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Le triomphe de la vérité

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Décision DCC 10-049 du 05 AVRIL 2010 portant rejet de l’abrogation de la loi sur la LEPI La Cour cloue le bec à l’opposition et remet la Lepi sur les rails


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(L’intégralité de la décision et détails des arguments massues des 7 sages)

Elle était attendue. La décision de la Cour constitutionnelle sur la loi est tombée comme un couperet le lundi dernier : « la loi n°2010-12 portant abrogation de la loi 2009-10 du 13 mai 2009, votée le 18 mars 2010 par l’Assemblée Nationale, est contraire à la constitution ». En effet, statuant sur les recours du président de la République, Dr Boni Yayi, des honorables Benoît Assouan Dègla, Karimou Chabi et Rachidi Gbadamassi, la Cour présidée par Me Robert Dossou estime l’abrogation de la loi portant réalisation de la liste électorale permanente informatisée (Lepi) constitue une violation de ses accords internationaux par le Bénin, une violation de la souveraineté du peuple et de la remise en cause du principe constitutionnel de transparence et un usage abusif du pouvoir de légiférer par les députés. Pour les sept (07) sages en effet, l’abrogation de la Lepi, mécanisme destiné à garantir à notre pays des élections transparentes conformément aux dispositions du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la Cedeao, pose les jalons d’élections peu fiables et contestées. Notons que par cette décision, l’institution garante du respect de la constitution vient freiner l’élan des forces de l’opposition, initiatrices du projet d’abrogation de la loi 2009-10 de mai 2009 et remettre la Lepi en scelle dans la perspective des élections de 2011. DECISION DCC 10-049 DU 05 AVRIL 2010 La Cour Constitutionnelle, Saisie des requêtes : – du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 004-C/057/REC, par laquelle Monsieur le Président de la République, sur le fondement de l’article 121 de la Constitution, d’une part, sollicite le contrôle de conformité à la Constitution de la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) votée par l’Assemblée Nationale le 18 mars 2010 et d’autre part, demande de déclarer contraire à la Constitution la loi déférée ; – du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0534/058/REC, par laquelle Monsieur Rachidi GBADAMASSI, député à l’Assemblée Nationale, forme un « recours en inconstitutionnalité contre la loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi 2009-10 sur le RENA et la LEPI » ; – du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0546/059/REC, par laquelle Monsieur Karimou CHABI SIKA, député à l’Assemblée Nationale, forme « un recours contre la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 pour violation du préambule de la Constitution, puis violation des dispositions des articles 4, 35, 124 et 147 de la Constitution » ; – du 19 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0547/060/REC, par laquelle Monsieur Assouan C. Benoît DEGLA, député à l’Assemblée Nationale, forme un « recours en inconstitutionnalité » de la Loi n° 2010-12 votée par l’Assemblée Nationale le jeudi 18 mars 2010 ; – du 22 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 23 mars 2010 sous le numéro 0553/061/REC, par laquelle Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN forme un « recours en inconstitutionnalité contre la Loi n° 2010-12 votée par l’Assemblée Nationale » ; – du 23 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0558/ 062/REC, par laquelle le parti Mouvement Espoir du Bénin (MEsB) représenté par Monsieur Martin AGOULOYE, son Secrétaire Général, forme un recours en inconstitutionnalité de l’abrogation de la Loi n° 2009-10 … relative au Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) ; – du 24 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 0565/064/REC, par laquelle Monsieur Thomas C. AHINNOU, député à l’Assemblée Nationale, forme un recours « en inconstitutionnalité contre la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 organisant le Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) ; – du 21 mars 2010 enregistrée à son Secrétariat le 26 mars 2010 sous le numéro 0583/066/REC, par laquelle Monsieur Taïo AMADOU, député à l’Assemblée Nationale, défère à la Haute Juridiction, pour inconstitutionnalité, la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée ; VU la Constitution du 11 décembre 1990 ; VU la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant Loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ; VU le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ; Ensemble les pièces du dossier ; Ouï Monsieur Bernard Dossou DEGBOE en son rapport ; Après en avoir délibéré, Considérant qu’au soutien de sa demande de déclarer contraire à la Constitution la loi déférée en contrôle de conformité à la Constitution, Monsieur le Président de la République expose : «1 °) Remise en cause du principe constitutionnel de la transparence. II est unanimement acquis que la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) est un instrument de garantie d’élections transparentes et sincères. L’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 remet en cause le souci de transparence et la sincérité qui a guidé son vote. La reconnaissance de la transparence par les décisions DCC 34-94 du 23 décembre 1994, DCC 00-78 du 07 décembre 2000 et DCC 01-011 du 12 janvier 2001 comme principe à valeur constitutionnelle n’est pas sans conséquence sur le législateur. C’est une obligation, sauf à encourir une censure à laquelle le législateur ne devra point se soustraire. II en résulte qu’en abrogeant totalement la loi censée garantir ces deux principes constitutionnels de transparence et de sincérité, l’Assemblée Nationale a violé la Constitution. 2°) Remise en cause d’un acquis démocratique En votant la loi sur la LEPI, le législateur béninois a fait réaliser un bond qualitatif au processus électoral dans notre pays. En effet, jusqu’à la promulgation de la Loi 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée, les élections au Bénin se déroulaient sur la base des listes manuscrites confectionnées par la GENA à chaque élection de façon artisanale, dans un délai extrêmement court, rendant ainsi impossible toute vérification de leur fiabilité, ce qui nourrit la fraude en aval. L’inscription des électeurs était une source majeure d’irrégularités que la Cour Constitutionnelle a toujours relevées à chaque élection (inscriptions multiples, inscriptions de mineurs, inscriptions fictives, inscriptions d’étrangers, inscriptions de personnes inéligibles à la qualité d’électeurs etc.). Ces fraudes massives étaient du reste contraires aux principes de la transparence et de la fiabilité garantis par les articles 4 et 5 des protocoles de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. . S’il n’est pas contesté que le législateur est libre d’abroger, modifier une loi antérieure ou y déroger, il ne saurait pour autant remettre en cause un acquis démocratique. Le législateur ne peut modifier ou abroger les dispositions d’une loi protectrice et garante de l’Etat de droit démocratique qu’en améliorant, en renforçant les principes de transparence et de fiabilité et non les restreindre ou les supprimer. Par conséquent, l’abrogation qui fait disparaître totalement la loi sur la LEPI entraîne du coup la disparition subséquente des principes de garantie démocratique sus-énoncés. 3 °) Remise en cause des engagements internationaux Suite à la décision de conformité et à la promulgation de la Loi 2009-10 qui s’en est suivie, mon gouvernement, avec le concours des partenaires étrangers, a réussi à mobiliser d’importantes ressources financières pour sa mise en œuvre. Cette loi connaît sa phase active d’application avec les différentes opérations déjà engagées par la CPS et la M1RENA. De même, le processus d’appropriation des différentes dispositions de ladite loi engagé par la plupart des Institutions de la République, les partenaires étrangers, les médias, les organisations de la société civile etc. … se trouve anéanti par l’effet de cette abrogation. Conformément à l’article 41 alinéa 2 de la Constitution, le Président de la République est garant “…des traités et accords internationaux”. Par cette abrogation, il est porté atteinte à la disposition de l’article 41 alinéa 2 sus-énoncée » ; qu’il demande en conséquence à la Haute Juridiction de déclarer la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la LEPI contraire à la Constitution en ce qu’elle viole les principes constitutionnels sus évoqués ; Considérant que Monsieur Rachidi GBADAMASSI expose quant à lui : «La Loi soumise à votre examen est contraire à la Constitution en ce qu’elle remet en cause le principe de transparence, une avancée démocratique ainsi que les engagements internationaux pris par le Bénin ; I) La remise en cause du principe de transparence La transparence est un principe à valeur constitutionnelle, conformément à une jurisprudence bien établie. En effet, par décisions DCC 00-78 du 7 décembre 2000 et DCC 01-011 du 12 janvier 2001 relatives aux modalités de désignation par les députés, la Cour a jugé “qu’il faut tenir compte de la configuration politique pour assurer la participation de toutes les forces politiques représentées à l’Assemblée Nationale et pour garantir la transparence… “. La Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI, votée en toute responsabilité et connaissance de cause dans sa large majorité, constitue un instrument de garantie de fiabilité des élections. Elle apporte plus de transparence au processus électoral au Bénin. Son abrogation porte atteinte au principe constitutionnel de transparence. De ce chef, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution. II) La remise en cause d’une avancée démocratique Dans sa fonction législative, l’Assemblée nationale est souveraine. II lui est loisible de voter, de modifier ou d’abroger toute loi. Mais le législateur ne saurait exercer sa fonction législative souveraine sans respecter la Constitution, en remettant en cause une avancée et un acquis démocratiques. La Juridiction constitutionnelle peut déclarer contraire à la Constitution une nouvelle loi pour la simple raison qu’elle ne maintient pas les garanties issues de règles qui existaient dans un texte ancien que la nouvelle loi modifie, remplace ou abroge. Cette jurisprudence de 1′”effet-cliquet” inaugurée par le Conseil constitutionnel français n’admet des modifications à ces garanties que dans le sens d’une plus grande et meilleure protection. Le législateur ne peut donc les modifier ou les abroger que pour accroitre les avancées démocratiques et non pour les restreindre. Ainsi, la “roue” des garanties démocratiques comporte un “cliquet” qui l’empêche de revenir en arrière. Le simple vote de la Loi sur le RENA et la LEPI est une avancée et un acquis démocratiques. La simple abrogation de ladite Loi, c’est-à-dire sa suppression pour l’avenir, est une remise en cause d’un acquis démocratique, et par conséquent du principe à valeur constitutionnelle de transparence. Si votre Juridiction déclare la Loi sous examen conforme à la Constitution, le RENA et la LEPI n’auraient aucune existence légale. Ce qui constituera un vide juridique en attendant le vote hypothétique et éventuel d’une autre loi modificative. L’abrogation de la Loi sur le RENA et la LEPI et la promesse d’une éventuelle loi modificative reposent sur un hiatus : comment peut-on modifier une loi déjà abrogée ? En tout état de cause, votre Juridiction n’est saisie que de la Loi du 18 mars portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI. Par conséquent, votre Juridiction n’est saisie que de la Loi abrogative et doit s’en tenir à la situation juridique consécutive à l’abrogation. De ce chef, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution. ni) La remise en cause des engagements internationaux Le vote de la Loi sur le RENA et la LEPI a conduit le Gouvernement béninois à s’engager auprès des institutions internationales et des partenaires au développement qui ont financé le processus de réalisation. Si le processus devait s’arrêter, le Gouvernement béninois n’honorerait pas ses engagements. Ce qui remettrait en cause la “parole” du chef de I ‘Etat vis-à-vis des institutions internationales et des partenaires au développement. Or, le Président de la République est garant, conformément à l’article 41 alinéa 2 de la Constitution, des traités et accords internationaux. Par conséquent, la Loi du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi 2009-10 sur le RENA et la LEPI doit être déclarée contraire à la Constitution de ce chef » ; Considérant qu’en ce qui le concerne, Monsieur Karimou CHABI SIKA expose : « … A- Sur la violation de l’article 35 de la Constitution S’il est incontestable que la prérogative première d’un député est de voter la loi, il y a cependant lieu d’observer que l’usage abusif de ce droit peut être sanctionné par la Cour Constitutionnelle. En l’espèce, le vote émis par les députés le 18 mars 2010 viole les dispositions de l’article 35 de la Constitution aux termes desquelles “les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun”. En effet, pour soutenir l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, les députés ont argué de ce que : “1. La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI n’a pas été “mise à même d’assumer ses fonctions légales, la Commission Politique “de Supervision (CPS) s’étant substituée à elle ; “2. Les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie significative “de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans “un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans “écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du “Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un “instrument à son service exclusif; “3. Les dérives de la CPS, totalement en marge de la lettre et de l’esprit “de la loi et qui traduisent une volonté de passage en force, ont “engendré une forte résistance de la part de la plupart des “Commissions Communales de Supervision (CCS), compromettant du “coup la réussite de l’élaboration d’une LEPI crédible”. De façon claire, trois principaux motifs ont été allégués à l’appui de la proposition de loi abrogative. Selon les députés : – la CPS se serait substituée à la MIRENA ; – la CPS serait restée insensible aux multiples réactions et suggestions d’une certaine classe politique ; – les dérives de la direction de la CPS seraient en marge de la lettre et de l’esprit de la loi. Sans préjuger de l’effectivité ni de la pertinence de tous ces griefs, force est de constater qu’ils ne se rapportent qu’à la manière dont la CPS et sa direction assument les attributions que la loi leur a conférées. Ce faisant, si ces griefs étaient avérés, ils appelleraient à la limite, non pas une abrogation de la loi, mais plutôt sa modification par des dispositions nouvelles destinées à préciser et/ou limiter les attributions de la CPS. Le devoir d’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté la fonction politique imposé par l’article 35 de la Constitution exige une approche concrète et objective ; tout subjectivisme et absence de preuve éloignent manifestement de la conscience, de la compétence, de la probité, du dévouement et de la loyauté puis confinent en un abus. Tel est malheureusement le grief qu’il convient de faire aux députés qui ont usé de leur droit de vote des lois que leur confère la Constitution pour poser un acte contraire à la finalité assignée par le créateur du droit et à l’esprit de la Constitution. II y a manifestement dans l’expression de leur vote, un abus de droit, en l’espèce, un dépassement des limites de leurs prérogatives de législateur parce que ledit vote est anormalement disproportionné et contraire aux finalités qu’auraient dû appeler les arguments développés. II s’ensuit que ce sont d’autres considérations qui ont présidé au vote du 18 mars 2010 et, fatalement, les députés ont ainsi manqué à leur obligation de ”loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun” que leur prescrit l’article 35 de la Constitution du 11 décembre 1990. La Haute Cour devra en conséquence les sanctionner en déclarant leur vote et la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 contraires à la Constitution. B- Sur la violation de l’article 124 de la Constitution L’article 124 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 dispose que “les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours”. La Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée a été soumise au contrôle de constitutionnalité puis a été déclarée conforme à la Constitution suivant décision DCC n° 09-063 du 13 mai 2009. Elle est donc applicable et n’est plus susceptible d’aucun recours. Au regard de l’exposé des motifs rappelés ci-dessus, la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 participe d’une fraude à la loi constitutionnelle visant à remettre en cause la décision DCC n° 09-063 du 13 mai 2009. En conséquence, déclarer cette loi abrogative conforme à la Constitution, reviendrait à : annihiler tout le sens et la force conférée par l’article 124 ci-dessus cité aux décisions de la Cour constitutionnelle ; donner sa caution à la tentative de remise en cause de l’ordre constitutionnel établi, c’est-à-dire avaliser un véritable coup d’Etat constitutionnel. II sied donc de dire que de ce chef également, les députés, en votant la Loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010, ont violé la Constitution. C- Sur la violation de l’article 147 de la Constitution La Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée est une loi spéciale qui traduit la volonté nationale et internationale de doter le Bénin d’un outil de développement. II a été rappelé ci-dessus que notre pays est engagé dans ce processus avec des partenaires techniques et financiers qui ont déjà exécuté, sur la base de la Loi n° 2009-10 suscitée, leur part d’obligation à hauteur de la somme de 29 696 769 $ US soit en contre partie F CFA 13 908 570 851. Or, l’article 147 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose que “les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie”. II s’ensuit que mettre à néant la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 constituerait une violation de l’article 147 ci-dessus puisque “l’autre partie”, c’est-à-dire le cocontractant de l’Etat béninois qu’est la communauté internationale représentée par le PNUD, a déjà mis en application les conventions signées. Par ailleurs l’article 5 du Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO auquel le Bénin est astreint de par la ratification du traité de la CEDEAO signé à Cotonou le 24 juillet 1993 dispose que “les listes électorales sont établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de besoin”. Dans la même veine, l’article 4 dudit Protocole prescrit à chaque Etat membre de “s’assurer de l’établissement d’un système d’état civil fiable et stable” et de mettre en place un état civil central. Tel est justement l’objet de la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée. En d’autres termes, la loi dont l’abrogation est sollicitée n’est qu’une parfaite opérationnalisation du Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO en ce sens qu’elle contient des dispositions permettant d’obtenir un fichier électoral fiable et sécurisé, un état civil central stable et fiable ainsi que l’exige ledit Protocole. Ne pas censurer la loi abrogative, c’est autoriser alors les députés à violer le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO et par conséquent l’article 147 de la Constitution qui consacre la suprématie de la norme supranationale sur la norme juridique nationale. D- Sur la violation du préambule et de l’article 4 de la Constitution La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 met en relief dans son préambule l’attachement de notre peuple aux principes de la démocratie et des droits de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations-Unies de 1945, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée en 1981 par l’OUA puis ratifiée par le Bénin le 20 janvier 1986. II s’ensuit donc que l’ensemble des dispositions de ces textes internationaux font partie intégrante de la Constitution béninoise et ont une valeur supérieure à la loi interne. Au nombre des droits fondamentaux de l’Homme, figure en bonne place le droit de vote. Le vote constitue en soi un des fondamentaux des principes de la démocratie ; ce faisant, exprimer son vote de manière claire, dans la transparence, est essentiel pour le citoyen ce d’autant que l’article 4 de la Constitution du 11 décembre 1990 édicté que le ‘peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum.”- II est donc indispensable pour le législateur de prendre des mesures visant à traduire fidèlement la volonté du peuple exprimée au moyen du vote. Cela suppose en amont que la liste électorale soit fiable, crédible et sincère. C’est justement pour favoriser l’exercice de ce droit fondamental réclamé et acquis depuis lors que la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée a été votée. II va sans dire que la lettre et l’esprit de cette loi sont dans une dynamique positive de promotion des droits garantis et protégés par la Constitution. Grâce à cette loi, le citoyen béninois a acquis le droit essentiel et important de se faire dénombrer, de se faire identifier, de se faire recenser puis de voter, sans aucun risque d’erreur portant sur sa personne, pour le choix de ses représentants chargés d’exercer en son nom et pour son compte la souveraineté dont il est le seul détenteur. La loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 vient lui retirer ce droit acquis et dans ce sens, elle constitue un recul par rapport aux acquis conférés par le préambule de la Constitution en même temps qu’elle empêche l’exercice efficace par le peuple de sa souveraineté conformément aux dispositions de l’article 4 de la Constitution. Sous cet aspect, la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010 est contraire à la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 » ; qu’il conclut : « au bénéfice de ces observations, je prie la Haute Cour de dire que les députés, en votant la loi abrogative n° 2010-12 du 18 mars 2010, ont violé la Constitution et que cette loi également est contraire à la Constitution béninoise du 11 décembre 1990» ; Considérant que Monsieur Assouan C. Benoît DEGLA expose quant à lui : « Je vous prie … de déclarer cette loi contraire à la Constitution en ce que : – la session extraordinaire au cours de laquelle elle a été votée est viciée ; – elle est basée sur un exposé des motifs qui abuse du droit de législateur ; – elle s’oppose à l’exercice de la souveraineté du peuple béninois et vise à consacrer l’opacité de la liste électorale au mépris du principe de fiabilité et de transparence consacré par le Protocole A/SP1/12/O1 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO ; I- SESSION EXTRAORDINAIRE VICIEE 1.1. Rappel des faits L’honorable TIDJANI SERPOS, député à l’Assemblée nationale et vingt trois autres de ses collègues ont déposé le 28 décembre 2009 sur le Bureau du Président de l’Assemblée nationale, la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée en date du 28 décembre 2009 et enregistrée sous le numéro 2243 … Suite à ce dépôt de proposition de loi, une demande de convocation de session extraordinaire en date du 20 janvier 2010 a été déposée le même jour et enregistrée sous le n° 137… avec ordre du jour: étude et adoption de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée . Le 26 janvier 2010, sous le numéro 0108, une autre demande de convocation de session extraordinaire a été déposée par les mêmes députés sur le même ordre du jour à savoir : étude et adoption de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée… La première demande de session extraordinaire a été étudiée à la Conférence des Présidents tenue le mardi 26 janvier 2010 au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo … II ressort clairement du compte rendu de la réunion de cette Conférence des Présidents que certaines signatures portées sur la demande de convocation de session extraordinaire… sont irrégulières. C’est d’ailleurs pour couvrir cette irrégularité que les mêmes députés ont introduit le 26 janvier 2010 une autre demande sur le même objet… Malheureusement pour eux, même la deuxième demande de convocation de session extraordinaire … qui était supposée corriger les irrégularités de la première demande comporte aussi des signatures falsifiées. En effet, la seconde demande a été signée deux fois par l’honorable AHLONSOU Amoudatou, avec deux signatures différentes… 1.2. Sur le fondement juridique d’une demande de session extraordinaire L’article 5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose : “Conformément à l’article 88 de la Constitution, l’Assemblée nationale est convoquée en session extraordinaire par son Président sur un ordre du jour déterminé, à la demande du Président de la République ou à la majorité absolue des députés”. Dans le cas en discussion, si l’on admet que la première condition (un ordre du jour déterminé) est remplie, il est établi que la seconde condition (à la majorité absolue des députés) ne paraît pas remplie en raison de quelques irrégularités constatées au niveau des signatures recueillies de telle sorte que le quorum requis pour la demande de convocation d’une session extraordinaire n’est pas atteint. En effet, de- mes investigations personnelles, il a été établi que des députés absents du territoire national ont eu leurs noms et signatures portés sur la première demande. On peut citer les noms des députés comme Georges BADA et Augustin AHOUANVOEBLA. D’autres signatures, selon les déclarations du Président de l’Assemblée nationale aussi bien en plénière qu’en Conférence des Présidents ne sont pas conformes. En conclusion, les irrégularités ainsi relevées mettent en doute la majorité absolue exigée par le Règlement intérieur, puisque plus d’une dizaine de signatures sont concernées, ramenant ainsi à 34 au lieu de 42 au moins, le nombre de députés signataires de la demande de convocation de la session extraordinaire qui a conduit à l’adoption le jeudi 18 mars 2010 de la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée. La convocation de cette session est donc viciée ; ce qui constitue une violation des articles 35 et 88 de la Constitution et de l’article 5 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. II- DES VIOLATIONS DE LA CONSTITUTION 2.1. De l’opposition à l’exercice de la souveraineté du peuple L’article 3, alinéa 1er de la Constitution dispose : “La souveraineté nationale appartient au Peuple. Aucune fraction du Peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice”. L’article 4, alinéa 1er de la Constitution dispose : “Le Peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum. Les conditions de recours au référendum sont déterminées par la présente Constitution et par une loi organique”. Depuis l’adoption en 1990 de la Constitution de la République du Bénin, il n’a toujours pas été possible au Peuple, comme le dispose notre Constitution, d’exercer sa souveraineté par voie de référendum. La loi organique prévue à l’article 4 de la Constitution n’existe toujours pas, après vingt années de vie démocratique sous l’empire de cette Constitution. De fait, le législateur béninois prive son Peuple de l’exercice de sa souveraineté par voie directe. II ne lui reste que la voie de souveraineté indirecte. La seule voie qui reste possible au Peuple béninois pour exercer sa souveraineté est celle de la souveraineté par ses représentants élus. Mais la condition sine qua non de l’exercice effectif de cette souveraineté indirecte, reste le choix de ses représentants élus par l’organisation des élections de manière honnête et transparente. Une élection ne peut pas être honnête et transparente sans une liste électorale établie de manière transparente et fiable, c’est-à-dire une liste électorale permanente informatisée (LEPI). L’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI) rétablit de facto le cadre légal des listes électorales manuscrites périodiques (LEMP). Les listes électorales manuscrites périodiques sont établies avant chaque élection, dans un délai extrêmement court, rendant ainsi impossible toute vérification de leur fiabilité, ce qui nourrit la fraude en aval. L’inscription des électeurs était une source majeure d’irrégularités que la Cour Constitutionnelle a toujours relevée à chaque élection (inscriptions multiples, inscriptions de mineurs, inscriptions fictives, inscriptions d’étrangers, inscriptions de personnes inéligibles à la qualité d’électeurs, etc…). Accepter donc l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 telle que l’a votée la Représentation Nationale serait une constitutionnalisation de la fraude électorale et par ricochet un déni d’exercice effectif de droit de souveraineté indirecte. II se déduit de tout ce qui précède, que l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 viole les articles 3 et 4 de la Constitution. 2.2 Du droit d’électeur factice L’article 6 de la Constitution dispose : “Le suffrage est universel, égal et secret Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux béninois des deux sexes, âgés de dix huit ans révolus, et jouissant de leurs droits civils et politiques”. Dans nos lois électorales, en situation d’absence de document d’état civil, les requérants sont inscrits sur listes électorales manuscrites périodiques (LEMP) sur la base de témoignage du Chef de village ou du Chef de quartier de ville ou son représentant. La pratique a prouvé que ces dispositions légales qui régissent le témoignage sont factices. Elles ne sont pas appliquées pour diverses raisons connues dont la difficulté voire l’impossibilité à un Chef de village ou à un Chef de quartier de ville de connaitre, pour pouvoir témoigner, tous les citoyens béninois vivant sur son territoire. Or, en plus des autres conditions que pourrait fixer la loi pour être électeur, la Constitution en son article 6 a fixé quatre conditions : 1- Etre de nationalité béninoise ; 2- Etre âgé de dix huit ans révolus ; 3- Jouir de ses droits civils ; 4- Jouir de ses droits politiques. De ce point de vue, toute loi qui contribue à l’effectivité de la mise en œuvre de ces quatre conditions constitutionnelles est une avancée démocratique qui établit une sécurité juridique. Dans un pays à population majoritairement analphabète comme le Bénin, toute avancée juridique allant dans le sens de la promotion de l’Etat de droit doit être protégée par la Cour Constitutionnelle. La Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée contient des dispositions qui constituent une avancée dans l’établissement de l’état civil nécessaire à la production de listes électorales fiables et transparentes. II est utile dans ce cens, de rappeler les articles 4, 7, 25, 26 et 64 de la Loi n° 2009-10. L’article 4 de la Loi n° 2009-10 dispose : “La liste électorale permanente informatisée fait l’objet d’un apurement, d’une mise à jour régulière de ses données constitutives et d’une révision globale à périodes régulières. • Les opérations d’apurement concernent : 1- La rectification des erreurs matérielles ; 2- La radiation suite aux décès, aux décisions issues des recours, aux émigrants non enregistrés dans les ambassades et consulats ou aux conséquences du déboulonnage. • La mise à jour porte sur : 1- L’intégration des électeurs ayant atteint l’âge de voter, des électeurs naturalisés au cours de l’année et des électeurs immigrants en République du Bénin au cours de l’année et remplissant les conditions requises pour être électeurs ; 2- Le transfert de résidence principale ou de domicile, le changement de lieu d’affectation pour les électeurs assignés à une résidence obligatoire, l’émigration d’électeurs enregistrés auprès d’une ambassade ou consulat de la République du Bénin. • La révision globale consiste en une opération de renouvellement et de réactualisation des données tous les dix ans”. Les informations qu’il est permis de collecter dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 7 de cette loi couvrent largement tous les besoins en matière d’établissement des documents d’état civil. L’article 24 relatif à la cartographie censitaire apporte une innovation majeure: l’attachement de chaque électeur à un ménage. II ne saurait y avoir sur la liste électorale permanente informatisée de nationaux béninois tels que dispose l’article 6 de la Constitution sans que l’on ne puisse les identifier par leur ménage, donc leur résidence ou domicile. Sur les listes électorales manuscrites périodiques, les nationaux béninois sont sans domicile fixe “SDF”, ce qui entretient et facilite l’inscription de nationaux béninois fictifs. Le même article a prévu l’enregistrement des coordonnées GPS des bureaux et centres de vote. Cette mesure permet désormais une traçabilité des bureaux et centres de vote que les protagonistes du système politique peuvent vérifier à loisir. En d’autres termes, si un bureau ou un centre de vote existe, n’est donc pas fictif, c’est que l’on peut le retrouver de par sa position géographique sur le globe terrestre (le GPS étant connu pour déterminer la position des objets situés sur la terre avec une précision de l’ordre du centimètre). L’article 25, contrairement aux lois électorales appliquées depuis le renouveau démocratique, introduit un autre mode de témoignage, le témoignage fait par le Chef de ménage. De même, le même article introduit le numéro de ménage. Cette numérotation de tous les ménages du pays apporte un important renforcement à la transparence de la liste électorale. En effet, l’article 25 de la loi dispose que : “… II s’effectue sur présentation d’un document d’état civil : carte nationale d’identité, carte d’identité militaire, passeport, acte de naissance ou jugement supplétif, Livret de pension civile ou militaire, carte consulaire, livret de famille. En cas d’absence d’un document d’état civil, le recensement se fait sur simple déclaration sur l’honneur de l’individu et sur témoignage du chef de la concession ou du ménage ou de leur représentant. Le cas échéant, l’intéressé signe ou appose son empreinte digitale sur le formulaire de déclaration sur l’honneur et de témoignage. – numéro du ménage ; » L’article 26 dispose que : II permet • de capturer la photo ; • de capturer les empreintes digitales des deux mains ; • d’enregistrer des informations alphanumériques complémentaires à savoir : • la couleur des yeux ; • la couleur des cheveux ; • le teint ; • les signes particuliers (cicatrices et autres) ; • la taille. Nul ne peut être enregistré plus d’une fois. ‘. L’article 26 prévoit la capture des photos numériques. La photo servira à la fabrication des cartes d’électeurs. Les listes électorales vont contenir les données alphanumériques mais aussi les photos de chaque électeur. II est évident que, même pour des citoyens analphabètes, la photo deviendra un moyen de détection de fraude. L’enregistrement des empreintes digitales permet d’assurer le déboulonnage. L’état actuel de la technologie biométrique permet de détecter les inscriptions multiples avec une précision allant de l’ordre d’une erreur de faux doublon sur une population de cent milliards de personnes. Pour donc la population béninoise qui avoisine huit millions (en ajoutant les enfants de 0 à 8), on peut espérer que c’est la fin des inscriptions multiples ou fictives. De tout ce qui précède, il est établi à suffisance, que la LEPI n’est pas seulement un instrument de transparence dans la confection de listes électorales, mais c’est aussi un outil qui permet d’assurer, à terme, l’établissement d’un système d’état civil fiable et stable. C’est à cette condition que l’on assure le respect des normes juridiques édictées par l’article 6 de la Constitution. Eu égard à tout ce qui précède, l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 s’oppose à l’application effective des dispositions de l’article 6 de la Constitution. Elle veut maintenir factices les normes édictées par la Constitution relatives au droit d’électeur. Cette abrogation est donc contraire à la Constitution. 2.3. De l’abus du droit de législateur La proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, du Député Isrriail TIDJANI -SERPOS et 23 autres députés pose des problèmes de fond. En effet, l’article 74.7. alinéa 1 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose : “Les projets de lois, propositions de lois et les propositions de résolution doivent être formulés par écrit, précédés d’un titre succinct et d’un exposé des motifs”. Si cette initiative parlementaire ne pose pas de problème de forme, elle ne manque pas de poser de sérieux problèmes de fond. En effet, l’alinéa 1 de l’article 74.7 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale montre bien que l’exposé des motifs fait partie intégrante de l’initiative d’une loi. C’est lui qui permet d’articuler l’argumentaire pour justifier et convaincre quant à l’utilité et à la pertinence d’une loi. De l’avis d’observateurs extérieurs de l’évolution du système politique béninois, l’idée se dégage que depuis l’avènement du renouveau démocratique, après l’historique conférence des forces vives de la Nation, c’est la réalisation de la LEPI qui se profile à l’horizon comme événement phare susceptible d’avoir à nouveau un retentissement de portée régionale voire internationale. Dans le contexte politique béninois, la LEPI est comme une révolution. Un contexte marqué par le paradoxe béninois : une vie démocratique pluraliste qui s’enracine au fil des années en dépit des Listes Electorales Manuscrites Périodiques (LEMP), par essence frauduleuses. Cette opinion tient aussi au caractère original de notre LEPI (la liaison de l’électeur à son ménage par utilisation du système d’information géographique (SIG), la détermination des coordonnées planétaires des bureaux et centres de vote, la numérotation par identifiant unique national des ménages, l’utilisation de la photographie tant pour la production des cartes que des listes électorales, la détection des inscriptions multiples par l’utilisation de la technologie biométrique. Fort curieusement, après avoir reconnu que la LEPI est un instrument électoral très important, les auteurs de la proposition, dans leur exposé des motifs, déplorent des dysfonctionnements en trois points. Point 1 de l’exposé des motifs : “La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI, n’a pas été mise à même d’assumer ses fonctions légales, la Commission Politique de Supervision (CPS) s’étant substituée à elle”. Point 2 de l’exposé des motifs : “Les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie significative de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du Gouvernement qui préfère se comporter comme si la LEPI était un instrument à son service exclusif. Point 3 de l’exposé des motifs : “Les dérives de la direction de la CPS totalement en marge de la lettre et de l’esprit de la loi, et qui traduisent une volonté de passage en force, ont engendré une forte résistance de la part de la plupart des Commissions Communales de Supervision (CCS), compromettant du coup la réussite de l’élaboration d’une LEPI crédible”. ‘ Conclusion des motifs : “L’application de la Loi n° 2009-10 s’étant révélée dès le début de son application comme n’étant pas en mesure de générer le consensus nécessaire à la fiabilité de la LEPI, il y a Heu de l’abroger purement et simplement afin d’approfondir la réflexion pouvant aider à mieux baliser les conditions idoines pour doter notre pays d’une LEPI consensuelle qui soit un instrument électoral porteur de paix et de fiabilité”. Dans le préambule de la Constitution du Bénin, il est solennellement affirmé la détermination “de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste”. Cette détermination du peuple béninois devrait amener, si les motifs ci-haut cités étaient les véritables, les auteurs de la proposition de loi à recourir à l’arbitrage de la Cour constitutionnelle conformément aux dispositions de l’article 5 alinéa 1er de la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009. On a du mal à comprendre cette logique froidement exprimée dans l’exposé des motifs: “il y a lieu de l’abroger purement et simplement afin d’approfondir la réflexion”. Font-ils vraiment preuve de conscience, de probité et de loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun comme le prescrit l’article 35 de la constitution en abrogeant purement et simplement une loi aussi capitale pour notre jeune démocratie ? Ne peuvent-ils vraiment pas réfléchir sans devoir au préalable abroger purement et simplement la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009? Dans l’hypothèse que les organes prévus (CPS et MIRENA) par les articles 37 et 40 de la loi incriminée n’ont plus la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique, l’article 3 du protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO, indique clairement la voie légale pour obtenir une LEPI consensuelle. En effet, l’article 3 dudit protocole dispose : ‘les organes chargés des élections doivent être indépendants et/ou neutres, et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique. En cas de nécessité, une concertation nationale appropriée doit déterminer la nature et la forme desdits organes”. Le 09 mars 2010 au Palais de la Présidence de la République, une concertation nationale a eu lieu ayant permis d’amorcer l’évaluation de la mise en œuvre de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009. Cette concertation a débouché sur la mise en place d’un groupe de travail dont les travaux se poursuivent à ce jour. C’est dans ce contexte qu’est intervenue, contre toute attente, l’adoption de la Loi n° 2010-12 du 18 mars 2010 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du RENA et établissement de la LEPI. En agissant comme ils l’ont fait, les Honorables députés à l’Assemblée Nationale ayant émis un vote favorable pour l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai portant organisation du RENA et établissement de la LEPI, l’ont fait par abus de leur droit de législateur, ont violé l’article 35 de la Constitution et l’article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la bonne Gouvernance. III – CONCLUSION Au regard de tout ce qui précède, je sollicite qu’il plaise à la Cour Constitutionnelle de bien vouloir déclarer : – que les députés signataires de la demande de convocation de session extraordinaire du 20 janvier 2010 enregistrée sous le numéro 137 le 20 janvier 2010 ont violé l’article 5 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale et l’article 88 de la Constitution pour avoir usé de fausses signatures ; – que les initiateurs de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 ont abusé de leur droit de législateur en abrogeant la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du RENA et établissement de la LEPI ; – que les initiateurs de la proposition de la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 ont violé les articles 3 et 4 de la Constitution en s’opposant par leur vote favorable à l’exercice de la souveraineté du peuple ; – que les initiateurs de la proposition de la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 ont violé l’article 6 de la Constitution en entretenant la persistance du droit d’électeur factice, ce qui érode la consolidation de la Démocratie ; – que la Loi n° 2010-12 du 18 mars 2010 est contraire à la Constitution » ; Considérant que Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN expose de son côté : « Ce pourvoi d’un simple citoyen contre la loi est fondé sur l’article 3 alinéa 3 de la Constitution : “Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour Constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels”. En effet, la loi votée par l’Assemblée Nationale le 18 mars 2010 est anticonstitutionnelle parce que la loi qu’elle abroge et qui institue la LEPI concerne ‘le domaine sensible des libertés publiques, en particulier des élections honnêtes, régulières, libres et transparentes” : cf. la décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994 de la Cour Constitutionnelle et relative à la CENA. Parce qu’il s’agit “de libertés publiques”, j’estime que cela m’autorise à vous déférer cette loi » ; qu’il développe : « les considérations qui soutiennent la Décision de votre haute Institution en 1994 sont celles qui fondent aujourd’hui l’établissement d’une liste électorale permanente informatisée. Ainsi mutatis mutandis, l’on peut soutenir que ‘l’institution d’une LEPI se fonde sur les exigences de l’Etat de droit et de la démocratie pluraliste affirmées dans le Préambule de la Constitution du 11 Décembre 1990. Ainsi que l’ont précisé les Députés qui ont déposé la proposition de la loi portant abrogation de la loi sur la LEPI, le vote de la loi du 13 mai 2009 l’a été “à une large majorité traduisant la volonté de toute la classe politique de voir notre pays doté de cet instrument électoral très important. Mais alors sachant cela, pourquoi jugent-ils aujourd’hui nécessaire de faire disparaitre cet instrument permettant à notre peuple de contrôler leurs actions ? Pensent-ils qu’une loi n’est pas une chose si importante pour que, par des humeurs, on en vote ou on en abroge à sa guise ? Tel que les promoteurs de la loi abrogatoire l’ont indiqué, les raisons essentielles de leur acte résident dans le mauvais fonctionnement des organes techniques et politiques que les Députés eux-mêmes ont mis en place et dont ils ont choisi, élu et positionné les membres et les responsables. Ces dysfonctionnements, qui pouvaient être corrigés, ne peuvent en aucun cas justifier la procédure très grave qu’ils ont mise en œuvre et qui prive le peuple d’un instrument essentiel pour exercer sa souveraineté. En effet, selon l’article 21 alinéa 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : “…. la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté de vote”. Or, la LEPI est destinée à assurer cette liberté de vote et la transparence des élections étant donné que beaucoup de nos citoyens dignes ont eu à souffrir de certaines de nos élections qui manquaient véritablement de transparence. Ainsi, la mise en place d’une LEPI est “une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne. Elle permet d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté et la transparence des élections, de même de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques” » ; qu’il affirme : « L’Assemblée nationale manque à ses devoirs et obligations en abrogeant la Loi n°2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée. Elle prive du coup le peuple béninois de disposer d’un instrument qui a commencé à être mis en place, la LEPI, qui lui permet d’affirmer avec dignité et autorité sa souveraineté. Par ailleurs, un tel vote basé sur des considérations tout à fait subjectives et non de recherche de l’intérêt du bien commun, n’honore pas notre Assemblée aussi bien sur le plan national qu’international. Aussi convient-il de soutenir que la loi abrogatoire viole l’article 35 de notre Constitution : ‘les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun”. Compte tenu de la considération que le peuple accorde à ses élus, il est en droit d’attendre d’eux qu’ils posent des actes qui les grandissent et les honorent. Notre Assemblée Nationale étant composée de personnalités de haute qualité, on n’est pas en droit d’attendre d’une institution de ce genre d’avoir à poser des actes qui “sentent à vue d’œil un règlement de compte” et dépourvus de tout caractère constitutionnel» ; qu’il conclut : « J’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier de bien vouloir dire et déclarer inconstitutionnelle la Loi 2010 votée le 18 Mars 2010 par l’Assemblée Nationale et portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée » ; Considérant que le Parti Mouvement Espoir du Bénin, pris en la personne de son secrétaire général, Monsieur Martin AGOULOYE, expose en ce qui le concerne : «… La Liste Electorale Permanente Informatisée est le seul gage pour des élections crédibles et transparentes. L’absence de la LEPI a été la cause première des contestations des résultats des dernières élections communales et locales. Toutes les forces politiques s’accordent à reconnaître la nécessité de doter notre pays de cet instrument de transparence électorale » ; qu’il affirme : « Joignant l’acte à la déclaration, notre Représentation Nationale a voté la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 avec une majorité, toutes tendances confondues, de 78 députés sur les 83 que compte l’Assemblée Nationale. Dans ces conditions, tous vices de fond et de forme sont du coup écartés » ; qu’il ajoute : « Des engagements financiers ont été pris dans le cadre de la mise en œuvre de ladite loi. Les partenaires techniques et financiers dans le cadre des Accords Internationaux ont décidé d’accompagner cette mise en œuvre. L’arrêt du processus d’établissement de la LEPI compromet dangereusement la crédibilité de notre Etat auprès des Partenaires Internationaux » ; qu’il précise : « L’organisation des consultations électorales de 2011 sans la LEPI fera courir de gros risques à notre peuple quant à la sauvegarde de la paix et de la quiétude chèrement acquises » ; qu’il demande en conséquence à la Cour « de dire le droit et de déclarer inconstitutionnelle l’abrogation du reste sans fondement juridique, de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 relative au Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et à la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) » ; Considérant que pour sa part, Monsieur Thomas C. AHINNOU expose : « Par vote en date du jeudi 18 mars 2010, l’Assemblée Nationale, en session extraordinaire, a adopté la loi portant abrogation de la Loi 2009-10 organisant le recensement électoral national approfondi (RENA) et l’établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI). Cette loi abrogatoire avait été déposée par l’honorable Tidjani Serpos et vingt trois (23) autres députés. L’exposé de motifs fondant cette demande en abrogation se présente comme suit : “Dans la perspective de la réalisation d’une liste électorale permanente informatisée, la Loi n° 2009- 10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée a été votée à une large majorité traduisant la volonté de toute la classe politique de voir notre pays se doter de cet instrument électoral très important. Malheureusement, dès sa mise en application, cette loi a révélé de nombreux dysfonctionnements qui ne peuvent qu’entacher gravement la crédibilité de la LEPI qui en résulterait. On peut signaler à cet égard que : 1°_ La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI, n’a pas été mise à même d’assumer ses fonctions légales, la Commission Politique de Supervision (CPS) s’étant substituée à elle ; 2°_ Les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie significative de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un instrument à son service exclusif ; 3°_ Les dérives de la direction de la CPS, totalement en marge de la lettre et de l’esprit de la loi et qui traduisent une volonté de passage en force, ont engendré une forte résistance de la part des Commissions Communales de Supervision (CCS) compromettant du coup la réussite de l’élaboration d’une LEPI crédible. Il est constant que, dans tous les pays où la LEPI s’est réalisée efficacement, elle est apparue d’abord comme un instrument dont les caractéristiques essentielles ont été la transparence et la fiabilité fondées sur l’adhésion de l’ensemble de la classe politique en raison du consensus qui est à la base de son élaboration. L’application de la Loi n° 2009-10 s’étant révélée dès le début de son application comme n’étant pas en mesure de générer le consensus nécessaire à la fiabilité de la LEPI, il y a lieu de l’abroger purement et simplement afin d’approfondir la réflexion pouvant aider à mieux baliser les conditions idoines pour doter notre pays d’une LEPI consensuelle qui soit un instrument électoral porteur de paix et de fiabilité. Il ressort de l’analyse de cet exposé de motifs que la loi en elle-même n’a été dénoncée dans aucun de ses articles et que c’est beaucoup plus des procès d’intention qui sont faits à l’endroit du gouvernement ou des animateurs des structures de la LE PI. Au cours des travaux en commission, les initiateurs ont évoqué en outre la composition de la commission politique de supervision chargée de conduire les opérations de la LEPI et ont estimé que cette structure devait être composée pour moitié par l’opposition et pour moitié par la mouvance présidentielle. Or, la désignation des membres de la commission politique de supervision a été faite par tous les groupes parlementaires représentés à l’Assemblée. Manifestement, les initiateurs de la loi abrogatoire ne veulent pas de la mise en place de la LEPI et cherchent à tout prix à bloquer sa mise en œuvre en usant de subterfuges et en évoquant un consensus obligatoire à réaliser autour de la LEPI. Or, le vote de la loi portant organisation du recensement national et de l’établissement de la liste électorale permanente informatisée devait traduire en principe ce consensus. Au demeurant, avons-nous besoin d’une LEPI consensuelle ou d’une LEPI légale ? On peut aussi se poser la question de savoir ce qui aujourd’hui représente l’opposition et qui s’est déclaré de l’opposition ? Par ailleurs si un groupe de dix (10) députés se déclaraient de l’opposition, devrait-il avoir le droit de désigner la moitié des membres de la commission politique de supervision au détriment des soixante treize (73) autres députés restants ? Le consensus doit-il porter sur les détails ou sur les règles générales telles que les fonde la loi sur le recensement national et la liste électorale permanente informatisée ? Et l’absence de consensus sur les détails suffit-elle pour arrêter le processus ? Au vu de ce qui précède, qu’il plaise à la haute cour de constater et juger qu’il y a abus de pouvoir en violation du préambule de notre Constitution et que toute tentative pour bloquer, ralentir ou pervertir la mise en œuvre de la loi sur le recensement national et la liste électorale permanente informatisée doit être déclarée contraire à la Constitution. De plus, les débats tant en commission qu’en plénière, de même que l’exposé des motifs, ont montré le caractère partisan et des considérations inavouables de l’initiative de la loi abrogatoire. Certains signataires de cette loi, en commission, ont voté contre la demande d’abrogation ; et quand le changement à la tète de la CPS est intervenu, ils sont redevenus grands défenseurs de l’abrogation. Aux termes des dispositions de l’article 35 de la constitution, “les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun”. De ce fait aussi, qu’il plaise à la haute cour de dire et juger que les principes édictés par l’article 35 ci-dessus n’ont pas été respectés et qu’en cela, la loi abrogatoire elle-même doit être déclarée contraire à la Constitution » ; Considérant que de son côté, Monsieur Taïo AMADOU expose : « I-Des faits et des prétentions Les 16 et 18 mars 2010, la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme et la Commission de l’éducation, de la culture, de l’emploi et des affaires sociales se sont réunies pour revoir le contenu du rapport antérieurement soumis à l’examen de la plénière. Ce rapport est relatif à la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée. La proposition de loi concernée a été déposée par le député TIDJANI-SERPOS Ismaël et vingt trois (23) autres. Dans l’exposé des motifs, ils soutiennent que : “… malheureusement, dès sa mise en application, cette loi a révélé de nombreux dysfonctionnements qui ne peuvent qu’entacher gravement la crédibilité de la LEPIqui en résulterait. On peut signaler à cet égard que : 1- La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI n’a pas été mise à même d’assumer ses fonctions légales, la Commission Politique de Supervision (CPS) s’étant substituée à elle ; 2- Les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie significative de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un instrument à son service exclusif; 3- Les dérives de la direction de la CPS, totalement en marge de la lettre et de l’esprit de la loi qui traduisent une volonté de passage en force, ont engendré une forte résistance de la part de la plupart des Commissions Communales de Supervision (CCS), compromettant du coup la réussite de l’élaboration d’une LEPIcrédible ..,”, Les auteurs en concluent que : “l’application de la Loi n° 2009-10 s’étant révélée dès le début de son application comme n’étant pas en mesure de générer le consensus nécessaire à la fiabilité de la LEPI, il y a lieu de l’abroger purement et simplement afin d’approfondir la réflexion pouvant aider à mieux baliser les conditions idoines pour doter notre pays d’une LEPI consensuelle qui soit un instrument électoral porteur de paix et de fiabilité …”. Dans son développement, l’un des auteurs de la proposition de loi précise que “l’une des imperfections de la loi est relative au déséquilibre des différentes sensibilités composant la CPS”. A cet égard, il souhaiterait que la commission soit composée “moitié opposition, moitié mouvance” pour rétablir l’équilibre et suivre minutieusement le déroulement du processus d’établissement de la LEPI. II ajoute que cette approche permettrait d’en finir avec la pratique de répartition de postes selon la configuration politique de l’Assemblée Nationale qui s’applique sur les Groupes parlementaires o La présente requête tend à voir la Haute juridiction, déclarer le vote de la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, contraire à la Constitution et au Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale. II- Du détournement de pouvoir législatif De l’étude de l’exposé des motifs ainsi que du rapport de la Commission des lois, il ressort que les auteurs de la proposition d’abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, ont fondé leurs arguments sur de prétendues difficultés d’application de la loi, difficultés qu’ils estiment surtout liées au fonctionnement des organes directeurs de la LEPI. Par ailleurs, le rapport de la Commission des lois reprenant les assertions des auteurs de la proposition d’abrogation de la Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée indique : “L’une des imperfections de la loi est relative au déséquilibre des différentes sensibilités composant la CPS qui devait être composée, moitié opposition, moitié mouvance pour rétablir l’équilibre … Un co-auteur de la loi a fustigé la tentative du Gouvernement de tailler sur mesure une LEPI pour se maintenir au pouvoir. Mais cela ne justifie pas l’arrêt du processus par une abrogation de la loi. Une LEPI ! Certes OUI, mais pas à tout prix pour 2011. Un autre auteur conclut que la loi querellée relève de la responsabilité directe du parlement qui en a eu l’initiative, et non du Gouvernement. Par conséquent, il a l’obligation d’abroger le texte mal conçu pour ensuite proposer un nouveau qui corrigerait les imperfections relevées”. II est important de noter ici qu’à la date du 18 mars 2010, date d’abrogation de la loi sur le RENA et la LEPI, la direction de la CPS (querellée) avait été changée. La Cour constatera que le vrai motif de l’abrogation de la loi n’est pas celui dont on prend prétexte pour l’abroger. Les députés auteurs de la proposition de loi ayant abouti a l’abrogation ont abusé du pouvoir que la constitution leur a conféré. En effet, le détournement de pouvoir parfois assimilé à l’abus de droit se caractérise par l’exercice d’un pouvoir par une autorité pour un objet autre que celui en vue duquel elle a été conféré par la loi. La doctrine nous enseigne que le détournement de pouvoir peut intervenir dans trois cas au moins : en cas d’un acte administratif ou d’une loi étrangère à tout intérêt public ; dans l’hypothèse d’une loi ou d’un acte administratif pris dans un intérêt qui n’est pas celui pour lequel les pouvoirs nécessaires pour prendre l’acte ou la loi ont été conférés à son auteur ou encore en cas d’un détournement de procédure, dans lequel l’administration dissimule le contenu réel d’un acte sous une fausse apparence recourt à une procédure réservée à la loi à d’autres fins que celle qu’elle poursuit. S’il est reconnu aux députés le pouvoir de voter les lois et de les modifier, il ne leur est pas permis de les abroger pour la défense de simples intérêts particuliers. L’abrogation d’une loi est en général motivée par son caractère désuet, son incompatibilité avec l’évolution des mœurs, usages et coutumes de la société, ou la ratification de conventions internationales par un Etat. Or, la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi (RENA) et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) vient d’être votée pour les besoins et les nécessités de la loi électorale dont elle résulte. Cette loi a été prévue depuis 1999 et réaffirmée en 2001 par les lois électorales. L’on ne peut alors prétexter de dysfonctionnements constatés ou non et qu’on peut par ailleurs corriger, pour l’abroger. Le fait d’abroger cette loi prive ainsi la nation béninoise du seul outil de régulation des listes électorales avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir lors des prochaines élections. Depuis 1999 et à l’occasion de l’élaboration des différentes lois électorales, elle a été souvent évoquée et reconnue unanimement comme étant l’instrument approprié pouvant mettre un terme aux cas de fraudes constatées et qui font régulièrement l’objet de recours devant les juridictions habilitées. Dans sa Décision DCC 09-107 du 10 septembre 2009, la Cour Constitutionnelle béninoise a réaffirmé ce besoin permanent de la LEPI pour le peuple béninois en ces termes : “Considérant que depuis 1999 soit depuis dix (10) années, toutes les lois portant règles générales pour les élections en République du Bénin ont affirmé le principe de la LEPI et du RENA et en ont même fixé avec précision le contour général (Articles 9 à 29-10 bis de 2007 et de 2005) ; que la Loi n° 98-034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin précise en son article 11 : “Les listes électorales sont permanentes et si possible informatisées … “; que la Loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin est explicite en son article 11 : “Les listes électorales sont permanentes et informatisées … ” ; que la Loi n° 2005-14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin affirme en son article 4 : “L’élection a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée (LEPI). La liste électorale permanente informatisée est unique, nationale. Elle est une liste exhaustive avec photo de tous les citoyens en âge de voter et est issue d’un recensement électoral national approfondi… ” ; qu’il est à préciser que toutes ces lois depuis 1999 comportent des articles numérotés de 9 à 29 lois de 2007 et de 2005 et portant toutes précisions utiles sur la LEPI et le RENA …”. La Cour par cette décision a démontré la nécessité d’une loi sur la LEPI. Qu’est-ce qui peut alors justifier aujourd’hui l’abrogation de cette loi dont le vote est devenu obligatoire ? Quels faits de société nouveaux ou conventions internationales nouvellement ratifiées justifient cette abrogation ? II est important de rappeler que la loi sur le RENA et la LEPI a été adoptée par consensus après plusieurs reports, suspensions pour négociations entre les différentes sensibilités politiques de l’Assemblée Nationale. C’est donc une loi consensuelle qui a été votée pour la réalisation de la LEPI. Par ailleurs, il est important d’attirer l’attention de la Cour sur le fait que dans l’espace francophone, le Bénin reste le seul pays à ne pas avoir mis en place cet instrument tendant à la transparence des listes électorales. Cette situation ne pouvait perdurer et c’est à juste titre que le rapport de la Commission des juristes indépendants sur le système électoral du Bénin, après avoir relevé les insuffisances de notre système électoral dont le point nodal est l’inscription sur la liste électorale, a “vivement recommandé la réalisation de la liste électorale permanente informatisée avant les élections Législatives et présidentielles de 2011”. II est à relever que les vingt quatre députés n’ont, à aucun moment, pu indiquer les prétendus dysfonctionnements dont ils font état dans l’exposé des motifs de leur proposition d’abrogation de loi. II est donc évident que ce sont des intérêts personnels et des mobiles inavoués et inavouables qui ont motivé l’abrogation de la loi, ainsi que cela résulte du rapport de la Commission des Lois… Les députés ont ainsi détourné le pouvoir qui leur a été conféré par la Constitution car I’ abrogation de cette loi n’est pas de l’intérêt commun. – III- De la violation de l’article 35 de la Constitution L’article 35 dispose : “Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun”. En effet, outre la dignité des députés, il y a l’obligation qui leur incombe d’accomplir leurs fonctions de façon loyale dans le respect de l’intérêt général et du bien commun. Les députés doivent donc voter les lois ou les modifier dans le respect de l’intérêt de tous. Or, l’abrogation de la loi sur le RENA et la LEPI est l’expression particulière des intérêts exprimés par un groupe qui estime que la Commission Politique de Supervision de la LEPI n’est pas représentative des différentes sensibilités composant l’Assemblée Nationale. Ils proposent pour corriger ce prétendu déséquilibre qu’il y ait une commission paritaire composée “moitié opposition, moitié mouvance”. Ils estiment dans le rapport de la commission que “cette approche permettrait de finir avec la pratique de répartition de postes selon la configuration politique de l’Assemblée Nationale qui s’appuie sur les groupes parlementaires”. Comme on peut le constater, cette proposition de répartition n’est que le reflet des intérêts personnels d’un groupe de députés qui veulent à n’importe quel prix privilégier leurs intérêts personnels au sein des organes directeurs de la LEPI en ignorant sciemment la décision DCC 09-016 du 19 février 2009 de la Cour constitutionnelle qui a affirmé : “que la démocratie pluraliste ne saurait être de manière absolue et exclusive la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ; qu’en effet, si la règle démocratique exige que la majorité décide et que la minorité s’incline, dans l’exercice de ce pouvoir de décision, la majorité doit cependant s’imposer à elle-même, le cas échéant, une limite qu’elle ne saurait transgresser sous peine de devenir tyrannique, à savoir, le respect des droits de la minorité”. Outre l’autorité de la chose jugée ignorée par ce groupe de députés, les dispositions de l’article 124 de la Constitution qui indiquent que ‘les décisions de la Cour Constitutionnelle s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles” sont également violées. Le rapport de la commission reprenant les propos de certains députés indique en sa page 3 que “…. Le parlement a l’obligation d’abroger le texte mal connu pour ensuite proposer un nouveau qui corrigerait les imperfections relevées”. Ces affirmations corroborent des faits qu’il est nécessaire de porter à la connaissance de la Cour. En effet, dès la naissance de la loi dont l’abrogation a été votée, et conformément à la Décision DCC 09-107 du 10 septembre 2009, le député Ismaël TIDJANI-SERPOS, sur requête adressée à la Cour constitutionnelle, avait formé un recours en inconstitutionnalité de la Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée au motif que cette loi ne prévoit pas l’incidence financière des opérations qu’impliquent le RENA et l’établissement de la LEPI. Malgré l’adoption de la loi, le même député ainsi que vingt-trois autres de ses collègues ont présenté la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009. II apparaît donc que ces députés n’ont jamais été favorables à la mise en œuvre de cet important outil de transparence électorale dans notre pays et que tous les moyens sont et seront utilisés par eux pour l’empêcher. En abrogeant la loi sur le RENA et la LEPI, les députés ont réaffirmé leur opposition virulente à l’installation d’un outil de transparence et de pacification des élections, ignorant ainsi l’intérêt commun en violation des dispositions de l’article 35 de la Constitution. IV- Violation de l’article 147 de la Constitution L’article 147 dispose : “Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie”. Le Bénin a signé et ratifié le protocole A/SPI/12/01 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la Démocratie et la bonne Gouvernance. L’article 5 de ce traité international affirme que “Les listes électorales seront établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de besoin” et l’article 6 précise que “L’organisation, le déroulement des élections et la proclamation des résultats s’effectueront de manière transparente”. Le protocole sur la Démocratie et la bonne Gouvernance impose aux Etats membres de mettre en application les règles de transparence et de fiabilité dans l’établissement des listes électorales. Le financement de la LEPI par les bailleurs de fonds étrangers suite au vote de la loi 2009-10 portant organisation du RENA et établissement de la LEPI doit s’analyser comme un engagement pris par le Bénin de faire réaliser ce projet, faute de quoi, il se trouverait en porte-à-faux avec lesdits bailleurs de fonds et le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. En abrogeant la loi sur l’organisation du RENA et l’établissement de la LEPI, les députés ont violé l’article 147 de la Constitution qui accorde une primauté aux conventions internationales ratifiées par le Bénin sur les lois internes. V- Violation des articles 98 et 100 de la Constitution Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi portant abrogation de la Loi 2009-10, il est notamment affirmé que : “1- La MIRENA, organe technique de réalisation de la LEPI, n’a pas été mise à même d’assumer ses fonctions légales, la Commission Politique de Supervision (CPS) s’étant substituée à elle ; 2- les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie significative de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un instrument à son service exclusif ; 3- les dérives de la direction de la CPS, totalement en marge de la lettre et de l’esprit de la loi qui traduisent une volonté de passage en force, ont engendré une forte résistance de la part de la plupart des Commissions Communales de Supervision (CCS), compromettant du coup la réussite de l’élaboration d’une LEPI crédible …”. Or, le rapport de la Commission des Lois a indiqué qu’il ressort des explications reçues que “c’est plutôt l’application de la loi qui pose problème et non son contenu”. La Cour constatera donc que la loi querellée a été votée sans qu’aucun dysfonctionnement sérieux n’ait été avancé ; que, seuls de prétendus problèmes de l’application de la loi ont servi de prétexte à l’abrogation de ladite loi. Les problèmes d’application de la loi en principe sont du domaine du règlement ainsi que l’affirme l’article 100 de la Constitution qui indique : “Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire…”» ; qu’il demande en conséquence à la Cour de dire et juger que : 1- l’Assemblée Nationale, en envisageant d’autres modalités de désignation pour fonder l’abrogation et la prise d’une nouvelle loi, a violé l’autorité de la chose jugée par votre Cour ; 2- les délibérations du 18 mars 2010 sont nulles et de nul effet pour violation des articles 35, 98, 100 ,147 de la Constitution et le Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance ; Considérant que les requérants ont annexé à leurs requêtes les pièces ci-après : 1- Décret n° 2003-264 du 31 juillet 2003 portant ratification du Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. 2- Protocole d’Accord entre le Programme des Nations Unies pour le Développement et le Gouvernement de la République du Bénin, fait à Cotonou le 12 juin 2009. 3- Projet d’Appui pour la Liste Electorale Permanente et Informatisée (LEPI) au Bénin intervenu entre le Bénin et le PNUD le 15 septembre 2009. 4- Accord de participation aux coûts de tierces parties entre le Gouvernement du Bénin et le Programme des Nations Unies pour le Développement (le PNUD). , 5- Tableau des contributions projet d’appui à la réalisation de la LEPI. 6- Proposition de loi portant abrogation de la loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, datée du 28 décembre 2009. 7- Demande de convocation de session extraordinaire datée du 20 janvier 2010. 8- Demande de convocation d’une session extraordinaire datée du 22 janvier 2010. 9- Compte rendu de la Réunion du mardi 26 janvier 2010 de la Conférence des Présidents ; Considérant qu’en réponse à diverses mesures d’instruction diligentées par la Haute Juridiction, celle-ci a reçu le compte rendu intégral des débats parlementaires de la séance du 18 mars 2010 relatif à l’examen de la proposition de la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant recensement électoral national approfondi (RENA) et établissement de la liste électorale permanente informatisée, la proposition de loi modifiant et complétant la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée, déposée le mercredi 10 mars 2010, et la proposition de loi portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée déposée le vendredi 12 mars 2010 au Secrétariat du Président de l’Assemblée nationale, et le rapport du 26 mars 2010 du groupe de travail sur le processus de la LEPI, transmis par le Superviseur Général de la Commission Politique de Supervision ; que suite enfin à deux autres mesures d’instruction, le Délégué Général aux élections du Mali, Expert Consultant Electoral International et le PNUD, ont répondu respectivement le 1er et le 02 avril 2010 pour indiquer qu’à l’exception du Bénin, tous les pays africains francophones ont des listes électorales informatisées ; Considérant que les huit (08) recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ; Considérant que l’article 121 alinéa 1 de la Constitution dispose : «La Cour Constitutionnelle, à la demande du Président de la République ou de tout membre de l’Assemblée Nationale, se prononce sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation » ; qu’il découle de cette disposition que seuls le Président de la République ou tout membre de l’Assemblée Nationale ont qualité pour saisir la Cour Constitutionnelle pour se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation ; que dans le cas d’espèce, parmi les requérants figurent Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN, Magistrat à la retraite, auteur du recours enregistré sous le numéro 0553/061/REC, et Monsieur Martin AGOULOYE, Secrétaire Général du parti Mouvement Espoir du Bénin, auteur du recours enregistré sous le numéro 0558/ 062/REC ; qu’aucun des deux n’étant ni Président de la République, ni membre de l’Assemblée Nationale, il s’ensuit qu’ils n’ont pas qualité pour saisir la Cour en contrôle de conformité à la Constitution d’une loi avant sa promulgation ; que, dès lors, leurs requêtes doivent être déclarées irrecevables pour défaut de qualité ; Considérant que selon l’article 57 alinéa 2 de la Constitution : « n (le Président de la République) assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le Président de l’Assemblée Nationale » ; que par ailleurs, l’article 20 de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle énonce : « Conformément à l’article 121 de la Constitution, le Président de la République ou tout membre de l’Assemblée Nationale peut saisir la Cour Constitutionnelle. La saisine de la Cour suspend le délai de promulgation. La Cour Constitutionnelle doit se prononcer dans un délai de quinze (15) jours. La saisine de la Cour Constitutionnelle par le Président de la République ne fait pas obstacle à sa saisine par un membre de l’Assemblée Nationale. La saisine de la Cour Constitutionnelle par le Président de la République ou par un membre de l’Assemblée Nationale n’est valable que si elle intervient pendant les délais de promulgation fixées par l’article 57 alinéas 2 et 3 de la Constitution » ; que la loi déférée, votée par l’Assemblée Nationale le 18 mars 2010, a été transmise au Président de la République par lettre n° 025/ AN/PT/SGA/DSL/SCRB du 19 mars 2010 ; qu’à partir de cette date, le Président de la République disposait de quinze jours, c’est-à-dire jusqu’au 03 avril 2010 pour procéder à la promulgation de ladite loi ; que par courrier n° 165/PR/CAB/SP-C du 22 mars 2010, le Président de la République a saisi la Cour en vue d’une décision de conformité à la Constitution de la Loi 2010-12 ; que cette saisine, qui suspend le délai de promulgation, est intervenue avant le 03 avril 2010 ; qu’en outre, les députés Rachidi GBADAMASSI, Karimou CHABI SIKA, Benoît C. Assouan DEGLA, Thomas C. AHINNOU et Taïo AMADOU ont saisi la Cour respectivement les 22, 23, 24 et 26 mars 2010 ; que ces requêtes sont ainsi intervenues avant le 03 avril 2010, c’est-à-dire dans le délai de promulgation ; que, dès lors, la requête du Président de la République et celles des députés susnommés sont recevables ; Considérant que sur le fondement des articles 3 alinéa 1, 4, 35, 41 alinéa 2, 88, 98 , 100, 124 et 147 de la Constitution, 5 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, 21 alinéa 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 3, 4 et 5 des Protocoles de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, des décisions DCC 34-94 du 23 décembre 1994, DCC 00-78 du 07 décembre 2000, DCC 01-011 du 12 janvier 2001, DCC 09-063 du 12 mai 2009 et DCC 09-107 du 10 septembre 2009, les requérants demandent à la Cour de dire et juger : – que les députés signataires de la demande de convocation de la session extraordinaire du 20 janvier 2010 ont violé l’article 5 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale ; – que les députés signataires de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 ont abusé de leur droit de législateur en abrogeant ladite loi ; – que les initiateurs de la proposition de la loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 ont violé les articles 3 et 4 de la Constitution en s’opposant par leur vote favorable à l’exercice de la souveraineté du peuple ; – qu’en abrogeant la loi sur le RENA et la LEPI, les députés ont réaffirmé leur opposition « virulente • à l’installation d’un outil de transparence et de pacification des élections, ignorant ainsi l’intérêt commun ; – qu’en abrogeant la loi sur l’organisation du RENA et l’établissement de la LEPI, les députés ont violé l’article 147 de la Constitution qui accorde une primauté aux conventions internationales ratifiées par le Bénin sur les lois internes ; – que les problèmes d’application de la loi en principe sont du domaine du règlement ; – que la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la LEPI est contraire à la Constitution ; 1- Sur l’usage abusif du pouvoir de légiférer Considérant que le préambule de la Constitution énonce : – « NOUS, PEUPLE BENINOIS . Réaffirmons notre opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature … la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel ; . exprimons notre ferme volonté de défendre et de sauvegarder notre dignité aux yeux du monde …»; que les articles 35 et 79 alinéa 2 de la Constitution disposent respectivement : -« Le Parlement… exerce le pouvoir législatif… ». -«Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun.»; qu’il découle de la lecture croisée et combinée de ces dispositions que d’une part, l’arbitraire s’entend de l’exercice d’un pouvoir non fondé en droit, que d’autre part, l’abus de pouvoir consiste en l’usage non approprié d’un pouvoir régulièrement conféré par la loi ; Considérant que la Cour Constitutionnelle dans sa Décision DCC 09-107 du 10 septembre 2009 avait constaté que: «… depuis 1999 soit depuis dix (10) années, toutes les lois portant règles générales pour les élections en République du Bénin ont affirmé le principe de la LEPI et du RENA et en ont même fixé avec précision le contour général (Articles 9 à 29 – Lois de 2007 et de 2005) ; que la Loi n° 98-034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin précise en son article 11 : «Les listes électorales sont permanentes et si possible informatisées … » ; que la Loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin est explicite en son article 11 : «Les listes électorales sont permanentes et informatisées …» ; que la Loi n° 2005-14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin affirme en son article 4 : « L’élection a lieu sur la base d’une liste électorale permanente informatisée (LEPI). La liste électorale permanente informatisée est unique, nationale. Elle est une liste exhaustive avec photo de tous les citoyens en âge de voter et est issue d’un recensement électoral national approfondi … » ; qu’il est à préciser que toutes ces lois depuis 1999 comportent des articles numérotés de 9 à 29 et portant toutes précisions utiles sur la LEPI et sur le RENA de même que des dispositions transitoires semblables au libellé des articles 150 et 150-1 de la Loi n° 2007-25 du 23 novembre 2007 et faisant de la liste électorale non informatisée une mesure provisoire « en attendant la réalisation du recensement électoral national approfondi et de la liste électorale permanente informatisée ». (article 149 de la Loi n° 2006-25 du 05 janvier 2007; article 148 de la Loi n° 2005-14 du 28 juillet 2005 ; article 123 nouveau de la Loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 modifiée par la Loi n° 2002-22 du 28 août 2002) ; Considérant qu’il est ainsi constant que la loi… n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale permanente informatisée ne crée ni la LEPI ni le RENA mais réalise les prescriptions de lois électorales antérieures … » ; Considérant que la Cour Constitutionnelle dans sa Décision DCC 09-107 du 10 septembre 2009 avait constaté que la LEPI a été créée avec quelques précisions utiles depuis la Loi n° 98-034 du 15 janvier 1999, confirmée avec fermeté par toutes les lois subséquentes portant règles générales pour les élections en République du Bénin notamment les lois électorales n°s 2000-18 du 03 janvier 2001, 2005-14 du 28 juillet 2005 et 2007-25 du 23 novembre 2007 ; que depuis 1999, à la veille de chaque élection, une loi dérogatoire vient prescrire le recours, à titre ponctuellement provisoire à la liste manuscrite ; qu’ainsi, la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 est la première loi à organiser complètement la LEPI ; Considérant que depuis l’adoption de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, la Cour a reçu plusieurs recours, dont certains provenant de députés ou d’anciens députés ; qu’après les décisions DCC 09-101 du 1er septembre 2009, DCC 09-102 du 1er septembre 2009 et DCC 09-107 du 10 septembre 2009, l’Assemblée Nationale en sa séance du 18 mars 2010, a adopté la Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée ; que la proposition de la loi abrogatoire a été déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 28 décembre 2009 ; qu’alors que la procédure d’adoption de cette loi était en cours, deux autres propositions de loi sont déposées, la première le 10 mars 2009 modifiant et complétant la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 et la deuxième le 12 mars 2010 portant organisation de Recensement Electoral National Approfondi et établissement de la Liste Electorale Permanente Informatisée ; que ces trois propositions de loi abrogatoire, modificative et de substitution, comportent la signature des mêmes députés : Ismaël TIDJANI-SERPOS, Désiré VODONON, Donatien WOHOU, Jean-Baptiste EDAYE, Lazare SEHOUETO, Georges BADA, Adrien HOUNGBEDJI, Eric HOUNDETE, Judes LODJOU, Timothée GBEDIGA, Kifouli KAKPO, Sacca FIKARA, Idji A. KOLAWOLE, Edmond ZINSOU et Augustin AHOUANVOEBLA ; que cette initiative proprement inédite dans la pratique parlementaire moderne, visant à la fois l’abrogation d’une loi, la modification et la substitution d’une même loi, n’est manifestement pas fondée sur la quête de l’intérêt et le respect du bien commun prescrite par l’article 35 de la Constitution ; Considérant par ailleurs, que sur accord des différents courants politiques dont certains sollicitaient la suspension de la LEPI aux fins d’évaluation, il a été constitué un groupe de travail sur ledit processus ; que ce groupe, comprenant les représentants de toutes les tendances politiques, de la Société Civile, des Confessions religieuses, du Gouvernement et des deux organes chargés de la mise en œuvre de la LEPI que sont la Commission Politique de Supervision (CPS) et la Mission Indépendante de Recensement National Approfondi (MIRENA), a déposé son rapport validé en plénière le 26 mars 2010 ; que ledit rapport précise dans l’avant-propos : « c’est donc le lieu de demander aux institutions de notre pays, aux partenaires techniques et financiers du “panier commun” de réalisation de la LEPI ainsi qu’à nos concitoyens d’accorder toute l’attention qu’il mérite au présent rapport qui se veut un outil de facilitation du dialogue politique autour de la mise en œuvre de la Loi n° 2009-10 portant réalisation du RENA et de la LEPI» ; que le premier titre de ce rapport est consacré à la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 (titre I-A) et indique : « II y a maintenant un problème d’interprétation qui mériterait d’être clarifié par une instance compétente.», (page 5) ; « Tout cela nécessite la prise de dispositions réglementaires pour clarifier et stabiliser de toutes interprétations » (page 7) ; qu’au titre 2, section B consacré aux approches de solutions politiques, au niveau du Parlement, le rapport précise : « Etant entendu que le groupe de travail fonde son essence de la volonté de la classe politique, du Gouvernement et des acteurs de la vie sociale, de sortir le pays de l’impasse vers laquelle il évolue dangereusement, il paraît indispensable de prendre des décisions qui vont dans le sens de l’apaisement tant souhaité par le Chef de l’Etat au cours de la rencontre du 09 mars 2010. C’est pourquoi, il pourrait être utile de procéder à une relecture de la Loi n° 2009-10 notamment en ses articles 6, 8, 22, 24, 38, 41, 46, 47 et 48 qui constituent des sources de difficultés majeures. ». (page 12) ; qu’il apparaît qu’aucune étude objective n’a conclu à la nécessité d’abroger la Loi n° 2009-10 et que la relecture proposée au conditionnel l’a été à titre de mesure politique ; qu’au plan du droit, seules sont proposées comme solutions : l’interprétation par une instance compétente et le recours aux actes réglementaires ; qu’en effet, l’article 66 de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du RENA et établissement de la LEPI dispose : « Des décrets pris en conseil des Ministres déterminent, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente loi. » ; que l’Assemblée Nationale, plutôt que de solliciter les solutions appropriées, a préféré procéder à l’abrogation de la Loi n° 2009-10 ; s’il est exact que le Parlement a le pouvoir de voter une loi, puis de l’amender ou de l’abroger par la suite, l’exercice de ce pouvoir ne peut se faire au bon vouloir et au gré des intérêts d’une composante (fut-elle majoritaire) de l’Assemblée Nationale ; qu’un pouvoir conféré par la Constitution ne peut s’exercer que dans le cadre des règles posées par ladite Constitution ; qu’en abrogeant la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du RENA et établissement de la LEPI, l’Assemblée Nationale a violé la Constitution en ses dispositions ci-dessus évoquées ; 2- Sur la violation de la Souveraineté du Peuple et de la remise en cause du principe constitutionnel de transparence. Considérant que la Constitution dispose en ses articles 3 et 4 : « La souveraineté nationale appartient au Peuple. Aucune fraction du Peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, …ne peut s’en attribuer l’exercice. La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi Suprême de l’Etat. Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus… » ; « Le Peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum… »; qu’en votant la Loi 2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation du RENA et de la LEPI, l’Assemblée Nationale a entendu donner au peuple un moyen efficace pour exercer dans la transparence sa souveraineté par le vote ; que la Cour, au demeurant, dans sa Décision DCC 01-011 du 12 janvier 2001 a déclaré la transparence principe à valeur constitutionnelle dans la gestion des élections, prolongeant ainsi le même principe déjà affirmé dans sa Décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994 : «… la création d’une Commission Electorale Indépendante est une étape importante de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne; qu’elle permet … d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté et la transparence des élections … » ; qu’il est unanimement acquis que la LEPI garantit une élection transparente ; qu’en tout état de cause, la confection d’une telle liste constitue une avancée par rapport à l’ancienne méthode d’enregistrement manuel des électeurs, souvent sujette à des contestations ; qu’ainsi, toute nouvelle législation devant intervenir en cette matière, doit être de nature à accélérer et faire progresser la transparence et le processus d’élaboration de la liste électorale permanente informatisée en cours et non l’arrêter, le ralentir ou le faire reculer ; qu’en conséquence, il échet pour la Cour de dire et juger que l’adoption de la Loi n° 2010-12 par les députés le 18 mars 2010 constitue une négation de la libre et transparente expression de la souveraineté du peuple, et par conséquent une violation de la Constitution ; 3- Sur la violation des Accords internationaux Considérant que l’article 147 de la Constitution dispose : «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par Vautre partie … » ; que l’article 5 du Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité de la CEDEAO auquel le Bénin est astreint de par la ratification par Décret n° 2003-264 du 31 juillet 2003 sur loi d’autorisation n° 2003-11 du 09 juillet 2003 dispose : « les listes électorales sont établies de manière transparente et fiable avec la participation des partis politiques et des électeurs qui peuvent les consulter en tant que de besoin » ; que notre pays s’est engagé sur la base de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, dans le processus de mise en œuvre de la LEPI en recherchant auprès des partenaires techniques et financiers des ressources à travers des accords de financement ; que mieux, lesdits partenaires ont déjà mis à la disposition du Bénin des fonds qui sont utilisés au démarrage du processus ; Considérant que le Projet d’Appui pour la Liste Electorale Permanente et Informatisée (LEPI) au Bénin entre la République du Bénin et le PNUD en date à Cotonou du 15 septembre 2009 indique entre autres : « 1. La LEPI est mise en place à bonne date afin de renforcer le caractère libre, transparent, crédible et démocratique des échéances électorales de 2011 tout en permettant aux électeurs d’exercer tous leurs droits… » ; que l’abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 enlève aux accords avec les partenaires, le soubassement juridique et viole par ailleurs les exigences du Protocole additionnel de la CEDEAO en matière de transparence et de fiabilité de la liste électorale ; qu’en procédant à l’abrogation de ladite loi, l’Assemblée Nationale a violé la Constitution ; 4- Sur le Consensus Considérant qu’à l’appui de la proposition de loi portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, les députés signataires estiment entre autres, que «… 2- Les multiples réactions et suggestions d’une bonne partie de la classe politique pour que la réalisation de la LEPI se fasse dans un esprit consensuel en vue d’en assurer la crédibilité, sont restées sans écho pratique tant au niveau de la direction de la CPS que du Gouvernement, qui préfère se comporter comme si la LEPI était un instrument à son service exclusif « ; que le requérant Thomas C. AHINNOU interroge : « Le consensus doit-il porter sur les détails ou sur les règles générales telles que les fonde la loi sur le recensement national et la liste électorale permanente informatisée ? Et l’absence de consensus sur les détails suffit-elle pour arrêter le processus ? » ; Considérant que le consensus, principe à valeur constitutionnelle, tel qu’affirmé par la Décision DCC 06-074 du 08 juillet 2006 de la Haute Juridiction de céans, préoccupe légitimement tous les acteurs de la vie sociale ; que le consensus, loin de signifier l’unanimisme, est d’abord un processus de choix ou de décision sans passer par le vote ; qu’il permet, sur une question donnée, de dégager par une voie appropriée, la solution satisfaisant le plus grand nombre de personnes ; qu’en l’espèce, il est constant que le consensus est établi sur la LEPI depuis 1999 et confirmé par la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009 votée à une très large majorité ; qu’en matière électorale, le consensus doit autant que possible être constamment recherché sans pour autant constituer une source de ralentissement excessif, de blocage ou de perversion d’un processus, de la mise en œuvre d’une décision déjà acquise ou de l’accomplissement d’une mission confiée à une institution quelconque de la République ; qu’en ce qui concerne le fonctionnement interne de chacun des organes chargés de réaliser le RENA et la LEPI, il repose sur son Règlement Intérieur qui peut en cas de nécessité être réaménagé ; qu’en conséquence, le défaut de consensus sur des points techniques d’exécution, ne peut nullement fonder l’abrogation de la loi ayant créé l’organe en cause ; Considérant qu’au regard de l’analyse des divers moyens soulevés par les requérants, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, il échet pour la Cour de dire et juger que la Loi n° 2010-12 votée le 18 mars 2010 par l’Assemblée Nationale est contraire à la Constitution ; DECIDE: Article 1er .- Les recours de Monsieur Joseph H. GNONLONFOUN et du parti Mouvement Espoir du Bénin (MEsB), représenté par son Secrétaire Général, Monsieur Martin AGOULOYE, sont irrecevables. Article 2 .- Les requêtes du Président de la République et des députés Rachidi GBADAMASSI, Karimou CHABI SIKA, Benoît C. Assouan DEGLA, Thomas C. AHINNOU et Taïo AMADOU sont recevables. Article 3 .- La Loi n° 2010-12 portant abrogation de la Loi n° 2009-10 du 13 mai 2009, votée le 18 mars 2010 par l’Assemblée Nationale, est contraire à la Constitution. Article 4 .- Là présente décision sera notifiée à Monsieur le Président de la République, à Messieurs Rachidi GBADAMASSI, Karimou CHABI SIKA, Benoît C. Assouan DEGLA, Joseph H. GNONLONFOUN, Thomas C. AHINNOU, Taïo AMADOU, au Mouvement Espoir du Bénin représenté par Monsieur Martin AGOULOYE, à Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel.

Ont siégé à Cotonou, le cinq avril deux mille dix,

Monsieur Robert S.M. DOSSOU Président

Madame Marcelline-C. GBEHAAFOUDA Vice-Présidente

 Messieurs Bernard D. DEGBOE Membre

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