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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec le MRAI, Martial Sounton à propos de la journée nationale de lutte contre la corruption:« La corruption et la mauvaise gestion coûtent chaque année 50 milliards à l’Etat »


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Le Ministre de la Réforme administrative et Institutionnelle, Martial Sounton

Avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Bénin célèbrera pour la 6ème fois consécutive, la Journée nationale de lutte contre la corruption. Les manifestations officielles ont lieu demain 8 décembre 2011 à la salle de Conférence de la Direction générale des impôts et domaines (DGID) à Cotonou. Mais tenez ! Il ne s’agit pas d’une journée chômée. A 24 heures de l’événement, le Ministre de la Réforme administrative et institutionnelle, Martial Sounton parle des réelles motivations d’une telle journée et apporte des précisions formelles sur le phénomène de la corruption au Bénin. C’est à travers une interview que nous vous proposons de lire en intégralité.

L’Evénement Précis: Monsieur le Ministre, qu’entendez-vous par corruption ?

Martial Sounton: Plusieurs écoles et instruments internationaux, se sont prêtés à la définition du concept de la corruption.

*La convention des Nations-Unies, définit la corruption, comme : le fait de commettre ou d’inciter à commettre des actes qui constituent un exercice abusif d’une fonction, y compris par omission , dans l’attente d’un avantage, directement ou indirectement promis, offert ou sollicité, ou à la suite de l’acceptation d’un avantage directement accordé , à titre personnel ou pour un tiers.

*Une définition proposée dans l’ouvrage intitulé : « combattre la corruption » :Enjeux et perspectives, assimile la corruption, à une pratique qui vise à proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres , des promesses, des dons, des présents, ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, qu’elle accomplisse ou qu’elle s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission, ou de son mandat ou facilité par sa mission, ou son mandat.

De toutes ces approches, il ressort donc que la corruption, se manifeste sous plusieurs formes. On peut citer :

-Les pots- de- vin ;

– Les fraudes fiscales ou douanières ;

-La surfacturation des services fournis à l’Etat ;

-Les malversations, la liste est longue. Il est quand même important de faire la différence entre corruption et notions voisines. Détournement ; trafic d’influence, abus de fonction, fausse déclaration, enrichissement illicite ; délit d’initié.

Comment l’idée d’instituer une journée nationale de lutte contre la corruption, est telle née au Bénin ?

Il faut d’abord préciser que nous sommes bien à la 6è édition de la célébration de cette journée. Et c’est le Président YAYI BONI qui, à l’issue des présidentielles de 2006, a indiqué sa ferme volonté de relever les défis d’une croissance économique accélérée ainsi que ceux du développement du capital humain pour « passer de la situation de pays phare dans l’édification de la démocratie ; mais pauvre et gangréné par la corruption, à celle de pays économiquement prospère et bien gouverné. »

 C’est cette volonté affichée par l’actuel chef de l’Etat qui l’a amené à instituer cette journée quelques mois après sa prise de pouvoir, par décret n°2006-773 en conseil des Ministres en sa séance du 22 Novembre 2006.Il convient de dire que la lutte contre la corruption, a été une préoccupation constante des gouvernements successifs. Dans ce cadre, une série d’actions avaient été menées au travers des structures ci-après.

IL s’agit par exemple de la création, en 1995 du comité « SOS Corruption », et de la cellule de la moralisation de la vie publique à la présidence en 1996, le lancement en Mars 2008, du Forum de mobilisation de la société civile d’où est née le Front des Organisations Nationales de Lutte Contre la Corruption( FONAC). Dans le même ordre d’idée, en 2000, un plan stratégique national de lutte contre la corruption a été élaboré, dont la mise en œuvre devrait permettre :

-de consolider et de renforcer l’Etat de droit

-de rendre l’appareil judiciaire indépendant, performant, crédible et accessible à tous ;

-de promouvoir le fonctionnement correct de l’Etat de droit à travers ses institutions ;

-d’assurer la performance et la transparence du système de recouvrement des impôts, taxes et droits de douanes et d’améliorer les recettes publiques.

Après la mise en place de tout ce dispositif et des actions menées, il est important à un moment donné de s’arrêter pour évaluer les effets sur le développement du pays. Ainsi, une enquête diagnostic a été réalisée. Cette enquête a révélé que, malgré toutes les actions entreprises, sur une année (2006-2007) le phénomène persiste.

Vous l’avez dit, le phénomène persiste. Alors pouvez-vous nous faire l’état des lieux en matière de corruption au Bénin ?

En matière d’état des lieux, aucun secteur n’est épargné. La justice, les collectivités territoriales, dans le domaine de la gestion des ressources humaines de l’Etat, le secteur de la santé, L’éducation, même les médias.

En raison des effets néfastes de la corruption, beaucoup de nos concitoyens se plaignent du secteur. La justice, surtout celle relative aux affaires économiques selon eux, se rend au bénéfice du plus offrant. En outre, d’un autre côté les décisions de justice tardent à être rendues. Dès lors, les populations ont une mauvaise perception des magistrats, des policiers, des gendarmes qui sont considérés comme complices des auteurs des différents délits et crimes.

Dans les collectivités territoriales par exemple, certains agents des mairies et ils sont de plus en plus nombreux à être pointés du doigt par ce fléau, ne sont pas exempts du phénomène de la corruption qui se manifeste dans les domaines de la perception des taxes, du lotissement et de la délivrance des pièces administratives. Les pratiques de la corruption, au niveau local affectent ainsi, l’atteinte des enjeux majeurs de la décentralisation que sont le développement local et la démocratie à la base.

Dans le domaine des ressources humaines de l’Etat, les opérations qui donnent le plus d’occasions à la corruption, seraient celles des tests, examens et concours de recrutement et de promotion de nomination des agents.

Dans le secteur de la santé : Les populations sont confrontées quotidiennement au phénomène de la corruption, avec les pots- de- vin exigés pour passer rapidement les consultations, la vente d’échantillons gratuits ou de médicaments destinés aux malades. Il y a aussi, le détournement de malades vers des cliniques privées. On peut également mentionner l’utilisation, à des fins personnelles, du matériel des centres de santé publics.

Dans le secteur de l’éducation, le phénomène se traduit par la tricherie, de vente d’épreuves et de diplôme, le favoritisme, le harcèlement sexuel dans la relation, étudiants-professeurs etc.

Dans les médias, puisque je faisais allusion à votre corporation, au nombre des services donnant lieu à des pratiques de corruption, il y a le service de la rédaction, où, de l’avis de beaucoup de personnes, les journalistes se font corrompre le plus, à l’occasion des reportages. Bref, aucun secteur n’est épargné.

Face à ce tableau pas du tout reluisant, il faut agir, Monsieur le Ministre. Quelles sont les dispositions prises pour lutter contre le phénomène ?

Oui, il faut absolument agir, et comme vous vous en doutez, nous sommes dans un Etat de droit. On ne peut punir les faits de la corruption sans textes. Car, la démocratie, c’est la dictature des lois. Ce n’est que le 12 Octobre passé, que le Président de la République a promulgué la loi, portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Maintenant que le cadre juridique existe, il faut passer à la vitesse supérieure.

Si le pouvoir va en guerre contre la corruption, c’est certainement parce qu’il y a fuite de recette pour l’Etat. Que perdons-nous concrètement Monsieur le Ministre ?

La corruption, est particulièrement couteuse pour l’Etat. Selon les estimations du Ministère de l’Economie et des Finances contenues dans l’ouvrage : « Bénin, une démocratie prisonnière de la corruption » il manque tous les ans, 03 points au Produit Intérieur Brut (PIB), en raison de la corruption, et de la mauvaise gestion. Ces trois points équivalent à 50milliards de FCFA.

La corruption diminue l’efficacité des dépenses publiques. Elle a une incidence négative sur les agrégats économiques du pays et favorise les déséquilibres macroéconomiques. Elle détourne les ressources rares et réduit les possibilités de développement du pays ; ce faisant, elle entraine une mauvaise répartition, des ressources en capital physique et humain. En un mot, la corruption, est cruelle.

Quelles sont les perspectives Monsieur le Ministre ?

D’abord, je me réjouis de la promulgation de cette loi, qui institue un organe. Cet organe vous pouvez compter sur le chef de l’Etat, sera installé. Mais on ne peut pas lutter contre la corruption, sans s’approprier les valeurs contenues dans la charte de gouvernance. C’est le lieu pour moi, de remercier une fois encore, le Chef de l’Etat qui a autorisé et soutenu l’organisation de cette convention

Monsieur le Ministre, votre mot de fin

Une maison n’est belle que lorsque chacun y reconnait sa part de labeur. Le président YAYI BONI, a un objectif: faire du Bénin, un pays bien gouverné où les institutions de la République sont performantes et la corruption bien maîtrisée. Mais peut-il réaliser cet objectif, si les autres acteurs, ne jouent pas leur partition ?

Difficile de répondre par l’affirmative. Vous savez, il y a six indicateurs qui permettent à la Banque Mondiale d’évaluer la gouvernance dans le monde. Parmi ces éléments, figure en bonne place la maîtrise de la corruption, c’est pourquoi, je nous invite à aller en guerre contre le fléau, pour éviter à notre pays, des pertes d’opportunités. La seule façon de lutter efficacement contre la pauvreté, c’est de lutter contre la corruption.

Je vous remercie

Propos receuillis par

la Rédaction

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