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Le triomphe de la vérité

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Société civile:Une mobilisation sociale en berne un an après


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17 août 2010-17 août 2011. Un an déjà que Pierre Urbain Dangnivo n’est plus apparu vivant nulle part. Sa disparition a fait l’objet d’une immense mobilisation sociale animée principalement par la Fédération des Syndicats des travailleurs du ministère chargé des Finances (FESYNTRA-Finances). C’est par elle que le peuple béninois a appris la nouvelle une semaine après.

Dès cet instant, la FESYNTRA-Finances, à travers des souscriptions et tous autres moyens, a lancé des avis de recherches, procédé à des investigations en étroite collaboration avec la famille, organisé des sit-in, des grèves, pour retrouver les traces de l’intéressé. Elle a fait huit mois de grève, d’août 2010 à avril 2011. Pour les travailleurs, l’Etat, garant de la sécurité et de la protection des citoyens, devrait tout faire pour retrouver le disparu, sain et sauf.

Précédemment Coordonateur du Projet de construction des bureaux et casernes de la douane en service dans l’administration centrale du Ministère de l’économie et des finances, Pierre Urbain Dangnivo n’était pas mêlé aux grands dossiers politiques et économiques qui agitaient le Bénin à quelques mois des échéances électorales de mars 2011. Mais ses camarades travailleurs, estimant que la main de l’Etat n’est pas étrangère à la situation de leur collègue, se sont mobilisés pour le retrouver.

D’un jour de sit-in par semaine, le mouvement s’est durci et est devenu une gigantesque mobilisation de trois jours par semaine. Dans une motion de grève de 72 heures en date du 22 Octobre, les travailleurs des finances disent tenir le gouvernement pour responsable des déconvenues qui adviendraient de la non prise en compte de leurs exigences. Ils décident par conséquent d’une grève de 72 heures pour compter du mardi 26 octobre 2010 à zéro heure au jeudi 28 octobre 2010 à minuit pour exiger le retour de Pierre Urbain DANGNIVO vivant, sain et sauf.

Le 02 novembre, le Conseil fédéral pose encore d’autres conditions à la reprise du travail. Il s’agit des « revendications depuis longtemps posées, des acquis obtenus aujourd’hui menacés ». Ils exigent alors « l’indexation des indices des travailleurs du ministère en charge des finances (coefficient de revalorisation du traitement indiciaire de 1,25 pour compter de Janvier 2010) ; la solution urgente et définitive à l’organisation des examens et concours professionnels avant le 30 novembre 2010 ; la parution des décrets portant statut des comptables publics et leur cautionnement avant le 30 novembre 2010. »

Jusque-là focalisée sur l’affaire Dangnivo, l’affaire prend une tournure plus corporatiste et certainement plus intéressée. Dans le même temps, plusieurs organisations de la société civile vont épauler les travailleurs des finances. C’est le cas de l’Organisation de défense des droits de l’homme et des peuples (ODHP) qui a demandé et obtenu de la mairie de Cotonou la tenue le 12 Octobre 2010 d’une marche pour protester contre le bâillonnement des libertés.

La manifestation devait rassembler toutes les centrales syndicales, les ONG et associations de même que les partis de l’opposition. En vertu d’une interdiction prononcée par le ministère de l’intérieur le 04 octobre 2010, la marche a été dispersée par les forces de l’ordre lourdement armées. Des engins blindés ont été sortis pour intimider les manifestants qui se sont retrouvés le lendemain à la Bourse du Travail pour créer le Front de Défense de la Démocratie (FDD).

Du FDD à maintenant

Pour la première fois dans l’histoire du Bénin, partis politiques, syndicats et Organisations non gouvernementales engagées pour la bonne gouvernance et la défense des libertés publiques, se sont retrouvés dans un même creuset. Il s’agit de la CSTB, de la CSA Bénin, de la CGTB, de la COSI, de la FESYNTRA-Finances, de l’ODHP, de FORS LEPI, NEP MIXALODO, le Parti Communiste du Bénin (PCB), de l’Union fait la Nation (UN), de la Coalition ABT 2011, du G13. On a pu retrouver ensemble et côte-à-côte des leaders syndicaux comme Gaston AZOUA, Dieudonné LOKOSSOU, Pascal D. TODJINOU, Léandre SAGBO, Laurent METONGNON avec des acteurs de la société civile comme Gustave ANATO, Joël ATAYI GUEDEGBE, et des acteurs politiques comme Bouraïma MALEHOSSOU, Saka FIKARA, Antoine IDJI KOLAWOLE, etc.

 « Le Bénin va mal, ont-ils dit. La situation est catastrophique à tous points de vue. Le pays est au bord du gouffre. » La déclaration de constitution du FDD appelle à la mise en place « partout des Comités Locaux de Défense de la Démocratie (CLDD) qui, puisant dans notre longue et riche tradition de luttes héroïques, devront travailler quotidiennement, à barrer la route à l’arbitraire, à la confiscation et à l’exercice personnel du pouvoir, au pillage et aux bradages de nos ressources nationales ». Là encore, l’affaire Dangnivo, en toile de fond, sert de tremplin à des revendications politiques clairement et fortement affichées.

 Trois mois plus tard, en Février 2011, les travailleurs du Ministère des finances, tout en réitérant leurs revendications sur Dangnivo, en réaffirment d’autres qui sont encore corsées : « l’organisation sans délai des examens et concours professionnels au profit de toutes les structures du MEF, l’application immédiate du point 2 du protocole d’accord, la prise immédiate du décret portant indexation des indices des APE et ACE en service au MEF (coefficient 2) pour compter du 1er janvier 2010, la parution des actes de reclassement de tous les élèves de nos centres de formation professionnelle respectifs à l’échelle 1 de leur catégorie, la parution des décrets portant statut des comptables publics et leur cautionnement.

 On aura remarqué que la revendication concernant le coefficient de revalorisation du traitement indiciaire passe de 1,25 en novembre pour 2 points en février. Stratégie de lutte syndicale ? Oui, sans doute. Tout compte fait, le 21 avril, au bout de trois jours de négociation, le gouvernement concède une revalorisation de 1,25 point à compter du 1er janvier 2011 pour les travailleurs du ministère des finances. Quant aux autres, au bout d’un violent bras de fer avec le gouvernement, ils parviennent à arracher la même revalorisation.

Le conseil des ministres du 31 juillet 2011 tenu à Natitingou indique qu’ « en ce qui concerne le personnel des autres ministères et institutions de l’Etat, le paiement de cette revalorisation de l’indice de traitement prend effet pour compter du 1er janvier 2012 et sera progressif suivant le chronogramme collectivement approuvé ci-après :

• Année 2011 : 5%

• Année 2012 : 5%

• Année 2013 : 5%

• Année 2014 : 10%

Dès lors, le front social s’est apaisé. Dans les têtes, Dangnivo n’est plus qu’un triste souvenir.

Un an après

L’Organisation de défense des droits de l’homme et des peuples (ODHP) ne cesse pourtant pas de s’interroger. Pour son Président Gustave Anato, malgré les tapages orchestrés autour de cette affaire, beaucoup de choses restent encore à clarifier. De la lecture qu’il fait du dossier, aucune preuve émanant de l’autorité suprême ne convainc. Car à ce jour aucun indice ne prouve encore au peuple si Pierre Urbain Dangnivo est vraiment mort.

 Ce qui préoccupe l’ODHP et suscite beaucoup de méfiance de la part des associations de la société civile, c’est la confusion et le flou entretenus par les différentes autorités dans les semaines ayant suivi le drame. Si l’ODHP semble encore bien déterminée à voir le bout du tunnel de cette affaire, son président Gustave Anato n’entend plus se mettre dans la rue pour manifester au nom des Droits de l’homme.

Dangnivo vivant ou mort ?

Pour le secrétaire fédéral de la Fédération des syndicats des travailleurs du ministère de l’économie et des finances (FESYNTRA-Finances), leur collègue regagnera ses pairs un jour. « On continue de croire que Dangnivo est vivant malgré l’état dans lequel il sera dans les mains de ses ravisseurs » laisse entendre Laurent Mètongnon. Plusieurs raisons expliquent selon lui cette conviction. En premier lieu, le secrétaire fédéral regrette l’absence d’une contre-expertise sur le corps exhumé à Womey-Akangon.

Car cela laisse entendre que c’était un schéma établi pour faire porter la responsabilité de cette procédure scientifique au collège des Avocats de la famille qui l’exigeaient. De même, Laurent Mètongnon dit ne pas comprendre jusqu’à ce jour la substance des interventions de Alexandre Hountondji, Conseiller spécial aux affaires politiques du Chef de l’Etat, sur la chaîne publique et de Maxime Houédjissin, directeur de l’Agence de réhabilitation de la cité historique d’Abomey (ARCHA), sur GOLF-TV le 12 septembre 2010 justifiant la disparition de Pierre Urbain Dangnivo comme une chose courante dans cette famille comme cela a été le cas de son jeune frère Joachim Dangnivo.

 Le 21 Octobre 2010 en effet, la FESYNTRA-Finances a publiquement désavoué ces déclarations en faisant amener le frère supposé disparu, Rock Joachim Dangnivo.

La Société civile entre chagrin et supplications

Pour sa part, l’ODHP reconnait encore que les organisations de la société civile n’ont pas assez fait pour amener très vite les ravisseurs à sortir Pierre Urbain Dangnivo. « La Société civile n’a pas été à la hauteur de la situation sinon si elle s’était levée comme un seul homme, on allait très tôt voir plus clair » déclare Gustave Anato. Mais il se réjouit de ce que les différentes sorties effectuées à cet effet, viennent comme une bombe placée sur le chemin des commanditaires de ces actes au Bénin. Laurent Mètongnon ne partage pas ce point de vue.

Pour lui, même si rien n’a été obtenu dans les différentes manifestations quant au disparu lui-même, les efforts des acteurs sociaux sont à saluer. Aujourd’hui, le bureau de Dangnivo est toujours sous scellé. Pour le secrétaire fédéral de la Fesyntra-Finances, les diverses actions menées ont certainement eu un impact sur la conscience des ravisseurs du disparu. Lors d’une conférence de presse donnée le 29 juin 2011 suite aux remous provoqués par les nouveaux avantages obtenus, la Fesyntra-Finances justifie la baisse relative de l’ardeur dans les revendications portant sur Dangnivo et la montée en flèche de celles concernant les salaires des travailleurs.

Elle évoque également les conséquences désastreuses que le mouvement avait sur les finances publiques. « Face à cette nouvelle exigence, disaient les syndicalistes, le bureau a estimé que le peuple et les autres travailleurs ne nous comprendraient plus surtout que les caisses de l’Etat étaient mises déjà à rudes épreuves pour le paiement des dépenses de souveraineté (salaires, pensions, bourses, frais de sécurité).

Nous fallait-il asphyxier économiquement le pays? » se sont-ils alors demandé. Pour sa part, Paul Essè Iko tient le gouvernement pour responsable du sort de Dangnivo tout en estimant que ses ravisseurs devraient lâcher prise. Après les nombreux soubresauts enregistrés, la mobilisation sociale faiblit de jour en jour et se solde aujourd’hui par de simples prières, loin de la véhémence des jours de colère.

Emmanuel GBETO

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