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Le triomphe de la vérité

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EDITORIAL: Dans la gueule des pirates


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Il ne manquait plus que ça ! Les pirates ont pris d’assaut les eaux béninoises et y opèrent depuis le début de l’année en toute tranquillité. L’information a fait le tour du monde, d’autant plus qu’elle est tombée à un bien mauvais moment. Le 14 juillet en effet, le Bureau international maritime publiait son rapport annuel, montrant que les actes de piraterie se sont déplacés des côtes nigérianes pour les côtes béninoises. Alors que durant toute l’année 2010, rien de tel n’a été signalé, la piraterie est devenue un grave problème pour le Bénin depuis janvier 2011.

 Selon un rapport confidentiel de l’ambassade de France remis aux autorités béninoises, la première attaque du genre a eu lieu contre le navire Chassiron le 11 janvier 2011. Entre janvier et juillet, pas moins de 26 actes de piraterie ont eu lieu, des actes soldés parfois par des morts, des détournements de navires et des transbordements de pétrole. Un rapport de Bergen Risk Solutions note que les cargaisons volées sont revendues « dans différents ports d’Afrique occidentale, peut-être à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ou à Port Gentil, au Gabon ».

Voilà la différence entre les pirates somaliens et ceux des côtes béninoises, puisque les premiers utilisent plutôt la demande de rançon comme stratégie de chantage. Le 15 mai par exemple, le tanker MT Eagle Miri a été détourné de sa trajectoire et vidé de sa cargaison de pétrole aux larges de Cotonou.

Début 2011, les autorités fédérales du Nigeria comme celles des compagnies pétrolières opérant dans le pays avaient décidé de mener une lutte implacable contre les pirates qui sont pour la plupart des rebelles du Delta du Niger. Armés jusqu’aux dents, ils ont l’habitude de vendre leurs butins sur le marché noir des hydrocarbures. Avec les patrouilles permanentes des gardes-côtes nigérianes, le Bénin apparaissait comme un exutoire naturel, vite submergé par les hors-la-loi. Les autorités béninoises qui ont l’habitude de ne jamais communiquer dans les médias nationaux sur les problèmes, font la moue.

Pendant qu’elles refusent de parler aux journalistes nationaux qui ont réussi par miracle à mettre la main sur le rapport de l’ambassade de France, les voilà qui confient leur détresse à la presse étrangère. C’est le ministre Kogui N’Douro en personne, qui a déclaré à l’Agence France Presse : « [les] moyens sont très faibles pour lutter contre cette criminalité. Nous demandons à la communauté internationale d’intervenir aussi massivement qu’aux larges de la Somalie. »

En visite aux Nations unies fin juillet, le Chef de l’Etat a demandé un renforcement de l’assistance militaire internationale et une plus forte implication des partenaires techniques et financiers. D’autant plus que depuis 1990, la marine française assure une présence militaire permanente dans la région à travers une opération baptisée Corymbe. Mais il a fallu cette déferlante et surtout le déchaînement de la presse privée nationale pour que les autorités se réveillent.

Issifou Kogui N’Douro assure que trois navires patrouilleurs, armés d’un canon de 25 mm avec une puissance de tir de 2 à 3 km, et pouvant atteindre une vitesse de 30 nœuds, ont été commandés à un chantier naval de Saint-Nazaire (France) et que le premier bâtiment est attendu en septembre. Réponse (tardive) à un mal qui frappe depuis longtemps. Selon des indiscrétions, les braquages spectaculaires qui ont eu lieu au marché Dantokpa il y a quelques années provenaient bien de ces pirates qui ont réussi par deux fois, à approcher nos côtes de suffisamment près pour opérer. Et notre marine n’y a vu que du feu.

Incapables d’agir, les forces navales ont été mises à rude épreuve par ces bandits de grand chemin. On a beau se plaindre du manque de moyen du Bénin ou de la perfidie des hors-la-loi, nous sommes bien en face d’une incompétence. Le rattrapage orchestré plus tard par la mise en scène d’un arraisonnement des pirates devant les caméras et les projecteurs de la presse nationale, n’auront réussi à convaincre que ceux qui veulent bien tomber dans ce genre de piège.

Le danger immédiat que court notre pays face à ce banditisme maritime, est celui de son image internationale qui se dégrade. Les compagnies d’assurance, prenant le Bénin comme un risque de guerre, ont déjà multiplié leurs frais. Nul ne doute donc que cela n’ait d’influence sur les prix des produits importés. La réactivité de nos forces navales devrait donc servir à nous guérir du péril maritime qui, comme aux Seychelles ou à Djibouti, risque à terme de constituer une menace pour l’économie béninoise tout court.

Olivier ALLOCHEME

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