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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Supprimer le machin


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La Haute Cour de Justice ne sert à rien. Cette institution finalement ravalée au rang de décor à l’arsenal juridique de notre pays n’a fait que brasser du vent depuis plus d’une quinzaine d’années. On aura compris que le législateur a mis un nombre incalculable de verrous pour empêcher que le machin ne serve réellement à quelque chose. Et c’en est fait de cet instrument essentiel de promotion de la bonne gouvernance.

Au moment où nous publions un dossier sur elle, il nous a été donné de constater que plus de quinze ans après son installation effective, la HCJ n’a jamais eu du grain à moudre, qu’elle est restée inactive pendant tout ce temps, pendant que les personnes qu’elle est censée juger courent au nez et à la barbe de tous. Comme si elle ne devrait jamais servir qu’à mariner dans sa torpeur végétative. Il faut donc rendre hommage à ceux qui proposent, à la suite de bien d’autres, que cette institution fonctionne enfin, en insérant un amendement à notre constitution dont la révision fait aujourd’hui débat.

 De toutes les propositions, vertueuses ou vicieuses qui circulent sur son compte, une seule me parait raisonnable : celle de la société civile. La semaine dernière, ses organismes réunis sous la férule du WANEP ont simplement proposé que les personnalités concernées passent devant une juridiction ordinaire. Voilà qui devrait donner vie enfin à une institution réduite à n’être plus qu’une ombre dans l’arsenal institutionnel du Bénin. Il est vrai que la HCJ n’a pas vraiment manqué de personnel qualifié jusqu’ici. Il n’y a qu’à voir la combativité de Madame Clothilde Mèdégan Nougbodé et du Professeur Théodore Holo. Tous deux sont des juristes de haut niveau dont la réputation intellectuelle est bien au-dessus de tout soupçon. On ne peut jamais les suspecter non plus d’une quelconque volonté de blocage de l’institution.

Mais alors, il convient de rester vigilent dans le contexte actuel. La bonne foi des députés n’entre pas ici en ligne de compte. C’est de leur crainte d’être jugés un jour qu’est née la loi organique bancale taillée pour les besoins de l’immobilisme actuel. Rien ne prouve d’ailleurs qu’ils n’en feront pas autant cette fois-ci en inscrivant d’autres verrous commodes pour continuer à bénéficier de l’impunité qu’ils se sont octroyée jusqu’ici face à la Haute Cour. Le personnel politique n’a aucun intérêt à voir cette institution jouer effectivement son rôle. La voir vivre, c’est installer une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Son couperet pourrait tomber à tout moment et frapper, frapper.

Le fonctionnement de l’appareil politique béninois met en permanence les acteurs au milieu de pratiques répréhensibles. Peu de politiques, peu de ministres peuvent échapper à la fange que génère l’engagement politique. Autour de l’ignorance et de la concupiscence au sein des citoyens eux-mêmes, les politiques n’ont pas un devoir d’efficacité intellectuelle mais des impératifs électoraux à régler. Or, distribuer de l’argent, des pagnes et des tee-shirts constitue aujourd’hui l’un des moyens électoraux les plus courants au Bénin.

Pour trouver ces ressources, le politique ne s’interdit pas de piocher dans quelque ressource de l’Etat ou installer un système de pompage et de pillage des deniers publics sur fond de chantage et de mal gouvernance. Ce n’est pas étonnant que la plupart des députés doivent au fisc et que certains parmi eux soient réputés pour leurs dettes colossales vis-à-vis de l’Etat. La vertu est un vice dans cette atmosphère souillée.

La HCJ pâtit donc de cet environnement peu favorable. Il faut que ce soit clair. Le Chef de l’Etat ne saurait passer devant une juridiction ordinaire, à moins d’être d’avoir quitté ses fonctions. Mais ses ministres ainsi que les députés se doivent de passer devant la Cour pour s’entendre dire le droit.

L’immobilisme actuel nous apprend une bonne leçon : il permet à tous de voir que les politiques ne veulent pas être jugés. Que donc nos tribunaux ordinaires soient désormais autorisés à ouvrir des dossiers de mise en examen sur les personnalités de ce pays pour rendre la justice équitable à tous. C’est un antidote à la corruption structurelle et à la mauvaise gouvernance endémique. C’est ce que je crois.

Olivier ALLOCHEME

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