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Le triomphe de la vérité

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Etat des lieux 2 ans après l’appel de Cotonou contre les faux médicaments:Le marché Adjégounlè continue de distribuer la mort au quotidien


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Un étalage de faux médicaments

Deux ans après la croisade annoncée contre les faux médicaments par 7 Chefs d’Etat mobilisés autour de la Fondation Chirac à Cotonou, c’est le statut quo. Et dans l’inaction des autorités béninoises, le marché de commercialisation des faux médicaments s’agrandit multipliant ses victimes.

Dame Yabo s’affaire ce matin à servir ses nombreux clients venus s’approvisionner en médicaments. Nous sommes deux ans après l’appel de Cotonou contre les faux médicaments, à Adjégounlè en plein cœur du marché international de Dantokpa, le plus grand centre de vente des faux médicaments au Bénin. Sous le regard passif des forces de l’ordre chargées de sécuriser le marché, elle joue bien son rôle de pharmacienne improvisée malgré son incapacité d’échanger avec ses clients en français. En me faisant passer pour un client souffrant de la toux, elle n’a pas hésité à me proposer la thérapie appropriée.

 Selon ma bourse, dame Yabo me propose soit la Noscapine (600Fcfa) soit Royal (200FCFA) un médicament qui n’est pas disponible dans les officines pharmaceutiques officielles. Devant le fait accompli, j’ai dû m’acheter alors Royal et alors, avec une assurance contagieuse, elle donne ses prescriptions de façon péremptoire. « Vous prenez deux le matin et deux le soir ». Dans le prochain hangar, « Maman Adi » est aussi acculée par ses clients. Poussé par la curiosité, je lui présente une ordonnance médicale sur laquelle les médicaments comme Broncathiol et Broncalène sont inscrits.

Un tour dans sa baraque et elle me les propose respectivement au prix négociable de 2000 FCFA et 2200FCFA. L’écart entre les prix de ces produits respectifs et ceux de la Pharmacie varie du simple au triple. Et c’est cette différence de prix qui constitue l’appât de Dames Yabo et Maman Adi ainsi que des centaines d’étalages proposant des produits pharmaceutiques aux milliers de clients qui défilent devant leur boutique.

L’appel de Cotonou entre parenthèses

Et pourtant, l’une des recommandations fondamentales de l’appel de Cotonou est de mettre fin immédiatement à la commercialisation des faux médicaments. «… Considérons qu’un terme doit être mis le plus rapidement possible à la production, au trafic international et à la commercialisation illicite des faux médicaments », a mentionné l’appel de Cotonou contre les faux médicaments.

Deux ans après, le défi reste entier pour l’Etat béninois. La Présidente de l’Ordre des pharmaciens du Bénin, madame Toukourou Tidjani Moutiatou dénonce avec véhémence, l’inaction du gouvernement. « Depuis l’appel de Cotonou, aucune action n’a été engagée par les autorités compétentes pour arrêter ce commerce illicite », affirme-t-elle «Aucune descente, encore moins aucune saisie n’a été opérée pour dissuader les contrevenants », précise madame Toukourou.

Le pire…

A ce jour, le Bénin ne dispose d’aucune statistique liée au cas spécifique des victimes de l’usage des faux médicaments. L’Etat béninois, participant actif de l’appel de Cotonou est aujourd’hui incapable de dire avec précision, le pourcentage de ses citoyens rendus malades par la consommation des faux médicaments. Et le Chef service des statistiques du Centre National Hospitalier Universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou (CNHU HKM), la seule référence en matière des maladies rénales d’ailleurs en est bien conscient. « Il n’y a pas de statistique disponible liée aux victimes des faux médicaments », affirme Michel GBETIN, Chef service des statistiques du CNHU HKM.

 Néanmoins, il a un justificatif à cette défaillance : « Il n’y a aucun suivi de ces cas spécifiques pour que des statistiques soient établies à notre niveau », a-t-il certifié avant d’ajouter qu’on ne pourrait avoir des informations qu’au niveau des services de médecine. Mais là encore, aucun dispositif de suivi statistique n’est mis en place. Pas de statistique donc. Et le Docteur Ayadji en service à l’Unité de prise en charge des personnes dialysées le certifie : « Nous ne pouvons pas donner de statistique. Pour vous donner avec précision la statistique des victimes des faux médicaments, il va falloir fouiller les dossiers de chaque patient, ce qui semble pratiquement impossible à notre niveau», a-t-il avoué en liant cette indisponibilité au manque de médecin qualifié.

« Nous sommes débordés par le nombre des malades qu’on nous affecte. Par rapport à cela, nous ne pouvons pas laisser les malades pour réaliser encore des statistiques. Ce n’est d’ailleurs pas notre rôle », s’est-il justifié avant d’inviter les autorités compétentes à opérer des recrutements au sein de son service.

Et pourtant, le dangereux poison continue de faire des victimes

Etant désormais en terre conquise, les faux médicaments continuent de multiplier leurs victimes. La principale maladie qu’ils occasionnent chez les consommateurs aux dires du Docteur Ayadji de l’Unité de Dialyse du CNHU HKM se révèle être l’insuffisance rénale. « Des maladies dues à la consommation des faux médicaments, ce n’est pas ce qui manque au CNHU », a-t-il ironisé.

En exemple, il cite le cas d’un de ses patients, un jeune homme de 17 ans reçu il y a deux semaines. « Les diagnostics ont révélé que son insuffisance rénale est due à la consommation des faux médicaments », a expliqué le médecin. Et son cas était bien critique. Selon les témoignages du Docteur Ayadji donc, le patient, du fait de la consommation des médicaments de la rue ne parvenait plus à uriner. Dépassé par la gravité des symptômes qu’il présentait, l’hôpital auquel il avait préalablement fait recours a dû le transférer au CNHU, l’hôpital de référence. Et si par un coup de chance, ce jeune homme a pu recouvrer sa santé, Hilaire qui avait souffert des mêmes maux n’a pas eu la vie sauve.

 Habitué à consommer des faux médicaments pour calmer ses maux, il a été atteint non seulement d’une insuffisance rénale, mais de plusieurs autres maladies auxquelles il a succombé après un mois d’hospitalisation passé au CNHU. Aux dires du Docteur Ayadji, « le traitement de l’insuffisance rénale est très onéreux ». Pour une séance de traitement, le malade doit pouvoir débourser 120.000FCFA. Pour la suite, le montant passe à 55.000 FCFA mais il faut un minimum d’un mois de traitement. Au terme du traitement, recouvrer sa santé n’est pas non plus une certitude. « En cas de chance, le malade récupère son rein.

Mais au cas contraire, il le perd et tombe donc dans une insuffisance rénale chronique, c’est-à-dire contraint d’être soumis à la dialyse à vie. Au pire des cas, il décède », a mentionné Docteur Ayadji. Mais face à cette réalité, les gouvernants restent pour le moment inactifs. L’appel très médiatisé de Cotonou lancé par la Fondation Chirac avec sept Chefs d’Etat et un nombre impressionnant de personnalités politiques béninoises et étrangères contre les médicaments contrefaits n’a donc rien changé au Bénin.

Quelques actions déclenchées contre les commerçants des médicaments de la mort installés en plein cœur du Marché Dantokpa, la veille de cet appel, puis plus rien. Les Béninois continuent alors de subir le diktat des commerçants véreux qui distribuent au quotidien le poison mortel.

Donatien GBAGUIDI

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