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Le triomphe de la vérité

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Editorial: Une liberté en liberté


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 Libre comme le vent mais ligotée comme jamais, la presse béninoise offre une façade de liberté que dé ment chaque jour l’étendue des insuffisances qui l’assaillent. Chaque jour nous donne en effet de voir que cette liberté est encore à construire. Je ne voudrais pas ici entrer dans la querelle byzantine tendant à faire croire que les journalistes sont plus menacés sous les cieux du changement que sous n’importe quel autre régime. L’actualité nous permet de constater aisément l’activisme du pouvoir pour contrôler une certaine presse ou en créer à sa dévotion. De nombreux organes de presse sont ainsi nés des entrailles du palais de la République et ne servent à nourrir que les revues de presse. Ils sont discrédités depuis longtemps autant pour avoir transformé en servilité leur sympathie pour le régime, que pour négocier celle-ci sous la forme de subsides divers offerts par le pouvoir. Personne ne me fera dire que ces pratiques sont nouvelles chez nous ni qu’elles se sont aggravées sous le changement. Nous en avons vu sous le régime précédent et il est évident que nous en verrons d’autres. Il n’est que de voir la somme des journaux que se sont payés les partis de l’opposition en l’espace de quelques années. Avant l’avènement du régime actuel et même avec lui, ils se sont acheté quelques titres qui font la une de l’actualité au vu et au su de tout le monde. Ils ne verront jamais que la face noire du gouvernement, exactement comme les politiciens qui les alimentent. A contrario, on voit une floraison d’articles dithyrambiques sur leurs leaders dont les moindres gestes sont analysés en des termes élogieux. Demandez alors si une fois au pouvoir, cette opposition sera championne de la défense de notre liberté. Même dans l’opposition, il y a des opposants qui font des procès aux journalistes ayant eu le culot de mal parler d’eux. Je reste donc convaincu que face à la presse, toute la classe politique a les mêmes réflexes : contrôle et asphyxie lente. Il appartient donc aux professionnels des médias de savoir que l’instrumentalisation de leurs plumes est un danger pour leur profession. Mais, me dira-t-on, même en France, les imbrica tions politico-médiatiques sont connues. Le Monde est plutôt ancré à droite et L’Humanité plutôt à gauche. Ces deux grands quotidiens sont élogieux ou amers selon qu’ils parlent de la gauche ou de la droite. Ils ne servent alors que d’appendices des grands partis, variables médiatiques de l’affrontement politique et idéologique. Le même schéma est présent aux Etats-Unis comme dans toutes les démocraties chevronnées. Seulement, là triomphent les orientations idéologiques et politiques d’une presse fortement ancrée dans les rouages du capitalisme. Pour sa survie, elle ne dépend que du monde économique et de ses impératifs d’efficacité. Ce sont des entreprises de presse et non des officines créées et alimentées presque exclusivement comme ici par la classe politique. De sorte qu’il convient de se demander si nous ne sapons pas les bases d’une presse simplement autonome des pouvoirs politiques. Les fondations sont en train d’être faussées aussi bien sur le plan moral que sur le plan professionnel. Sans fausse modestie, il faut compter L’Evénement Précis au nombre des cas rares, ces organes qui ne se laissent pas phagocyter par les chapelles en présence. Non pas que les tentatives et les tentations manquent, mais parce que les impératifs de professionnalisme prennent toujours le dessus, portés par la volonté commune de l’équipe de ne servir d’instrument aux mains de qui que ce soit. Nous échappons à la griffe des uns et des autres, du fait de notre indépendance d’esprit, convaincus que tout professionnel des médias dispose du devoir d’ingratitude qui lui incombe pour se rendre crédible. Les libertés ne s’usent que lorsque l’on n’en use pas. Au tournant de 2011, la véritable presse béninoise, celle qui tient le flambeau de la liberté encore allumé, devra montrer son droit de clairvoyance et de lucidité vis-à-vis de toute la classe politique et s’y cramponner sans désemparer. Et c’est un simple impératif de survie. Quant à l’autre presse, son destin est connu d’avance.

Olivier ALLOCHEME

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