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Pauvreté et droit à l’alimentation au Bénin:Sur les traces des enfants qui continuent de mourir de faim


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Ici, sont hospitalisés les nouveau-nés pour diverses raisons. C’est la salle de néo nathologie du Centre de Santé de Mènontin à Cotonou

Dans l’anonymat, bon nombre d’enfants de 0 à 5 ans continuent de mourir au Bénin, faute d’une alimentation adéquate. La mise en œuvre de la Directive n° 10 relative à la nutrition adoptée à la 127ème session du Conseil du Fonds des Nations-Unies pour l’Agriculture (FAO) en Novembre 2004 est encore loin des attentes. Huit ans après, la mort plane toujours sur la tête de nombreux enfants malnutris.

Delphin et Delphine sont des jumeaux. Ils ont environ deux ans. Gravement atteints par la malnutrition, ils sont morts il y a deux semaines après quelques soins reçus au Centre hospitalier de Mènontin, en plein cœur de Cotonou. Selon les explications de l’assistante sociale du centre, madame Lydia Gankpa, responsable du service de la Protection Maternelle et Infantile (PMI), Delphine et Delphin sont issus d’une famille extrêmement pauvre.

D’une mère ménagère et d’un père débrouillard, ils n’ont pu être adéquatement nourris pour bénéficier d’une parfaite santé. « Leur mère les a amenés sans le moindre copeck. C’est l’hôpital et les bonnes volontés qui ont dû mettre la main à la poche pour leur administrer les premiers soins. Mais tellement leur cas était grave qu’ils n’ont pas survécu », a tristement fait observer Lydia Gankpa. Faute de moyens d’ailleurs, leur père semble se désengager de toute responsabilité à leur égard.

La responsable de la Protection Maternelle Infantile (PMI) de l’hôpital révèle qu’au cours de l’enquête préalable, une réponse désinvolte du père a dérouté tout le monde : « Je suis le père des enfants, avait-il dit au téléphone à Madame Gankpa. Mais je n’ai jamais demandé à leur mère de les amener à l’hôpital. Si elle l’a fait, c’est sûrement qu’elle en a les moyens ».

L’hécatombe infantile se poursuit

Mais Delphin et Delphine ne sont pas les seules victimes de la faim, une conséquence directe de l’indigence de leurs géniteurs. Josiane et Josué, deux autres enfants de différentes familles, environ trois ans, sont aussi morts de faim en février 2012 dernier au Centre de santé Saint Jean de Cotonou. « Leurs cas ont été très critiques quand ils sont arrivés ici. Nous avons pu faire ce que nous pouvons, sans avoir reçu aucun copeck de leurs parents, mais malheureusement, ils sont tous les deux décédés par la suite », explique madame Rufine Coco, épouse Adjanonhoun, assistante sociale de l’hôpital.

 Dans ce centre de santé, les cas d’enfants malnutris sont légion, indique-t-elle. Dans la seule matinée du vendredi 4 mai dernier, 4 enfants souffrant de malnutrition ont été reçus dans le centre. Deux d’entre eux jugés très graves ont été purement et simplement hospitalisés, bien que leurs parents ne disposent pas du moindre copeck pour payer les soins. Parmi ces deux enfants hospitalisés (tous ayant moins de deux ans d’âge), le premier a perdu 90 grammes et le second 1 kilogramme

. Et c’est justement cela qui explique la gravité de leur état selon une des pédiatres du Centre, Docteur Michée Assogba. En l’espace d’un mois, celle-ci a personnellement reçu 3 cas d’enfants malnutris actuellement sous traitement dans le centre. Au nombre de ces cas, figure celui de la petite Yolande âgée de 2 ans 5 mois. Après 10 jours d’hospitalisation, la chance lui a souri. Elle a légèrement recouvré sa santé mais continue de subir les soins sur rendez-vous imposés à sa jeune mère, Monique.

Sa récupération progressive semble être un miracle pour tous. « Le jour où nous l’avons reçue, elle ne pouvait même pas se tenir debout. Je suis surprise par son état actuel. Je ne suis pas sûre que vous puissiez la regarder si vous l’aviez vue. Elle était tellement abattue », confie la pédiatre, madame Assogba. Et sa mère, Monique continue toujours de s’interroger sur son état actuel : « Sa récupération m’a paru comme un miracle. Pour être franche, je n’espérais plus grand-chose », a-t-elle avoué. Et si la petite Yolande s’est retrouvée dans cette situation, c’est bien parce qu’elle est issue d’une famille extrêmement pauvre.

 Orpheline de père, Yolande vit aujourd’hui avec sa mère Monique, une jeune célibataire mère de trois enfants. La famille a été récupérée par une bonne volonté avec qui elle a pu avoir tout au moins le gîte, à Scoa-Gbéto (un quartier de Cotonou). « C’est grâce aux revenus que je tire des lessives que je fais pour certains ménages que je nourris mes enfants », confie-t-elle

Des enfants sous permanentes menaces de mort

Même si les traitements administrés aux enfants malnutris admis dans les centres hospitaliers ont réussi, les médecins traitants restent unanimement inquiets d’une chose : le cadre de vie dans lequel doivent retourner les enfants après le traitement à l’hôpital. « Si nous finissons les traitements, les enfants doivent retourner dans leur foyer. Avec des parents sans moyens, ils risquent encore de subir le même sort. Ce qui peut leur être fatal par la suite », s’inquiète Docteur Assogba.

C’est un avis que partage bien l’assistante sociale du centre de santé de Mènontin, madame Lydia Gankpa. « Je pense que ces enfants que nous traitons vivent de façon permanente sous la menace de mort. Quand ils retournent chez eux et que les conditions de vie de leurs parents restent les mêmes, ils risquent de subir encore les affres de la malnutrition », précise-t-elle. Le Directeur du Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutoucou Maga de Cotonou (CNHU-HKM), le Colonel Idrissou Abdoulaye ne dément pas.

« Nous recevons trop d’indigents chez nous ici au CNHU », a-t-il déclaré lors d’un échange sur la question. Ces inquiétudes semblent bien justifiées par les résultats d’une enquête de suivi réalisée par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE) au Bénin sur la période février-mai 2010. Il s’agit de l’Enquête Modulaire Intégrée sur les Conditions de Vie des Ménages (EMICoV). Selon ses résultats, « on note sur le plan national que 35,2% de la population béninoise vivent en dessous du seuil de la pauvreté (avec moins d’un Dollar par jour ».

 C’est pourquoi, ces experts béninois issus de l’Institut National de Statistiques et d’analyse économique (INSAE), proposent aux gouvernants de mener des politiques susceptibles d’augmenter les revenus des populations. Le coût lié à l’élimination de la pauvreté monétaire en 2011 étant estimé à environs 405,68 milliards de Francs CFA, la question préoccupe également la communauté internationale.

Le Sommet du G8 qui se tiendra à Camp David aux Etats-Unis la semaine prochaine abordera la question cruciale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le monde. Pour le moment, seuls 13 pays africains consacrent 10% de leur budget à l’agriculture, un secteur pourtant reconnu comme la base du développement des pays africains dont le Bénin.

Donatien GBAGUIDI

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