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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Le sort d’un tyran


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L’Afrique a été marquée au fer rouge par la mort de Kadhafi. De quoi susciter la consternation des panafricanistes comme du citoyen lambda. Assassiné, trainé d’épaule en épaule, humilié, son corps presque nu exposé à la détestation populaire comme un sombre animal de zoo… L’Occident qui le voulait mort ou vif depuis l’attentat de Berlin en 1987 en jubile encore d’une clameur à peine décente, à peine soutenable.

Et les panafricanistes de tous les horizons n’en reviennent toujours pas. Leur indignation est à la mesure des actions du Guide libyen vis-à-vis du continent. De son vivant, l’homme ne manquait pas d’arroser nos pays et nos Chefs d’Etats de ses largesses. Hôpitaux, universités, équipements construits un peu partout en Afrique noire par les pétrodollars de Tripoli étaient les signes de la générosité de l’homme. Mais il y a aussi son puissant rêve de l’unité africaine.

Depuis la déclaration de Syrte en 1999 et la naissance officielle de l’Union africaine dont son pays reste d’ailleurs le plus gros contributeur, Mouammar Kadhafi aura rêvé d’une union supranationale permettant de desserrer l’étau des puissances occidentales qui tiennent l’Afrique par le bout du nez. C’est une bataille gigantesque qu’il a menée avec la foi d’un prophète, souvent incompris, généralement raillé pour ses frasques par trop nombreuses.

Mais il faut surtout voir à travers la popularité du berger de Syrte, le résultat de son anti-occidentalisme grégaire. Kadhafi disait aux pays riches les vérités qui dérangent et n’hésitait pas à user de la manière forte. Tels les attentats de Lockerbie et du DC 10 d’UTA au-dessus du désert du Ténéré qui ont inauguré une longue polémique judiciaire internationale. Kadhafi était donc celui qui osa dire non à l’Occident, un non retentissant et sans détour qui est allé jusqu’au bout, jusqu’au sacrifice suprême. Là s’arrêtent les louanges.

Car Kadhafi était loin d’être un saint homme. Au pouvoir pendant 42 ans, il a maté dans le sang tout élan démocratique au sein de son peuple. Les exécutions parfois publiques d’opposants se faisaient pour la délectation populaire. C’est le cas en 1984 au stade de Benghazi où l’opposant Sadok Chouihdi a été pendu sur fond d’acclamation de l’assistance, dont des dizaines d’écoliers. Son exécution avait été retransmise en direct par la télévision d’Etat.

C’est dans la prison de cette même ville qu’en 1996 le colonel a fait massacrer 1200 prisonniers politiques car peu après son arrivée au pouvoir en 1969, le Guide avait décidé que les partis n’existaient plus. Il les a remplacés par des comités révolutionnaires et, dans la foulée, l’opposition n’avait plus lieu d’être. Une loi de 1971 condamnait à mort tous ceux qui avaient l’outrecuidance de contester le régime. Nombre d’opposants ont disparu sans laisser de traces, y compris un ancien ministre des Affaires étrangères, Omar Khekhia, passé en Egypte. On ne parlera pas vraiment des guerres civiles qu’il a aussi servi à allumer au Tchad, au Niger, au Soudan, au Mali ou au Libéria.

Rien d’étonnant que lors de l’éclatement des révoltes à Benghazi, Tobrouk et ailleurs, Kadhafi fasse donner les avions de chasses, les chars et les armes lourdes, décidé qu’il était à « purger la Libye maison par maison » selon ses propres mots. Et lorsque ses milices meurtrières, notamment les fameux kataeb al-amn, se sont lancés à l’assaut, tout le monde pouvait craindre le pire. Son deuxième fils, Seif el-Islam, 39 ans avait promis une rivière de sang sur le pays et Kadhafi en personne n’arrêtait pas de proférer les pires menaces sur le peuple des insurgés.

Après des semaines d’une répression atroce, nombre de militaires ont dû faire défection et créé une rébellion qui a fini par avoir raison de l’acharnement du Colonel. Comme dans toute tyrannie, son édifice politique s’est écroulé comme un château de cartes. Car, même si le peuple libyen pouvait bénéficier d’un niveau de vie largement supérieur à la moyenne africaine du fait de la manne pétrolière, il aspire comme tous les peuples du monde, à un minimum de dignité et de liberté. Il aspire aussi à la démocratie, surtout après le long joug de 42 ans sans élection.

On comprend difficilement dès lors que certains de nos intellectuels, sensés être les gardiens du temple démocratique, oublient carrément le peuple libyen et n’évoquent que l’intervention de l’OTAN vue comme une invasion étrangère.

Olivier ALLOCHEME

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