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Le triomphe de la vérité

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enquête sur la disparition du cadre du ministère des finances: Dangnivo, un an après : L’espoir de la famille reste entier


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Pierre Urbain DANGNIVO

Nous voilà au 17 août 2011. Il y a un an, Pierre Urbain Dangnivo, cadre du Ministère de l’économie et des finances a mystérieusement disparu avec sa voiture, une Audi 80 immatriculée AC 2223 RB. Quelques semaines plus tard, le procureur de la république Michèle Carrena-Adossou annonce qu’un corps retrouvé à Womey Akangon est bien celui du disparu. La famille conteste, les syndicalistes crient leur désapprobation. Au cri de « Libérez Dangnivo ! » les partis politiques proches de l’opposition s’en mêlent lors d’une marche gigantesque qui a eu lieu le 08 septembre 2010. On a failli assister à un remake de l’affaire Bohiki qui a fait partir Hubert Maga du pouvoir en Octobre 1963. Un an après, nous vous offrons un éclairage sur ces jours de fureur et de confusion où la douleur des uns a coalisé avec les intérêts des autres dans un cocktail détonnant qui a failli faire basculer la République.

Où est passé Pierre Urbain Dangnivo ? Comment s’est déroulée la disparition du cadre du MEF ? Pour quelles raisons Pierre Urbain Dangnivo a-t-il disparu ? Ces questions trottent dans de nombreuses têtes depuis la subite et inexpliquée disparition du natif de Sè, dans la commune de Lokossa. Portée à bras le corps par la Fédération des syndicats des travailleurs des finances (Fésyntra-Finances) dans un contexte socio-politique marqué par la proximité d’importantes échéances électorales, l’affaire devient un sujet d’actualité amplifié par les médias.

 A travers une conférence de presse en date du 9 septembre 2010, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou, Michèle Odette Carrena-Adossou annonce la saisine officielle de la justice béninoise de cette affaire qui rappelle à bien des égards celle du sous-préfet de Boukombé, Pamphile Hessou, environ vingt ans plus tôt. Depuis lors, les initiatives se succèdent pour faire triompher la vérité dans ce dossier.

 Il en est ainsi avec l’exhumation, le 26 septembre 2010, d’un corps à Womey Akangon, localité située dans la commune d’Abomey-Calavi, un corps présenté comme étant celui de Pierre Urbain Dangnivo. C’est le début d’une longue polémique judiciaire. La thèse de la justice est rejetée par la famille le lundi 04 octobre 2010 qui émet des doutes sur les conclusions de la justice suivies des condoléances du Procureur de la République aux proches du disparu. Face au tollé suscité par la sortie du procureur, le Garde des sceaux, ministre de la justice d’alors, Grégoire Akofodji, rassure de l’avancée des enquêtes pour mettre en lumière les tenants et aboutissants de cette scabreuse affaire.

 C’est dans ce cadre que le gouvernement opte pour de nouvelles autopsies menées par des médecins légistes étrangers notamment Français et Allemand. L’arrivée du légiste français et ensuite de l’Allemand Klaus Pueschel se heurtent à l’opposition de la famille. La justice ne désempare pas pour autant. Les investigations, conduites par le 1er cabinet d’instruction du Tribunal de 1ère instance de première classe de Cotonou, aboutissent à l’arrestation de plusieurs personnes citées dans cette affaire. Il s’agit notamment des sieurs Donatien Amoussou, Romaric Assogba, Daniel Mitchozounon, Finangnon Zossou, Jérôme Tchiakpè et de l’ancienne concubine du disparu, Prisca Lègba qui rejoignent dans les geôles Codjo Kossi Allofa et Richard Dégbé.

Ces derniers ayant été arrêtés le jour même de l’exhumation du corps, l’un en tant que principal accusé et l’autre pour complicité présumée. Depuis lors, ces prévenus attendent derrière les barreaux de connaître leur sort. Pour l’un des avocats conseils de la famille Pierre Urbain Dangnivo en l’occurrence Me Zakari Djibril Sambaou, « l’affaire est toujours en instruction et nous pensons que la procédure n’avance pas vite ». Au cabinet du Procureur de la République, le silence est assourdissant. Il n’en est pas moins au Ministère de la Justice où le dossier ne suscite plus aucune réaction malgré les assurances données par le ministre Grégoire Akoffodji que « le dossier n’est pas classé car la justice poursuit son travail ».

Effectivement, les enquêtes sur l’affaire ont été bouclées au niveau du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique et le rapport en a été transmis à la Justice. Le dossier est donc en cours d’instruction. Les avocats de la partie civile ayant demandé à procéder à une expertise complémentaire, le juge d’instruction leur a demandé de proposer un expert de leur choix. N’ayant enregistré aucune réaction de leur part, il a dû prendre une ordonnance de rejet. « L’ordonnance de rejet a été régulièrement notifiée et n’a suscité aucune réaction de leur part », note le gouvernement lors des négociations gouvernement-syndicats d’avril dernier.

La justice à l’épreuve du politique

Pour bien des observateurs, l’Affaire Dangnivo a servi de tremplin pour mettre à nu les rapports de force entre les pouvoirs judiciaire et exécutif au Bénin. L’imminence des joutes électorales aura été un effet amplificateur de cet état de fait. Dossier pénal devenu au fil des jours une revendication syndicale qui a conduit les travailleurs du Ministère des finances à initier des mouvements hebdomadaires de grève, l’Affaire a réuni tous les ingrédients pour favoriser l’implication du politique. Le gouvernement ne s’en prive d’ailleurs pas.

Et les initiatives du Procureur de la République considéré comme le représentant de l’Etat, attestent de la forte implication du politique dans ce dossier pénal. Pour sa part, le chef de l’Etat, reçoit la famille du disparu le 20 septembre 2010 et décide, malgré l’absence de toute ordonnance judiciaire de l’implication d’un expert légiste français pour identifier le corps exhumé à Womey Akangon. L’opinion publique assiste à un mélange des genres qui fait monter au créneau aussi bien les syndicalistes que plusieurs autres organisations de la Société civile.

L’opposition politique n’est pas en reste. Elle fait de l’Affaire Dangnivo son chou gras à quelques mois des échéances électorales en vue. Le pouvoir est accusé d’être à l’origine de la disparition du cadre du MEF. A l’instar des populations de Sè qui organisent un sit-in le 06 septembre 2010 pour exiger le retour de leur fils, les détracteurs du régime en place se coalisent et initient une marche dans les rues de Cotonou pour dénoncer les menaces sur les libertés publiques et exiger le retour du disparu.

Les condoléances du Procureur de la République avant d’être rappelé à l’ordre par le ministre de la Justice, finissent de convaincre de l’emprise du politique sur le judiciaire dans ce dossier. Les parents en sont conscients et refusent, contre toute attente, de se soumettre aux conclusions judiciaires qui établissent la mort de Pierre Urbain Dangnivo. Le Collectif des avocats de la famille sort également de son mutisme le 18 octobre 2010. Il adresse une lettre au Chef de l’Etat pour dénoncer une « immixtion flagrante dans les affaires judiciaires ».

En définitive, un an après la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, la justice n’est pas encore parvenue à dissiper les doutes sur cette affaire malgré les avancées observées. Et au rythme où la procédure avance, rien ne laisse présager une tendance contraire.

Jean-Claude D. DOSSA

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