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Le triomphe de la vérité

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Editorial: La jeunesse alimentaire


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Que vaut aujourd’hui la jeunesse dans l’arène politique ? Cette question a pu être anodine il y a quelques années, mais aujourd’hui elle revêt une importance capitale du fait de l’instrumentalisation prononcée de cette couche de la population à des fins politiciennes. En politique, ils sont comme les enfants soldats des guerres africaines. On leur confie la basse besogne, les tâches ignominieuses que les adultes répugnent à exécuter par peur ou par couardise, mais surtout par volonté de protéger leurs arrières. « Envoyons donc ces jeunes écervelés au casse-pipe ! » semblent se dire les gros bonnets haut perchés sur leurs strapontins. Et les voilà qui pointent leurs museaux devant les caméras, trop heureux d’être projetés sous les feux de l’actualité pour voir la moquerie. Les exercices de style auxquels ils s’adonnent sont d’autant plus faciles qu’ils n’ont devant eux d’autres contradicteurs sérieux que les bonnes dames désœuvrées stipendiées pour être là, sombres épouvantails agités de meeting en meeting au gré des billets qu’elles reçoivent. Mais les jeunes de la mouvance ont eu d’autres convives à cette table de médiocrité. En réponse à la polémique lancée par l’Union fait la Nation sur l’affaire ICC, ils ont mobilisé pas moins de dix ministres, dont le ministre d’Etat Issifou Kogui N’Douro, sorti de son bois pour assister au joyeux spectacle des injures et des insinuations tendancieuses agitées par les jeunes. Ce fut tragique.

                D’autant que les problèmes dont ils se font les porte-flambeaux sont aux antipodes des besoins réels de la jeunesse béninoise d’aujourd’hui. C’est qu’en réalité, ils ne viennent dans l’arène publique que pour capter les rentes politiques, trouver un strapontin et se dissoudre  à leur guise dans les limbes du palais présidentiel ou de quelque obscur ministère.  Je connais cette jeunesse parvenue, pourvue de diplômes dont elle ne peut pas se servir, parce que mal obtenus. Je connais cette jeunesse verbeuse, sans qualification professionnelle et obligée de vivre au crochet des hommes politiques. Lorsqu’elle parle de la place des jeunes, elle n’évoque que ses places à elle. Et pourtant, ce ne sont pas les thèmes qui manquent pour défendre les jeunes.

Aujourd’hui, la situation la plus préoccupante concerne   les étudiants. Pour 130 000 environs qu’ils sont aujourd’hui, dans les universités publiques et privées, ils seront probablement 12 millions dans quarante ans, c’est-à-dire en 2050.  Comment ne pas projeter une vision vers cet horizon et préparer l’avenir, à l’aune de ce futur peut-être lointain mais si proche ? Dans notre pays, les taux de chômage des 25–34 ans sont très élevés parmi ceux qui sortent  des enseignements technique et professionnel (17%) et du supérieur (15%). Pour l’enseignement secondaire, technique et supérieur, ces taux s’élèvent respectivement  à  56,69% et 55%. Et l’on prévoit pour l’horizon 2050, un taux d’environ 60% de chômage des jeunes si rien n’est fait pour pallier la formation bancale octroyée dans les universités aujourd’hui. Que faire pour entendre cette jeunesse réclamer enfin des réformes courageuses à l’université ? Que faire pour entendre enfin ces jeunes exiger des réformes pouvant favoriser le recrutement des jeunes dans les entreprises ? Que faire pour qu’enfin ils réclament une plateforme réelle pour l’entreprenariat des jeunes,  créateur de richesse ?

                Tous ces défis sont largement mis sous le boisseau par la clique qui chante au Chef de l’Etat les douces chansons qu’il aime entendre. Ils vendent leur jeunesse à l’encan, opérant des choix politiques contradictoires et sans aucune vergogne. Au lieu de constituer pour la vraie jeunesse des modèles et des motifs de fierté, ils sont simplement des prestataires de services politiques, à la solde de sales  causes qu’ils embrassent avec la certitude de tenir leur part de marché de ce commerce politique repoussant.

Certains d’entre nous se souviennent encore du combat de quelques cercles prêts à faire réviser la constitution pour faire maintenir en poste le général Mathieu Kérékou au-delà de 2006. On se souvient encore de quelques-uns qui ont embouché la trompette de la révision, faisant le sale boulot pour le compte des révisionnistes. Engagé depuis dans une opposition nominale, les voilà qui débarquent à nouveau à quelques encablures de la prochaine présidentielle, embouchant les mêmes discours repoussants et stipendiés de la même manière. Mais si quelques-uns vendent leur honneur sur le marché politique, il faut maintenant se demander pourquoi un pouvoir sérieux et honnête profite de ce triste mercenariat qui le déshonore en profondeur.

 Olivier ALLOCHEME

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