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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Aux agonies


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L’école béninoise était déjà très mal en point. Les grèves de ces dernières semaines vont maintenant la plonger au fond des abysses. Depuis un mois, les enseignants sont engagés dans un bras de fer avec le gouvernement qui rechigne à leur payer les 25% d’augmentation salariale obtenue au terme de l’affaire Dangnivo. Le décret n°2011-505 du 5 aout 2011 signé par le Chef de l’Etat en personne laisse entendre en effet que le bénéfice de cette augmentation salariale est élargi à toute la fonction publique béninoise.

Il n’y a donc aucun doute : les enseignants sont dans leur droit. Il est vrai, l’adoption de cette augmentation salariale avait soulevé la réserve presque unanime de tous les spécialistes. Dans un pays comme le nôtre, aucun gouvernement ne peut soutenir une augmentation de cette ampleur élargie de surcroît à toute la fonction publique. Les effets sur les finances publiques en seraient immédiats, étant entendu que le Bénin a une croissance économique faible, trop faible en tout cas pour faire face à une masse salariale exorbitante.

Cela d’autant qu’en 2011, la croissance économique du Bénin (3,8% du PIB) a été l’une des plus faibles de la zone. On ne peut avoir une telle économie, sans pétrole, sans uranium et sans rien, et se permettre d’augmenter de 25% le salaire brut de près de 100 000 fonctionnaires ! La ruine de l’économie, le gel des chantiers sociaux et infrastructurels, le repli de la croissance sont les conséquences insoutenables d’une telle décision. Je l’avais dit. Prenant la mesure du danger, le gouvernement a pu consentir d’échelonner le paiement sur quatre ans, selon un chronogramme retenu d’accord parties.

Lors des récentes négociations, le Premier Ministre n’a pas manqué de reconnaître que les revendications des enseignants sont justes et que le goulot d’étranglement reste la mauvaise santé des finances publiques qui n’autoriserait pas de payer tout le monde en même temps, sans mettre à mal les caisses de l’Etat. Il est question maintenant d’attendre une certaine amélioration des recettes pour pouvoir régler le problème des enseignants. Là n’est peut-être pas le problème.

Utilisés comme chairs à canons sur les routes où ils viennent crier leur envie d’aller au cours, les élèves sont au désarroi. C’est eux qui paient le prix fort dans cette dangereuse guéguerre. Peu de Béninois savent le drame qui se noue dans nos salles de classe délabrées où des enseignants mal formés (ou pas formés du tout) donnent des cours approximatifs à des élèves peu motivés sur la base de programmes scolaires mal conçus.

Les échecs sont massifs chaque année, sans qu’aucun responsable politique n’ait jamais levé le plus petit doigt pour interpeller ne serait-ce que notre conscience collective. Les chiffres livrés chaque année par la Direction des Examens et Concours font frémir tous ceux qui s’intéressent aux questions éducatives. Et il suffit de faire un tour dans les écoles pour constater qu’au primaire, la plupart des écoles n’ont pas reçu les subventions instaurées du fait de la gratuité. Les effectifs sont démentiels (parfois plus de cent dans les classes). Au secondaire, les bibliothèques scolaires sont désormais des institutions mortes.

Les programmes, ici comme au primaire, posent de gigantesques problèmes pédagogiques que personne n’ignore. Comme au primaire, les salles de classe sont largement insuffisantes, obligeant les administrations à de nombreuses contorsions de survie. Comment dans cette atmosphère de pénurie et d’arrangements continuels peut-on encore espérer de bons résultats ?

Et c’est là qu’interviennent les grèves. Elles saccagent les efforts et bouchent l’horizon des enfants. Ils pourront se « débrouiller » demain, parce qu’au même moment et dans le même temps, les enseignants eux-mêmes, les cadres et tout le personnel politique envoient leurs enfants dans les écoles privées chèrement payées, laissant les enfants de pauvres au bord du précipice. Demain, ce seront eux qui auront les meilleures notes pour se retrouver dans les écoles professionnelles dont la sélection, on le sait, est de plus en plus implacable. Bien entendu, aucun syndicat jamais ne fera grève pour ces vétilles…

Voilà donc l’effet des grèves : détruire l’avenir des enfants de pauvres.

Olivier ALLOCHEME

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