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Le triomphe de la vérité

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Examen de fin d’année :Cep 2011: les dessous d’un résultat tronqué


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Pour beaucoup, le système éducatif béninois porte des failles que les résultats du Cep veulent maquiller

Les résultats du CEP 2011 sont désormais connus. Selon un point fait par le Directeur des examens et concours du ministère des enseignements maternel et primaire, M. Bio Soumanou Tchabi Gado, au plan national, les statistiques du Cep 2011 donnent 82,12% d’admis contre environs 68, 24% l’année dernière.

En tête de peloton se classent les départements de l’Atlantique et du Littoral avec 89,51% d’admis pendant que l’Atacora/Donga ferme la marche avec 70,55%. L’Ouémé/Plateau affichent 85,87% d’admis, le Zou/Collines est troisième avec 85,54%. Quant au Mono/Couffo, il a 82,03% d’admis et le Borgou/Alibori est 5ème avec 73,46%. Au-delà de ces chiffres qui semblent refléter la bonne santé de notre système éducatif, plusieurs acteurs s’interrogent.

 Pour Paul Essè Iko, Secrétaire général adjoint de la Centrale des syndicats de travailleurs du Bénin (CSTB), lui-même enseignant du primaire, ces résultats ne montrent pas le niveau réel des candidats. « Ça ne reflète pas du tout le niveau des enfants, nous a-t-il confié. Il y a des dispositions qui sont prises pour cacher la réalité parce que l’on tente à tout prix de montrer que les nouveaux programmes sont bons, alors que tout le monde voit que c’est mauvais. »

 A sa suite, beaucoup d’enseignants du primaire s’interrogent. Alexis, instituteur à Porto-Novo ne cache pas son opinion. « En toute franchise, dit-il, je dois reconnaître que les surveillants soufflent aux candidats lors des examens. Il faut dire la vérité. Personne ne peut le nier.» Le phénomène est devenu criard selon lui dans les zones reculées qui ne sont pas véritablement contrôlables. Un inspecteur de l’enseignement du premier degré confie sous anonymat : « Parfois, les établissements s’organisent et paient quelque chose aux surveillants pour qu’ils aident les candidats. Ce n’est pas sûr que les parents en soient informés mais c’est la réalité. »

Le témoignage saisissant des « enfants »

Une bonne partie des candidats au CEP 2011 témoignent avoir été aidés par leurs surveillants de salle. C’est le cas de Pauline admise cette année dans la commune d’Abomey Calavi. Elle confie : « On nous a recopiés les réponses au tableau. Pendant qu’un surveillant recopie, l’autre surveille la cour et on recopie en même temps. Au fur et à mesure on efface le tableau. »

Pour Perpétina, 11 ans, candidate dans la même commune, les réponses soufflées par les surveillants de salle ne sont pas toujours justes. « Pendant l’épreuve d’EST par exemple, j’ai remarqué que le maître écrivait n’importe quoi. En mathématique, c’est un autre qu’on nous a donné comme surveillant mais je n’ai rien écrit de ce qu’il a mis au tableau, » avoue-t-elle. Aujourd’hui admise au CEP, elle se demande si les autres admis avaient mérité d’avoir le diplôme comme elle.

Ce que confirme Paul Essè Iko, Secrétaire général adjoint de la CSTB. Conscient de la situation, l’ancien ministre des enseignements maternel et primaire Félicien Chabi Zacharie, dans un discours présenté à la veille du CEP 2010, avait demandé aux parents et aux enseignants de laisser les candidats composer sans chercher à leur souffler les réponses. Pour parer à cette situation, le Directeur des examens et concours du ministère des enseignements maternel et primaire a mis en place en 2011 un dispositif de surveillance.

Composé des représentants des associations de parents d’élèves, des représentants des organisations syndicales et ceux de l’administration scolaire, il vise à dissuader et à mettre la main sur des contrevenants au sein des surveillants de salle. Des cas de fraude ont ainsi été enregistrés dans le Mono-Couffo, les intéressés ayant été appréhendés. « Mais dans le fond, estime un inspecteur, aucun enseignant ne peut dénoncer son collègue qui aide les candidats. Tout le monde craint d’être mis à l’indexe parce que même les chefs-centres s’adonnent à ce jeu. Ce sont eux qui encouragent même les enseignants à souffler aux enfants. »

Ghislain Lokonon, secrétaire général du Syndicat national des enseignants pour une éducation de qualité (SYNEPEQ-Bénin) pousse sur la sonnette d’alarme : « Notre système éducatif est gravement malade, avoue-t-il. Ce qui se passe interpelle tout le pays. Il y a aujourd’hui comme une course des directeurs départementaux des enseignements maternel et primaire (DDEMP) pour avoir le meilleur taux de réussite au CEP. Tous les moyens sont utilisés pour cela. Aucun enseignant ne peut le dénoncer sinon il sera tout de suite indexé et embêté. » Comme lui, Alexis indique surtout certaines manœuvres utilisées lors de la correction des copies.

 « Les surveillants sont sommés par les DDEMP d’être aussi larges que possible. » Les critères de correction sont largement favorables aux candidats. Ghislain Lokonon n’hésite pas à ajouter : « On corrige les copies au son. Il suffit que l’enfant puisse griffonner quelque chose sur une feuille, et on exige que le correcteur imagine ce qu’il a écrit pour lui donner la note. C’est pour cela que la plupart des élèves de sixième écrivent au son. Ils sont notés au son. Même le plus médiocre des élèves peut réussir à un examen corrigé de cette manière. »

Les efforts de l’administration scolaire

De son côté, fustigeant toutes les critiques de tripatouillage, le directeur départemental des enseignements maternel et primaire de l’Atlantique-Littoral assure qu’une bonne partie des soupçons qui pèsent sur le CEP sont infondés. Pour Macaire Allabi, bon nombre d’allégations contre l’examen sont à mettre au compte des rumeurs infondées. Les résultats du CEP 2011 sont pour lui le fruit des efforts consentis et des corrections apportées pour combler les lacunes relevées et surtout l’insuffisance d’enseignants à travers les recrutements massifs opérés dans le secteur depuis 2007.

Il estime que le CEP 2011 a montré que ces recrutements ainsi que les investissements continus des partenaires techniques et financiers du Bénin sont à la base des résultats obtenus. Il y a également le travail des corps de contrôle composés des Conseillers pédagogiques et des inspecteurs qui ont augmenté la fréquence de leurs visites dans les classes compte tenu du soutien des partenaires du Bénin. De même, Macaire Allabi n’oublie pas d’ajouter que l’année scolaire 2010-2011 a été une année calme sur le front social grâce, selon lui, à la compréhension des syndicats.

A cela s’ajoutent également les deux examens blancs départementaux organisés au long de l’année scolaire qui ont permis de tester le niveau des apprenants et de corriger les failles. De son côté le DDEMP Zou-Collines, Félix Kocou Ahannon estime que ce sont les corrections opérées sur tout le système qui ont payé.

Un accent particulier a été mis selon lui sur la lecture depuis le cours d’initiation (CI). Interrogé par nos confrères du Matinal, il estime que malgré les 85,54% de réussite obtenus dans son département, des efforts restent encore à faire dans la mesure où en expression écrite le Zou et les Collines recueillent la plus faible moyenne avec 42,98%.

Des critiques sur le programme lui-même

En lui-même, le programme mis en œuvre est souvent mis en cause par les différents acteurs. Depuis les Etats généraux de l’éducation qui se sont déroulés du 2 au 9 octobre 1990, le Bénin a décidé en effet de mettre en route un nouveau programme d’enseignement. Réalisé avec le soutien technique et financier des partenaires du Bénin le programme est régulièrement soumis aux feux roulants des organisations syndicales dont la CSTB qui réclame sa suppression pure et simple et surtout l’introduction des langues nationales dans l’enseignement. Tout comme les responsables de la CSTB, Ghislain Lokonon émet des doutes tenaces sur la qualité de ce programme.

« Nous courons tout droit vers une catastrophe nationale, indique-t-il ». « Aujourd’hui, chaque parent doit s’occuper de son enfant, avoue un conseiller pédagogique sous anonymat. Si vous ne trouvez pas de répétiteur à vos enfants à la maison, c’est vous-même qui allez le regretter. » Réellement, peu d’enseignants sont formés au stade actuel. Si le ratio élèves/maître n’a pas cessé de croître, passant de 36,2 élèves par maître en 1991 à 52,6 élèves/maître en 1998 et 44,9 % en 2008–2009, le pourcentage d’enseignants qualifiés a progressivement diminué, selon un rapport sur le système éducatif béninois réalisé en 2010 et intitulé Bénin : Prestation Efficace des Services Publics de l’Education.

 Réalisée par deux ONG AfriMAP et l’Open Society Initiative for West Africa, et conduite par Marie-Odile Attanasso, Maître-Assistante à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), l’étude a relevé entre autres que « la détérioration des conditions d’enseignement s’est accentuée avec la gratuité des frais de scolarité pour l’enseignement universel décrété depuis la rentrée scolaire 2006-2007. Cette décision a été prise avant de s’assurer des conditions de sa mise en application à savoir le besoin en personnel et la disponibilité et l’accessibilité des infrastructures. »

 Malgré cette détérioration continue, les résultats aux différents examens ne cessent pas d’être au-dessus des 70% de réussite depuis environ cinq ans. Voilà le paradoxe qui pousse certains acteurs à douter de leur fiabilité. Pour Paul Essè Iko, il est clair que ce sont des résultats « fabriqués de toutes pièces pour tromper les gens ».

Olivier ALLOCHEME

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