concernant les affaires relatives aux actes qu’il a commis pendant qu’il est en fonction, mais qui n’ont aucun lien avec la fonction ?

Ces interrogations ne trouvent aucune réponse dans les textes actuellement en vigueur, alors même qu’elles sont susceptibles de se matérialiser. Pour éviter de livrer le titulaire de la charge à l’impasse juridique actuelle et surtout aux interprétations tendancieuses et hâtives qui pourraient fragiliser la fonction, il convient d’apporter sereinement à ces questions des réponses pratiques et appropriées. La conviction de la commission est qu’il est nécessaire de sortir les textes de l’ambigüité qui compromet en partie la lutte contre l’impunité. L’aménagement que la commission propose peut se satisfaire de solutions classiques.

C’est pourquoi la réforme qu’elle propose dans ce domaine s’est attelée à clarifier les règles constitutionnelles de fond. Nos propositions se résument en quelques approches pragmatiques. Tout d’abord, la commission recommande de distinguer les actes accomplis dans l’exercice de la fonction de ceux accomplis en dehors de l’exercice de la fonction. Pour les actes accomplis dans l’exercice de la fonction, ils sont, suivant les dispositions de notre loi fondamentale, constitutifs de haute trahison ou de complot contre la sûreté de l’Etat. Le constituant béninois devra garder l’habilitation de la Haute Cour de Justice à les juger.

Pour les actes accomplis en dehors de la fonction, la compétence de leur jugement doit être clairement dévolue aux juridictions de droit commun. Sont visés dans cette catégorie les actes antérieurs et extérieurs à la fonction. Ce sont essentiellement des actes qui n’ont aucun rapport avec la fonction présidentielle, soit dans le temps, parce qu’ils ont été accomplis avant le mandat, soit dans le fond, s’ils sont accomplis durant le mandat, parce qu’ils sont des actes commis en tant qu’individus, par exemple les actes de la vie privée, et non pas en tant que titulaire de cette fonction.

 Plus précisément, à partir de quand le juge ordinaire habilité à connaitre de cette catégorie d’actes, peut-il être saisi ? Pendant ou après le mandat ? La commission recommande de surseoir à toute action contre le Chef de l’Etat pendant son mandat. En conséquence, les délais de prescription ou de forclusion sont suspendus. De même, les instances et procédures auxquelles il est fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration de son mandat.

 En ce qui concerne les membres du gouvernement, les enseignements tirés de l’infortune des procédures engagées depuis ces quinze dernières années ont amené la commission à formuler les propositions ci-après : primo, contrairement à la pratique actuellement en vigueur, la décision de poursuite appartient désormais au Procureur général près la Haute Cour de Justice. Secundo, la décision de mise en détention relève de la compétence de la Chambre d’accusation.

Tercio, la décision de poursuite des complices et coauteurs non membres du gouvernement ne relève pas de l’assemblée nationale mais d’une juridiction ordinaire. La commission est persuadée avec ces mesures, si le pouvoir politique y consent, que notre pays aura rénové substantiellement le régime de responsabilité pénal de ses gouvernants. Car, l’on ne peut continuellement s’accommoder de l’impunité des autorités politiques de premier plan alors que la nation pourfend la mauvaise gouvernance et professe la lutte contre la corruption et l’impunité.

CHAPITRE III

DES DROITS NOUVEAUX POUR LES CITOYENS

Les droits nouveaux que la Commission propose de constitutionnaliser sont de trois ordres. Le premier concerne la parité homme/femme, le second, la peine de mort et le troisième, la conciliation du droit de grève avec le service public jugé essentiel pour les citoyens et l’Etat.

1ère proposition : la garantie constitutionnelle de la parité homme/femme

Pour résorber les inégalités de fait entre les hommes et les femmes dans l’accès aux fonctions électives, politiques et administratives, la Commission propose qu’il soit désormais mentionné dans la Constitution du 11 décembre 1990 que la loi favorise un égal accès entre les hommes et les femmes. En effet, depuis plusieurs années, la présence des femmes dans les fonctions politiques et administratives est en dépit d’une légère progression, très faible. Elles sont moins nombreuses que les hommes dans les différentes institutions publiques. Les pouvoirs public souhaitent augmenter cette progression, la parité homme/ femme étant l’une des propositions qui tient à cœur au mandant.

Pourtant une telle parité ne peut être directement mise en œuvre sans une modification constitutionnelle. Non seulement la Constitution en vigueur prévoit l’égalité de tous sans distinction devant la loi, mais le constituant de 1990 a affirmé clairement l’égalité juridique entre l’homme et la femme, mais en plus la cour constitutionnelle en a fait une interprétation qui ne permet pas la discrimination même positive!. C’est pour cela que l’affirmation de la parité femme/homme s’avère nécessaire. Pour respecter le principe de j’égalité/homme femme et les risques de divisions par catégories, les moyens juridiques proposés sont incitatifs. La loi « favorise» la parité, il y a donc certes une parité numérique en vue mais, celle-ci n’est pas rigoureuse quant aux résultats attendus.

Une telle disposition va dans le sens des différents accords internationaux signés par le Bénin sur les droits des femmes dans le cadre de l’Union africaine, de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, et de l’Organisation de des Nations Unies et contribuerait à valoriser la place des femmes dans le développement de notre pays. La Commission reprend la proposition de la Commission présidée par le Professeur Ah Ahanhanzo-Glèlè et suggère à son tour d’agir sur les inégalités de fait pour rendre effective l’égalité de droit, à l’instar d’autres démocraties modernes. Sans aucune intervention des autorités publiques, la disparité perdurerait malgré la forte proportion des femmes dans la population et aussi l’accroissement de leur niveau d’études et de leurs compétences professionnelles.

2ème proposition : L’abolition de la peine de mort

La peine de mort exacerbe au plus haut point les sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propre à humilier l’être humain, à l’avilir et à briser p irréversiblement sa résistance physique et morale. Or de tout temps, une telle peine n’a jamais empêché les hommes résolus à nuire à la société. C’est pour cela que, dès 1764, un auteur comme Beccaria jugeait qu’en temps de paix la peine capitale était injuste et non nécessaire car, « pour que la peine ne soit pas la violence d’un seul ou de plusieurs contre un citoyen particulier, elle doit être essentiellement publique, prompte, efficace, nécessaire, la plus faible possible dans les circonstances données, proportionnées aux délits et fixées par la loi ». En dehors des périodes où la Nation traverse une période d’anarchie ou une période où c’est le désordre qui fait loi, la peine de mort apparaît nuisible pour la société par l’exemple de cruauté qu’elle donne.

Notre pays n’appliquait plus de fait la peine de mort depuis plusieurs années et a voté en faveur du moratoire mondial sur les exécutions capitales. En effet, depuis plusieurs années, malgré le maintien de la peine de mort dans l’arsenal juridique et la condamnation à cette peine pour de nombreux prisonniers, cette peine extinctive de la vie n’est plus exécutée.

En adhérant aux instruments internationaux, tels la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, notre pays acceptait que la peine de mort soit limitée aux crimes les plus graves1 ou interdite pour certaines catégories de la population notamment les mineurs.2 Avec l’autorisation à ratification, le 18 août 2011, du deuxième protocole au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant l’abolition de la peine de mort, le Bénin emboîte le pas à d’autres pays africains comme l’Afrique du Sud, la Côte d’ivoire, le Burundi, la Guinée Bissau ou encore le Cap-Vert en exprimant une volonté politique certaine de ne plus recourir à cette peine.

Aussi, la Commission souhaite-t-elle, à l’instar de la Commission technique ad hoc de relecture de la Constitution du 11 décembre 1990, que cette peine qui est par essence inhumaine et dégradante soit abolie. Cette lecture de la peine de mort comme étant une peine cruelle et dégradante est en conformité avec les nouvelles tendances en matière de protection de la personne humaine.

Après avoir ratifié les conventions et les protocoles relatifs à la suppression de la peine de mort, il est nécessaire d’introduire l’interdiction de la peine de mort dans la Constitution. La Constitution du 11 décembre 1990 tirerait alors conséquence à la fois des obligations internationales consenties par notre pays mais aussi de la pratique béninoise.

La question essentielle sera d’expliquer à nos populations les exigences de cette disposition pour que la vindicte populaire ne se substitue pas à la peine de mort au cas où l’on n’aura pas réussi à faire comprendre à notre peuple que la suppression de la peine de mort n’est pas synonyme d’éradication du grand banditisme.

3ème PROPOSITION. : La conciliation du droit de grève avec la continuité du service public jugé essentiel pour les citoyens et l’État

Le droit de grève est ici réaffirmé. Mais autant la grève est nécessaire pour défendre individuellement ou collectivement les intérêts professionnels des travailleurs, autant convient-il que le citoyen n’en fasse pas un usage immodéré.

1-Article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Bénin en 1992.

2- Article 5 de fa Charte africaine des droits et du Bien être de l’enfant adoptée par l’Organisation de l’Unité Africaine en 1990.

Le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle qui ne saurait être remis en cause. La Commission recommande vivement aux pouvoirs publics de préserver ce droit constitutionnel. Mais c’est la loi qui organise l’exercice du droit de grève. Ceci signifie que ce droit constitutionnel n’est pas illimité et que le législateur est autorisé à tracer les limites de son exercice en opérant une conciliation entre la défense des intérêts professionnels des travailleurs et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut parfois porter atteinte. Dans notre pays, la grève semble être le seul moyen de revendications des travailleurs.

Ainsi, quelle que soit la majorité en place, le secteur public exerce fréquemment ce droit de grève dans des secteurs sensibles comme la santé, certains corps paramilitaires, les finances, l’éducation nationale au point de paralyser complètement le fonctionnement de l’État. Face à ces nombreuses grèves dans le secteur public, la Commission propose une clarification de l’article 31 avec un texte qui rappelle la reconnaissance du droit de grève mais aussi la nécessité de sa conciliation avec la continuité du service public, le devoir de travailler et la liberté d’aller et de venir.

 Dans le secteur public, la reconnaissance du droit de grève ne peut conduire à faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public, principe de continuité du service public également à valeur constitutionnelle. Ces limitations sont motivées par l’obligation de ne pas interrompre des services qui ont pour objet de garantir la jouissance des droits de la personne protégée par la Constitution, soit ceux dont l’activité a pour but de satisfaire des besoins sociaux absolument nécessaires, soit un service public dont l’interruption représente un danger pour la santé ou pour la sécurité de la population.

Cette clarification permet à l’autorité publique de concilier l’exercice du droit de grève avec la nécessité d’assurer la continuité des services considérés comme vitaux pour notre société.

 CHAPITRE IV

DU RÉGIME DÉMOCRATIQUE ET PARTICIPATIF

Pour atteindre cet objectif, trois actions sont visées. La première consistera à garantir la dévolution démocratique du pouvoir afin de prévenir toute transmission héréditaire. La seconde, c’est la consolidation de la démocratie par une participation plus active du peuple. La troisième a trait au système partisan dont il faut renforcer le rôle central.

1ère proposition : La dévolution démocratique du pouvoir

La proposition que formule la Commission à l’appréciation du pouvoir constituant est fondée sur les enseignements tirés de pratiques récentes et répétées dans certains pays africains. En effet, on a noté ces dernières années une propension à la transmission du pouvoir de père en fils. Malgré ses allures démocratiques et le fait que cette dévolution du pouvoir se déroule bien dans un cadre formellement démocratique, malgré le fait aussi que les bénéficiaires du pouvoir se soumettent à des élections formellement pluralistes, l’on doit cependant Intégrer à l’analyse de ce phénomène plusieurs paramètres.

Ceux-ci éclairent davantage sur la pratique et les éléments extra juridiques qui nourrissent la réprobation populaire. Ils permettent aussi de mettre en évidence les principes et fondements de la démocratie qui peuvent prendre ombrage du recours à ce type de « dauphinat » ou de « successorat ». Il s’agit principalement de la filiation directe entre le titulaire du pouvoir et le prétendant immédiat. Elle peut fausser le respect des principes démocratiques, l’observance des règles d’une compétition électorale loyale et la régularité de la dévolution du pouvoir. Il était possible dans une démarche révolutionnaire de proscrire formellement la succession de père en fils fut-elle par voie démocratique.

En assouplissant la fermeté d’une telle proposition, la Commission aurait également pu proposer que cette succession ne fût possible qu’après l’écoulement au moins d’un mandat de cinq ans après celui de l’ascendant. Mais en raison des difficultés d’application auxquelles cette disposition pourrait probablement conduire, la Commission a préféré suggérer d’inscrire dans le préambule de la loi fondamentale l’opposition de notre peuple à toute transmission héréditaire du pouvoir.

Toutefois, il ne s’agit pas d’interdire à tout citoyen remplissant les conditions légales de se présenter à des élections au motif de sa filiation, mais plutôt de prévenir toute velléité de monarchisation de nos institutions.

2ème proposition : Le renforcement de la démocratie participative

La pratique béninoise de la démocratie a été depuis vingt-deux ans, représentative. Il a été jugé utile que le peuple ait la possibilité de s’impliquer davantage dans la gestion des affaires publiques et la marche de son histoire. La loi d’initiative populaire et le référendum d’initiative populaire permettent d’atteindre cet objectif et reposent sur la philosophie de la démocratie participative. L’idée de démocratie participative date des années 1960.

Après Line 2dipse da’1s les années 1980 et 1990, la problématique a fait peau neuve sous l’influence du budget participatif de Porto Alegre au Brésil grâce à un dispositif qui a permis aux citoyens qui le souhaitaient de participer à la définition du budget communal. Certes toute démocratie est participative puisque le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple suppose que le citoyen exerce son pouvoir soit directement, soit indirectement en élisant des représentants. Mais la démocratie participative recouvre une gamme de pratiques qui consiste en une offre institutionnelle de participation adressée aux citoyens et qui vise à les associer d’une manière indirecte à la discussion des choix collectifs.

Dans les vieilles démocraties, l’on est arrivé au constat que la démocratie représentative est en crise et qu’il devient de plus en plus difficile de déléguer à quelqu’un d’autre ses opinions et son pouvoir de décision. Au surplus, l’écart se creuse entre la société politique incarnée pries représentants et les citoyens. Notre démocratie n’est pas aussi à l’abri d’un tel écart entre les représentants et les représentés.

C’est pour permettre à nos concitoyens de susciter le débat sur certaines problématiques récurrentes parfois ignorées par leurs représentants que notre Commission propose d’introduire dans le droit constitutionnel béninois la démocratie participative en instituant l’initiative populaire. En effet, prenant différentes formes comme le budget participatif, les jurys citoyens ou le débat public, la démocratie participative se présente comme un complément à la démocratie représentative, dont elle conteste la monopolisation du processus de décision par les élus.

Produit de la spontanéité sociale, la démocratie participative est distincte de la démocratie directe dans la mesure où elle ne remet pas en cause l’élection des citoyens par leurs représentants, ni leur légitimité. Elle se particularise par l’institutionnalisation de la participation citoyenne dans le processus d’adoption de la loi et celui du référendum. C’est pour préserver l’intensité de la vie démocratique, associer les béninois à la gestion de la chose publique et à l’élaboration des lois que la Commission propose, dès le préambule, d’affirmer la détermination de notre peuple à créer une démocratie pluraliste et participative et d’en tirer les conséquences en reconnaissant le droit d’initiative législative et de révision de la Constitution aux citoyens.

Ce faisant, notre Commission, en invitant les citoyens à participer plus directement aux décisions qui les concernent, tente de combler un peu l’écart entre représentants et représentés. Notre Commission veut promouvoir par ce biais une démocratie de proximité qui permettra, sur un thème précis: d’organiser un débat entre tous les citoyens en assurant à l’ensemble des participants une égale considération et une information complète des données du problème traité. Ce faisant, la démocratie participative se distingue nettement de la démocratie d’opinion, qui se contente de recueillir différents avis sans les confronter ou les nourrir de connaissances objectives.

Ainsi, notre Commission propose que, outre le président de la République et les députés, une part de l’électorat puisse, soit demander que les parlementaires légifèrent sur certaines questions, soit être à l’origine d’une procédure de révision constitutionnelle. C’est donc une initiative populaire minoritaire qui prend ici uniquement la forme d’une initiative populaire de « proposition », les citoyens étant les initiateurs de la loi et les initiateurs du référendum aux côtés du président de la République et des députés.

En ce qui concerne l’initiative populaire des lois, la procédure se poursuivra dans l’hémicycle, la loi étant in fine votée par le Parlement. Par contre, pour ce qui concerne le référendum d’initiative populaire, les citoyens sont à la fois initiateurs du référendum et auteurs de l’acte soumis au référendum.

Dans un cas comme dans l’autre, l’initiative populaire est déclenchée par un certain nombre de citoyens. Le Parlement disposerait alors d’un délai pour examiner l’initiative populaire. Les modalités retenues et qui seront fixées par la loi devront présenter toutes les garanties requises afin d’assurer le caractère effectif de ce droit et de contrôler de manière adéquate le nombre de soutiens apportés à l’initiative. L’encadrement strict de ce droit apparaît important parce que le recours au peuple nécessite de mettre en place un mécanisme avec une réflexion poussée sur la procédure de recueil, de centralisation et le contrôle des soutiens. Venant en complément de la démocratie représentative, l’initiative populaire ne doit pas non plus être source d’insécurité juridique avec des propositions pouvant remettre en cause des lois récemment votées ou risquant de déstabiliser les pouvoirs publics eux-mêmes.

3ème proposition : La consolidation du système partisan

La démocratie béninoise est fondée sur la souveraineté du peuple. Mais le rôle central dévolu aux citoyens n’est pas antinomique avec la place que doivent y avoir les partis politiques. Le constituant de 1990 a d’abord fait l’option du multipartisme et confié en toute logique aux partis politiques, la mission quasi exclusive de concourir à l’animation de la vie politique.

Mais sur le système partisan béninois, il convient de souligner qu’il existe un fossé entre les textes et la réalité. Le multipartisme voulu par les pères fondateurs de cette République s’est mué dans la pratique en un multipartisme intégral offrant toutes les variantes et les déviances du phénomène. Il en est résulté une balkanisation de la classe politique et un émiettement total des forces politiques. Quant à l’animation de la vie politique qui devrait se faire sur la base des idées et des projets de société, elle s’est malheureusement réduite, parfois à’ l’excès, à la marchandisation et la monétisation du débat politique. L’irruption de l’argent roi en politique n’a pas épargné les partis politiques.

Face à une telle déviance, et pour sauver la place et la vocation des partis politiques en démocratie, il est devenu urgent que l’on s’en préoccupe. C’est la raison pour laquelle la réflexion qui doit lui être consacrée doit prendre en compte presque toutes les dimensions du système partisan: les modalités de création des partis politiques, leurs moyens d’action et leur mission tant à l’égard de leurs militants, de la Nation que de l’Etat.

La réforme du système des partis politiques qui s’impose prendra plusieurs formes. La forme constituante, celle législative et enfin celle réglementaire. Le constituant béninois s’attèlera simplement à poser les principes que devront mettre en• œuvre le législateur et le Gouvernement. En ce qui concerne le pouvoir constituant, la Commission lui suggère d’abord, d’exiger désormais des partis politiques qu’un projet de société soutienne leur création. Ensuite, ce projet doit conduire les partis à éduquer leurs membres, à contribuer au développement de la nation. Dans la même optique, les partis politiques doivent s’impliquer dans la moralisation de la vie publique par la lutte contre la corruption, pour l’unité nationale et la tolérance.

L’objectif de cette mention constitutionnelle est d’éviter que le Bénin ne soit livré aux plus offrants, ce au détriment des citoyens mus par l’amour de leur pays et porteurs d’idées et de projets.

Toujours pour renforcer le système partisan, la Commission propose d’assurer aux partis politiques la stabilité de leurs ressources humaines, notamment leurs élus à l’Assemblée nationale. En la matière, la pratique politique au Bénin a clairement indiqué la tendance au nomadisme politique. La transhumance politique, ainsi que l’ont nommée les Béninois, est devenue un fléau. Elle déstabilise l’organisation interne des partis politiques, les prive des moyens dont les électeurs les dotent et fragilise la stabilité politique de l’Assemblée nationale.

Parce que la transhumance politique a fini d’établir la preuve de sa nocivité et qu’elle pose un problème d’éthique et de morale en politique, la Commission recommande vivement que le constituant élève, sans aucune ambigüité, contre la pratique, les défenses les plus appropriées. Ainsi, sans faire entorse au principe du mandat représentatif qu’il convient de protéger, notre Commission propose au constituant béninois de mentionner que tout député qui démissionne du parti ou de l’alliance de partis qui l’a présenté au suffrage des électeurs perd automatiquement son mandat.

 Il pourra ainsi être procédé à son remplacement conformément aux dispositions du Code électoral. La conviction de la Commission est que ces mesures n’éradiqueront pas totalement le phénomène. Cependant, elles devront participer à l’encadrer et à assurer aux partis politiques une certaine stabilité dans l’exécution de leur mission et la mise en œuvre de leurs programmes politiques.

La Suite dans nos prochaines parutions…

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