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Le triomphe de la vérité

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Polémique autour du paiement des clients des structures de placement d’argent:Le gouvernement accélère les mesures, l’avocat d’Icc-services dénonce une immixtion dans la justice


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Avocat prêt de la Cour d’Appel de Cotonou et au Barreau du Bénin, Maître Hervé A. Gbaguidi est l’un des Avocats de ICC-Services. A travers cet entretien, l’homme de droit fustige la façon dont le dossier Icc-Services est géré par le comité de suivi et le gouvernement notamment la dernière action qui a consisté à vendre les biens de cet établissement de placement d’argent et de ses promoteurs. A cet effet, il a exigé la libération de ses clients afin de faciliter l’organisation du payement des fonds aux déposants. Car selon lui, la liste des déposants qui couvrent tout le territoire béninois ne sera fiable que lorsque les responsables de la structure seront en contact avec leurs ordinateurs. Ainsi loin d’une mauvaise volonté, Maître Gbaguidi pense que le peuple béninois devra également attendre la décision finale de la justice afin d’éviter dans les prochains jours des soulèvements. Toutefois, il a invité les déposants à la patience.

L’Evénement Précis : Depuis quand avez-vous pris la défense de la cause des promoteurs de Icc-Services ?

Maître Hervé GBAGUIDI : J’avoue que je ne voulais pas en parler outre mesure mais je suis l’un des premiers Avocats de Icc-Services juste après la création de la structure. Au départ j’étais seul. C’est après qu’il y a eu un autre confrère qui est ajouté dont je préfère taire le nom. Donc on était deux Avocats de Icc-Services jusqu’à la crise en juin 2011.

Comment expliquez-vous la mauvaise volonté de vos clients à procéder au remboursement des populations qu’ils ont spoliées ou dépourvues de leur richesse?

J’ai été surpris quand vous parlez de mauvaise volonté dans la démarche du payement des déposants d’Icc-Services. Mais d’entrée de jeu, je voudrais attirer votre attention sur le fait que je n’aime pas tellement l’expression « spoliés » que les gens utilisent à tort et à travers. Je le dis parce qu’en réalité, aucune décision de justice n’est intervenue à ce jour pour retenir les promoteurs de Icc-Services dans un quelconque lien d’infraction qu’elle soit virtuelle ou criminelle. Dès lors, les qualités de spoliés, c’est tout comme si on a déjà une décision de justice qui a consacré cela. La justice est saisi et si on est dans un Etat de droit, on a l’obligation attendre et si on se veut dans un Etat, on doit avoir la patience d’attendre la décision de justice.

On peut donc retenir que c’est la décision de justice que vous attendez pour démarrer le payement des clients ?

Le payement des clients ne peut intervenir effectivement à l’issue d’une décision de justice. Ceci d’autant puisque là où nous en sommes, je crois que ceux qui veulent que nous commençons le payement ont fait le point récemment à la presse. C’est eux qui veulent et ils savent pourquoi ils le veulent. C’est eux qui savent les moyens dont ils disposent pour démarrer ce payement. Mais moi, je suis dans une République qui a ses règles constitutionnelles jusqu’à preuve du contraire.

Et ces règles ont consacré la séparation des pouvoirs et au cœur de cette séparation, on a la séparation de l’exécutif du judicaire. Vous n’êtes pas restés sans savoir que les promoteurs d’Icc-Services après maintes péripéties ont été finalement remis dans les mains de la justice. Et dès lors que la procédure de la justice est entrain de suivre son cours, je ne vois pas comment et pourquoi l’Exécutif à travers un comité peut demander qu’on procède au payement des clients.

 Le jour où notre constitution révisée consacrera le principe selon lequel toutes les fois qu’une affaire remise dans les mains de la justice est en cours de traitement, l’administration peut s’approprier l’aspect des réparations civiles. Là, je m’en remettrai à cette décision mais pour l’heure la constitution a consacré le principe de la séparation des pouvoirs et toutes les fois que la justice est saisie, seule une décision définitive pourra consacrer une condamnation tant sur le plan pénal que sur le plan civil.

A ce jour, nous sommes devant le juge d’instruction, qui n’est qu’un juge enquête et qui ne peut même pas ordonner le payement parce qu’il n’est pas le juge de recouvrement. Je ne vois pas pourquoi aujourd’hui on s’acharne, on se précipite et court pour obtenir le payement des déposants de Icc-Services qu’on qualifie à tort de spoliés.

Mais vous n’êtes pas sans savoir que beaucoup de promoteurs des autres structures se sont organisés depuis la prison pour procéder au remboursement des fonds de leurs clients. Qu’est-ce qui empêche la mise en place de cette stratégie de la part des promoteurs d’Icc-Services qui à votre avis manifestent la volonté de payer leurs déposants ?

On vous dit que beaucoup de promoteurs quand bien même détenus se sont organisés pour payer. Ils se sont organisés pour payer quoi et à qui ? D’abord dans le dossier Icc-Services, je ne pourrai pas parler de l’aspect judicaire parce que je suis en instruction et il y a le secret de l’instruction. Mais je peux parler de l’aspect administratif qui s’implique de façon superstitieuse dans la procédure judicaire qui est le comité de suivi qui estime que c’est avec moi que les promoteurs de Icc-Services manifestent de mauvaise foi.

Je ne sais pas les négociations que les promoteurs qui sont détenus et qui ont eu à faire avec le comité de suivi pour prendre des dispositions de payement. Je ne sais pas ce qu’on leur a promis pour qu’ils puissent payer. Mais là n’est pas le véritable problème. En réalité, il faut savoir le nombre de déposants que ces structures ont couverts. Ces structures ne sont pas étendues sur toute l’étendue du territoire nationale.

Elles ont payé qui et combien à ce jour ? Avec combien ? Est-ce que vous en êtes informés ? Mais mieux quand vous dites aujourd’hui que ces structures dont les promoteurs sont détenus à la prison et qui sont dans une position judiciaire et qu’avec le concours d’un comité de suivi ont pu payer je crois quand même que nous sommes dans un Etat de droit et cela devra vous inquiéter.

Voulez-vous donc confirmer que le gouvernement a protégé certains promoteurs ?

La protection de certains promoteurs est un autre aspect du dossier, en ce sens que d’entrée de jeu, il y a que les promoteurs de Icc-Services ont été interpelés et à leur suite d’autres promoteurs d’autres structures, qui dans une certaine euphorie dont je me garde de qualifier, ont été jetés en prison. Amis après eux beaucoup d’autres ont été interpelés, ont suivi toute la procédure mais à la fin aujourd’hui sont en liberté. Et pourtant ces structures ont été également qualifiés d’illégales.

Mais le constat est qu’Icc-Services a plus de clients que les autres établissements de placement

Mais là n’est pas le problème. Les structures dont les promoteurs sont en liberté aujourd’hui sont-elles illégales ou légales ? C’est la question qu’il faut se poser. Si elles sont illégales, quelle est la loi qui a permis à l’Etat de ne pas suivre la même procédure à leur endroit comme ceux d’Icc-Services ? Vous convenez donc avec moi qu’il y a eu deux poids deux mesures. Pour quel motif ? Je ne saurai le dire. Si nous sommes tous dans l’illégalité et que certains sont jetés en prison et d’autres en liberté, alorsne me dites pas qu’il n’y a pas injustice.

Alors comment se passe aujourd’hui la collaboration entre l’Avocat des promoteurs d’Icc-Services que vous êtes et le comité de suivi ?

Je n’ai aucune collaboration avec le comité de suivi. Il est une commission administrative qui a été mise en place par le gouvernement et qui selon les dires de sa présidente, a une mission et un objectif à atteindre. Je ne sais cette mission et cet objectif. Moi, je ne suis que le Conseil de la structure Icc-Services dont les promoteurs et certains employés qui n’ont rien à avoir dans ce dossier sont détenus à la prison civile de Cotonou depuis bientôt 18 mois, et qui attendent que la justice décide de leur sort.

Ils sont combien d’agents d’Icc-Services, promoteurs compris à être arrêtés ?

Ils sont à peu près une quinzaine pour ce qui nous concerne. Il a les quatre (04) promoteurs de Icc-Services, les employés et un jeune stagiaire qui devait passer le baccalauréat l’année où ils ont été interceptés par le ministre de l’intérieur d’alors qui par des procédures biaisées ont fini par les jeter dans les mains de la justice. Et ils ont fini par se retrouver à la prison civile de Cotonou aujourd’hui.

Alors étiez-vous consentant pour la vente des biens de la structure et de ses promoteurs ?

Je n’ai pas contribué à la vente des biens des promoteurs d’Icc-Services. En ma qualité d’Avocat de la structure, d’entrée de jeu, je n’ai jamais été associé à ces rencontres qui n’ont aucune base légale avec le comité. Parce que dans notre code de procédure pénale, aucun texte n’autorise le juge d’ordonner l’extraction de prévenus qui sont dans une procédure devant lui pour une rencontre avec une structure administrative.

Alors même qu’au début de cette crise, mon confrère et moi avions saisi le président de comité de crise et ensuite la présidente de comité de suivi pour leur dire que nous sommes les Avocats de Icc-Services et qu’on souhaiterait être associés à toute négociation, à tout entretien car c’est la constitution qui le consacre. Toute personne a le droit à la défense de ses intérêts, même sur le plan administratif. Mais à ce jour aucune réponse ne nous a jamais été donnée.

En clair vous n’avez pas participé à la vente des biens de vos clients ?

Nous n’avions pas été associés à la vente des biens. Elle est intervenue dans un autre conteste et c’est justement ce que nous déplorons. C’est le comité de suivi qui, à la suite de ces rencontres avec les promoteurs a eu à leur demander de solliciter du juge, la vente des véhicules et des biens et par la suite la vente de leur immeubles pour marquer la bonne fois de payer les clients.

Vos clients ne vous ont pas toujours fait un point fidèle ?

Cela a été fait avant que moi je ne sois informé et j’ai dit ma désapprobation au comité car le comité de suivi n’a rien à faire dans cette procédure.

Alors pourquoi ne vous ont-ils pas informé ? Est-ce déjà des prémices d’une crise de confiance ?

(Sourire) ! Vous savez mes clients ne m’avaient pas préalablement informé. Il y a eu des confrères aînés qui sont rentrés dans le dossier et qui les ont managés. Ils ont décidé de regarder dans le même sens que celui-ci. Mais pourquoi est-ce que les Avocats de la structure n’ont pas été associés. Il a été question de ne plus perdre le temps et faire évoluer les choses. Nous sommes d’accord que les choses aillent au mieux et vite. Mais pas au mépris de la loi.

Le juge d’instruction est un juge enquêteur. C’est un juge qui doit pouvoir statuer sur les différentes procédures et nous dire si oui ou non ils sont retenus dans la catégorie de telle ou telle infraction. Il appartient au juge de jugement de dire qu’il les a condamné pour telle ou telle chose. Mais le comité de suivi les a invités pour manager, pour essayer de convaincre de l’opportunité de dispositions à prendre en vue le payement prématuré, ce qui va contribuer à l’allégement de leur souffrance ou à la rapidité de la procédure.

 Mais le comité de suivi comme je l’ai demandé à leur Présidente, est-ce que c’est une partie civile dans la procédure ? Est-ce que le gouvernement a fait de dépôt à Icc-Services. Si c’est le cas, qu’il se constitue en partie civile. Mais si ce n’est pas le cas pourquoi vouloir que le comité de suivi puisse intervenir pour dicter aux prévenus la conduite à suivre et à la fin pour leur demander de saisir le juge et lui dire ce qu’ils souhaitent.

Attention ! respectons les lois de la République. Ou le juge d’instruction est incapable de conduire le dossier, le comité de suivi le dessaisit et s’en occupe ou alors les règles de la République ne le permettent pas, et on laisse le juge d’instruction aller jusqu’au bout ou alors qu’on aura fini la phase de jugement et qu’on aura une décision définitive, le comité de suivi pourra intervenir pour suivre ce qu’il veut suivre. Mais actuellement, c’est une immixtion de l’exécutif dans le judiciaire qui ne dit pas son nom. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit et on a estimé que je constitue un obstacle.

Alors après combien de temps, selon la loi les promoteurs d’Icc-Services ne sont plus en droit de rembourser les fonds ?

Les promoteurs n’ont jamais dit qu’ils ne payeront pas depuis le démarrage de la crise. Il faut faciliter les choses. Obtenir la liberté provisoire est un droit que la loi a reconnu à toute personne qui se trouve en détention préventive. Il revient au juge d’instruction de l’apprécier ou non. Mais dans le cadre de ce dossier, le comité de suivi leur a demandé les dispositions qu’ils sont en train de prendre pour sortir une liste des déposants à la fin du démarrage des payements.

Vous n’êtes pas sans savoir que Icc-Services avait une envergure nationale et par conséquent hautement informatisé. Aujourd’hui, ce n’est pas avec un ordinateur qu’on va s’asseoir dans un bureau de tribunal pour sortir une liste. Ce n’est pas possible. Même si on s’essayait avec une dizaine d’ordinateurs, vous êtes sûrs qu’on pourra sortir la liste de Tchoumi-Tchoumi, de Matéri, de Tanguiéta, de Covè, de N’dali, de Kraké, de Bonou, de Lalo, de Dassa-Zounmè ?

Ne nous leurrons pas. La chose n’est pas possible ? Il faut nécessairement qu’ils soient replacés dans leur cadre de travail pour faire appel à certains de leurs employés pour qu’on puisse mettre tout ce système en place pour une liste fiable. Si on s’assoit dans un bureau quelque part pour sortir une liste, c’est l’habitude au Bénin.

Demain, on va payer encore ceux-là avec quoi ? Après demain lorsque d’autres viendront avec des contrats, qu’est-ce qui se fera ? D’ailleurs, on nous a dit que des gens ont sorti des listes, soyez sûr que demain, il aura de rebondissement. Je ne suis pas prophète mais marquez le quelque part. Vous me le direz un jour.

A cet effet, Icc-Services doit au total combien aux déposants ?

Je ne saurais vous le dire car la procédure est en cours. Demandez peut-être au comité de suivi qui le sait mieux que quiconque. C’est là justement les différents problèmes sur lesquels on n’arrive pas à nous accorder. Moi, je dis que je ne suis pas qu’Avocat de Icc-Services.

Je suis l’Avocat qui assure également l’intérêt des déposants. La preuve est qu’à l’orée de la crise, je laissais mon cabinet pour me rendre dans les diverses agences pour gérer les clients, les appeler à la patience pour qu’on puisse programmer de façon progressive le payement. Mais à un moment donné, les gens ont voulu que les choses volent en éclat et cela a été. Mais aujourd’hui, on vous avait demandé de venir déposer des contrats à la préfecture.

Pouvez-vous me garantir l’authenticité de ces contrats ? Voudrez-vous me dire que le monsieur de Covè a déposé son contrat quelque part ? Si c’est fait, est ce que c’est authentique ? Pourquoi ne veut-on pas qu’on laisse le juge d’instruction faire son travail et le juge du jugement rendre sa décision ? On s’en presse pourquoi ? Quel est l’objectif qu’on vise ?

Que vise selon vous le pouvoir exécutif en exigeant que les promoteurs remboursent les fonds depuis la prison ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas politicien, ni administratif. Je n’ai aucune couleur politique et je n’en n’aurai pas. Je tiens plutôt à ma liberté et à ma personnalité. Je ne veux pas être un garçon de course de quelqu’un. Dès lors lorsque vous me demandez quelque chose possible je vous le dirai et quand c’est impossible je vous le dirai également.

Quel appel avez-vous à lancer au peuple béninois qui ne cesse de réclamer le payement ?

Mon appel est à l’endroit des déposants de Icc-Services, car ce n’est pas nécessairement des promoteurs de Icc-Services qu’il s’agit mais plutôt des déposants. Je le dis parce que les promoteurs depuis le début ont toujours dit qu’ils ont les ressources nécessaires pour juguler cette crise. Ils avaient demandé aux gens de les aider à encadrer les déposants pour pouvoir programmer le payement mais malheureusement, un piège a été tendu et ils ont été pris dans les nasses de ce gouvernement.

Donc, je voudrais demander aux déposants de se tenir tranquilles. Ils n’ont aucun intérêt à voir un démarrage prématuré du payement de leur dépôt. Car si je dois 25F à quelqu’un et j’ai 10F et qu’on me demande de commencer par payer, on est tous d’accord que les 10F ne pourront pas payer les 25F. Si je paye les 10F, qui payera les 25F qui restent ? Donc, il est dans leur intérêt de prendre patience afin que chacun soit sûr de rentrer en possession de son dépôt. Mais s’ils estiment qu’il faut faire deux poids deux mesures, c’est à eux de prendre leurs dispositions.

Propos recueillis par

Emmanuel GBETO

 

 

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