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Le triomphe de la vérité

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Editorial: 100 Millions


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La candidature à la magistrature suprême coûte désormais cent millions de Francs CFA. Pour postuler au fauteuil présidentiel, il ne suffit donc plus d’avoir cinq millions comme avant. Ce qui étonne le plus, ce ne sont certainement pas les cent millions mais le bond extraordinaire qui y a abouti. L’ancienne caution a été multipliée par vingt et n’est remboursable que lorsque le candidat aurait rassemblé au moins 10% des voix, au lieu de 5% comme avant. Le souci des honorables députés semble avoir été de mettre fin aux candidatures fantoches ayant discrédité par le passé l’élection présidentielle transformée en une foire. D’illustres inconnus se trouvaient ainsi des ambitions suprêmes, parfois de façon aussi subite qu’inexplicable. Dans la réalité, ils sont souvent stipendiés par des candidats fortunés, intéressés à les utiliser pour émietter les voix de leurs adversaires dans leurs fiefs. A cette arrière-pensée s’ajoute celle des reports de voix ou des désistements fracassants qui s’opèrent au dernier moment au profit des mentors. L’objectif est de produire des effets d’annonce suffisamment importants pour créer le déclic chez les électeurs qui hésitent encore. Avec les nouvelles dispositions, il est fort difficile de jeter cent millions par la fenêtre. Avec les résultats de 10% exigés avant tout remboursement, des candidats aussi « sérieux » que Lazard Sèhouéto ou Sévérin Adjovi ou encore Léhady Soglo qui n’ont pas pu atteindre 10% aux dernières présidentielles malgré leur assise politique, auront perdu cent millions de FCFA. Vu sous cet angle-là, la multiplication par vingt de la caution des candidats à la présidentielle, permet de limiter drastiquement le nombre de prétendants au fauteuil.
A y voir de plus près, les avancées de la nouvelle loi sont remarquables. Elles ne constituent pas toujours des avancées, mais un recul au plan moral. Parce que ceux qui peuvent « mobiliser » les populations sont ceux qui peuvent dépenser leurs propres deniers pour se faire élire. C’est eux qui peuvent faire des meetings, faire les fameux porte-à-porte ou financer différentes activités du parti. De sorte que les puissances d’argent sont prépondérantes et dictent leur loi dans les formations politiques. Ce n’est pas nouveau dans le système capitaliste qui est le nôtre. Ce qui l’est au contraire, c’est la conséquence directe de ce glissement sociopolitique : l’absence de débats d’idées au sein des partis. Le règne des hommes d’affaires qui n’ont d’yeux que pour leurs affaires et donc pour leurs seuls intérêts, vide le débat démocratique de tout sens. Ce n’est pas surprenant que les débats d’idées soient absents de l’hémicycle ou des autres arènes politiques. Ceux qui doivent les mener n’ont pas accès aux bonnes places au sein des formations politiques. Peu d’ingénieurs, peu de médecins, peu d’enseignants et peu d’informaticiens accèdent aux postes de décision. Dans la plupart des cas, ils ne sont que des suiveurs. La loi électorale piétine même leur représentativité et y substitue celle des douaniers, des commerçants, des transitaires, des trafiquants en tout genre et des « hommes d’affaires » qui disposent du « pouvoir d’achat ». Le pouvoir est ainsi aux mains de ceux qui roulent sur des milliards et se soucient de leurs affaires, plus que des misères d’une campagne cotonnière ou des dérives du système éducatif. Ce sont eux qui cotisent et non la masse populaire qui ignore tout du fonctionnement réel des partis. Et c’est eux qui, plus que jamais, vont dicter leur loi au futur président.
A
vrai dire, la multiplication de la caution aurait pu garder une certaine pertinence en respectant le parallélisme des formes, si elle avait consisté à multiplier la caution par vingt, aussi bien pour la présidentielle que pour la législative et les communales et locales. Au contraire, la caution pour les législatives a été simplement doublée, ce qui laisse entrevoir une véritable incohérence. Tout repose là sur la fantaisie du législateur qui augmente les cautions selon une logique tout à fait obscure. On gagnerait à exiger non seulement une moralité irréprochable mais aussi un certain nombre de signatures d’élus ou de citoyens ordinaires, comme c’est le cas depuis des décennies en France et dans d’autres démocraties chevronnées. Faute de cela, la démocratie béninoise tourne lentement mais sûrement au pouvoir des plus riches, à la ploutocratie donc, dans un pays pauvre, pauvre même parmi les plus pauvres.

Olivier ALLOCHEME

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