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Le triomphe de la vérité

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Diéry Seck, ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale, Directeur du Centre de Recherche en Economie Politique de Dakar:« L’union monétaire au sein de la CEDEAO a besoin de plus d’efforts des Etats »


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Depuis près d’une décennie, la CEDEAO envisage de réaliser une union monétaire pour booster l’économie de ses Etats membres. Même si elle comporte certains inconvénients, Diéry Seck, ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale et Directeur du Centre de Recherche en Economie Politique de Dakar, estime que les Etats devraient faire plus d’efforts pour réaliser ce projet ambitieux.

 

Diéry Seck: «La plupart des Etats dans le monde soit sont déjà dans une union monétaire, soit veulent y entrer»

L’Evénement Précis :Pouvez-vous nous dire un peu la définition de l’union monétaire ?

Diery Seck : L’union monétaire est définie d’habitude comme l’espace monétaire de deux ou plusieurs Etats qui utilisent la même monnaie et qui intervient dans les échanges dans l’espace de cette union.

Quels en sont les avantages et les inconvénients ?

Les avantages qu’a d’abord cette union, c’est d’élargir l’espace dans lequel on peut faire des transactions sans avoir à faire d’opération de change. Ensuite, être confiant que la monnaie peut circuler librement. Egalement, il y a la possibilité d’échange entre les différents pays de la zone si bien que le marché intérieur s’agrandit, en comparaison avec le commerce extérieur dans la zone.

 Quels en sont donc les inconvénients pour les économies de la zone ?

Les Etat ont toujours compris la politique monétaire comme étant un instrument de politique économique. En restant dans une union monétaire, l’Etat renonce forcément à sa souveraineté monétaire et perd les instruments de politique économique qui sont liés à la gestion de sa propre monnaie. Il y a aussi le fait qu’on est vu de l’extérieur, et donc obligé d’avoir plus de discipline fiscale puisqu’une union monétaire veut aussi dire qu’il y a une compatibilité entre la politique monétaire et la politique budgétaire.

Les inconvénients qui sont perçus pour l’union monétaire ne sont pas forcément des choses qui découragent les membres éventuels d’une union monétaire puisque la plupart des Etats dans le monde soit sont déjà dans une union monétaire, soit veulent y entrer.

Pourquoi l’expérience de l’UEMOA ne peut-elle pas inspirer la création d’une monnaie unique dans l’espace CEDEAO ?

Bien sûr que l’UEMOA inspire la création d’une monnaie CEDEAO. La preuve c’est que l’idée est de créer une deuxième zone monétaire qui après va fusionner avec la zone Cfa. Maintenant la zone Cfa, à l’exception d’un pays comme la Guinée, inclut des Etats qui ont un passé historique très commun. Ce sont les anciennes colonies françaises qui ont continué un partenariat économique avec la France. La France joue également un rôle important dans la gestion de l’UEMOA.

 Les autres Etats n’ont pas ce passé, étant entendu que la plupart ont été colonisés par la grande Bretagne. Le Royaume Uni n’a pas fait l’effort d’assimilation économique que la France a fait en Afrique de l’Ouest par exemple. Mais je pense que c’est possible. Les gens comprennent bien que la compréhension des faits économiques d’envisager une fusion entre les monnaies et donc une monnaie unique pour l’ensemble de la zone.

 Compte tenu de la faiblesse de certaines économies nationales, peut-on s’attendre à une récession économique au niveau de l’espace CEDEAO ?

Certaines économies sont faibles, récession ou pas. La CEDEAO est bien consciente que certains de ses Etats sont faibles et qu’il faut beaucoup d’efforts, notamment au plan politique pour les stabiliser. Elle a le souci d’encourager à une plus grande intégration économique. Mais elle n’a pas tellement les instruments de politique économique lui permettant de gérer une union économique dans l’ensemble de l’espace CEDEAO.

Ce sont les chantiers qui nous animent maintenant. On est en train de réfléchir à comment avoir plus d’intégration économique, une union monétaire…Ce sont des chantiers qui sont actuellement très actifs. L’issue finale, je ne saurais vous la dire. Cela dépendra des efforts des uns et des autres.

 Est-ce que les anciennes puissances coloniales (Grande-Bretagne, France) ont intérêt à ce que la zone monétaire se crée ?

Ce n’est pas ça le problème. Ces grandes puissances sont des axes économiques qui cherchent leurs intérêts aussi. Dans le cadre par exemple de l’union monétaire pour l’UEMOA et la CEDEAO au moment où la France et l’Angleterre essaient de diversifier leurs interventions dans notre espace, si cette union monétaire se fait ça va forcément faciliter les transactions économiques.

Si vous prenez une compagnie française qui est présente en Côte-D’ivoire, au Sénégal, au Nigeria, elle aurait intérêt à ce qu’il y ait une seule monnaie. Le passé colonial ne prédispose donc pas à priori à des conditions favorables ou défavorables. Ce sont les intérêts du moment qui vont guider leurs réflexions.

Où est-ce qu’on peut situer les lenteurs ? Est ce qu’elles sont d’ordre économique ou technique ?

Les gens qui sont en charge de la réflexion au sein de la CEDEAO, est-ce qu’ils sont assez dotés ? Je n’en sais rien. Je pense qu’on peut leur donner plus de ressource. Est-ce que la CEDEAO elle-même fait de la création de la monnaie unique une priorité de premier rang ? Je n’en sais rien. Peut-être que ses soucis sont ailleurs.

Par exemple, la stabilité politique dans la sous-région, les élections, la bonne gouvernance, la sécurité, le terrorisme. Donc, ce que je peux dire c’est qu’au regard de tout ce qu’on voit, surtout à la CEDEAO, en comparaison avec l’UEMOA, je pense que l’UEMOA est beaucoup plus préoccupée par les questions d’intégration parce qu’elle a été créée juste pour ça. Est-ce qu’on peut faire plus ? Oui, je le pense.

 Est-ce que les dirigeants n’ont pas peur des politiques d’austérité qu’ils sont obligés de mettre en œuvre ?

Non, union monétaire ne veut pas forcément dire austérité. On peut avoir une intégration qui mènen à une situation difficile, si par exemple on n’est pas compétitif. Mais je crois que dans le cadre de la CEDEAO, la question de la compétitivité sous-régionale de nos Etats se pose déjà. Il y a des Etats qui arrivent à exporter vers d’autres Etats et d’autres qui n’arrivent pas à le faire. Mais je ne pense pas que l’austérité puisse être un souci à ce stade. C’est qu’il faut créer des économies intégrées au plan régional et après ça, faire en sorte qu’il y ait des avantages comparatifs pour lui permettre de compétir au plan international.

Ma dernière question est celle-ci, quel impact peut avoir une monnaie unique sur le panier de la ménagère dans l’espace CEDEAO ?

A priori aucun. Parce que si l’intégration économique se traduit par une plus grande compétitivité au sein de la zone, les pays vont en bénéficier, et là je crois que le panier de la ménagère pourrait en bénéficier. Si maintenant cela crée des rigidités au sein de la zone ou encore des inefficiences économiques qui font que l’intégration ne joue pas effectivement son rôle, cela n’aura pas nécessairement un effet bénéfique pour le panier de la ménagère

Entretien réalisé par

Olivier ALLOCHEME

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