.
.

Le triomphe de la vérité

.

Prof. Martin Gninafon, Coordonnateur du Programme national contre la Tuberculose (Pnt) du Bénin: « Le Bénin se trouve en tête de peloton dans la lutte contre la tuberculose parmi les pays de la sous-région»


Visits: 16

 Maladie invalidante, la tuberculose demeure au Bénin un véritable problème de santé publique. Ainsi, à l’occasion de la célébration ce mercredi 24 mars de la Journée internationale contre la tuberculose, le Coordonnateur du Programme National contre la tuberculose (PNT) et Médecin-chef du Centre national hospitalier de pneumo-phtisiologie (Cnhpp) de Cotonou, Martin Gninafon, fait l’état des lieux de la maladie dans notre pays, parle des initiatives prises par le Bénin dans le cadre de la lutte contre ce mal et invite les populations béninoises à s’approprier les stratégies développées pour leur meilleure prise en cas d’infection par le bacille de Koch. 

L’Evénement Précis : Professeur, quel état des lieux peut-on faire aujourd’hui de la tuberculose au Bénin ?

 Professeur Martin Gninafon : Il faut dire qu’à l’étape actuelle, le Pnt détecte environ quatre mille (4.000) cas de tuberculose toutes formes confondues dans notre pays dont plus de 80% sont des cas de tuberculose contagieuse. Par rapport à la prise en charge des patients diagnostiqués, il faut dire que tous les malades qui sont détectés sont traités avec des médicaments qui sont fournis gratuitement et le résultat des différentes cohortes annuelles démontre bien que nous assurons presque que 90% de succès de traitement par rapport à ces patients là. Ce qui est, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), un bon score du point de vue de la prise en charge des patients. 

Quelles sont les différentes actions que mène le Pnt dans le cadre de la lutte contre la tuberculose ?

Le but poursuivi par le Pnt, c’est de réduire progressivement l’ampleur de la maladie en identifiant surtout les cas qui sont contagieux, en les traitant, en les guérissant pour supprimer les sources de transmission de la tuberculose dans notre pays. Pour ce faire, il y a tout un dispositif qui est mis en place à travers le territoire national à savoir ce que nous appelons les centres de dépistage et de traitement (Cdt) de la maladie qui sont des centres où existent les moyens qui sont mis à leur disposition par le programme national contre la tuberculose pour assurer le diagnostic. Il existe également les moyens pour pouvoir prendre en charge ces patients là. Alors, comme ces structures sont des structures qui sont intégrées au système général de santé sur l’ensemble du pays, le programme accompagne les acteurs du terrain par un certain nombre d’activités dont la formation du personnel, le recyclage du personnel impliqué dans les actions de lutte contre la tuberculose. Il y a également un système de supervision qui est organisé trimestriellement pour vérifier si les recommandations du programme sont mises en jour tel que le programme le recommande. Il faut dire aussi qu’avec les partenaires sur le terrain, nous essayons aussi d’entreprendre des actions de sensibilisation, de communication en direction des populations pour qu’elles comprennent le sens et la nature même de la maladie et surtout qu’elles adhèrent aux stratégies proposées pour contenir cette maladie là. Donc, c’est grâce au concours des partenaires et des professionnels de la communication que nous essayons de faire en sorte que ces détails là soient traduits en des termes qui soient compréhensibles par les populations.

 Peut-on alors affirmer que grâce à ces initiatives, il y a une meilleure connaissance de la tuberculose au sein des populations ?

Je pense qu’il y a tout un tabou qui entoure la maladie et des considérations qui varient en fonction des populations des liens géographiques, mais compte tenu des messages que nous essayons de véhiculer à travers les populations, je pense bien qu’à l’heure, la population a une idée plus ou moins claire de la maladie. Puisque avant le phénomène de stigmatisation était très affirmé mais je pense que, lorsque vous arrivez ici, vous avez vu nos portails sont ouverts, les gens entrent et sortent comme ils veulent alors que auparavant, c’était difficile d’imaginer que quelqu’un puisse entrer aussi aisément. Donc, nous pensons que les populations comprennent de plus en plus la nature de la maladie et surtout elles comprennent qu’avec les médicaments, on peut arriver à traiter efficacement cette maladie et à la guérir.

Qu’est-ce qui caractérise la lutte contre la tuberculose dans notre pays ?

Il faut dire que le Bénin a une longue expérience de la lutte contre la tuberculose. Et comme vous le savez, la stratégie développée actuellement à travers le monde, c’est ce qu’on appelle la stratégie DOTS c’est-à-dire une stratégie qui recommande l’utilisation des protocoles de traitement de courte durée et sous administration directe des médicaments aux patients. Les premières expériences concernant cette stratégie ont été entreprises dans notre pays au Bénin, ce qui fait que le Bénin peut revendiquer une certaine paternité par rapport à  cette stratégie. Donc, ayant cette longue expérience de la maladie, je pense que c’est ça qui justifie les succès que nous avons actuellement non seulement par rapport à la détection des cas puisque l’Organisation mondiale de la santé estime que nous diagnostiquons plus de 70% de tuberculose intervenant dans notre pays. Ce qui est un excellent score. Et que l’Oms estime également que nous arrivons à guérir plus de 85% des malades que nous prenons en charge. Ce sont des résultats qui sont rarement rencontrés dans les autres pays de la sous-région. Et nous pouvons aisément dire qu’en matière de performance, le Bénin se trouve tout à fait en tête de peloton parmi les pays de la sous-région. 

En ce qui concerne la couverture du territoire national par vos services, est-elle déjà une réalité ?

Actuellement, nous avons sur l’ensemble du territoire national cinquante sept (57) centres de dépistage et de traitement  qui sont intégrés aux services généraux de santé en l’occurrence les centres de santé des communes et parfois nous allons au niveau des arrondissements. Mais la  spécificité dans ce domaine, c’est que nous ne tenons pas compte seulement de centres publics. Nous nous intégrons aussi dans la mesure du possible dans les structures privées qui sont bien fréquentées tel que l’hôpital évangélique de Bembèrèkè ou le centre de santé de Gouko de Papané qui est un centre privé. Donc, nous essayons de décentraliser aussi autant que nous pouvons. Mais, il faut dire qu’au-delà des centres de dépistage et de traitement, nous essayons de toucher également les centres de santé qui n’abritent pas les Cdt parce que les malades consultent dans les centres de santé, ce n’est pas seulement dans les Cdt que ces malades consultent, nous estimons que quel que soit l’endroit le malade arrive dans le système de santé de notre pays, il faudrait que le personnel soit informé et soit formé également pour pouvoir identifier ces patients là et les retourner éventuellement dans le Cdt pour le diagnostic et la prise en charge.

 Il s’observe parmi vos patients de nombreux malades en provenance de pays étrangers. Qu’est-ce qui explique ce fait ?

Il faut dire que la plupart de ces patients que l’on voit ici viennent de notre géant voisin de l’est (Ndlr : Le Nigeria). Je pense que ceci est lié essentiellement à la qualité des offres de service que le Bénin développe par rapport à la tuberculose. Ce qui naturellement exerce un attrait sur les populations des pays voisins de notre pays. Il faut aussi dire que quand quelqu’un arrive quelque part et qu’on assure sa guérison, ce patient va servir d’amplificateur pour pouvoir indiquer aux autres qu’il y a tel endroit où on peut avoir la guérison. Et je pense c’est ça qui fait cet appel d’air que l’on constate par rapport aux étrangers dans notre service ici. Certainement aussi, cela s’observe au niveau du centre de Porto-Novo qui est à proximité du Nigeria. Mais il faut dire que globalement dans le pays, on peut compter environ un (01) étranger pour cinq (05) patients pris en charge ; ce qui représente environ 20% d’étrangers. Donc, les propos qui estiment qu’il y a plus de patients étrangers que de béninois dans notre service ne sont pas vrais. Il y a aussi le fait que ce n’est pas la grande majorité des patients sur Cotonou qui sont traités hospitalisés dans ce centre. La plupart de ces malades sont traités ambulatoirement. Ils sont chez eux. Ils prennent les médicaments soit ici soit dans les formations sanitaires où nous positionnons ces médicaments parce que l’essentiel pour nous, une fois que le patient est diagnostiqué, c’est qu’il prenne ses médicaments. Donc, il peut tout à fait rester chez lui et continuer à prendre les médicaments. Ça n’ajoute aucun dommage aux populations par rapport à ce qui s’est passé avant même que le malade ne soit diagnostiqué. Or, malheureusement, c’est en ce moment quand on dit que quelqu’un est diagnostiqué que les  gens commencent à avoir peur. Alors que quand le malade prend les médicaments, il n’ajoute plus de dommage aux populations. 

Vos campagnes de sensibilisation et d’information autorisent-elles aujourd’hui à affirmer que le phénomène de la stigmatisation a disparu au sein des populations ?

On ne peut pas dire que la stigmatisation a totalement disparu. Mais, il faut dire que c’est un phénomène qui a énormément diminué dans la mesure où on fournit des explications claires aux patients, à leur entourage. Et les gens sont bien conscients aujourd’hui que quand quelqu’un a la maladie et qu’il est traité, ça n’ajoute pas aux dommages qu’il avait causé avant même qu’il ne soit diagnostiqué. Donc, c’est un phénomène qui persiste mais il faut avouer quand même que son ampleur a beaucoup diminué, que les choses ont évolué, que les populations comprennent de plus en plus les enjeux. Et ça ne nous pose plus tellement de problèmes.

 En plus de la gratuité des médicaments et du logement, vous offrez aussi aux malades une alimentation gratuite. Quel est l’impact de cette mesure sur le processus de guérison des patients ?

Il faut avouer que la tuberculose est une maladie invalidante. Nous avons constaté surtout en milieu rural que, une fois que les populations sont malades, elles n’arrivent plus à subvenir à leurs besoins notamment à s’alimenter. Et ça pose d’énormes problèmes. Et c’est compte tenu de ce constat que notre Etat, ayant été sensibilisé, a commencé par fournir un budget pour qu’il serve à acheter des vivres et pouvoir appuyer les patients pendant le moment où ils sont traités. Et je pense que c’est un élément assez porteur de façon qu’avec l’appui de nos partenaires, nous avons essayé de renforcer cet appui, non seulement pour fournir des vivres de qualité mais aussi la quantité suffisante pour que le malade puisse se nourrir régulièrement pour que ça ne pose pas de problèmes pour leur prise en charge.

 Peut-on affirmer qu’avec l’appui du Fonds mondial, vous disposez de moyens suffisants pour mener à bien vos actions en faveur des populations ?

Je pense que l’Etat béninois essayait de fournir les moyens pour que la maladie soit prise en charge au niveau de notre pays. Mais, il faut avouer que ces moyens étaient vraiment insuffisants. Donc, l’avènement du Fonds mondial a permis d’accroître considérablement ces moyens et surtout de développer de nouvelles stratégies qui ont permis d’améliorer très nettement les résultats. Maintenant, nous attendons plus de moyens  pour assurer la pérennité même des moyens. Je pense que, dans la mesure où l’Etat prendra conscience des résultats que nous enregistrons actuellement dans la prise en charge de la maladie, lorsque les ressources extérieures vont peut-être diminuer ou bien s’arrêter, je pense bien que l’Etat pourra prendre efficacement la relève pour que les activités ne s’interrompent pas et que surtout les résultats ne soient pas remis en cause. 

Quel appel avez-vous à lancer aux populations ?

L’appel, c’est que les populations puissent faire confiance au programme et puissent adhérer aux stratégies que nous préconisons pour pouvoir aider les populations à se débarrasser de la maladie. Donc, je dirais pour l’ensemble des populations, puisque les malades sont au sein des communautés, s’il y des personnes qui toussent et que ça dépasse trois (03) semaines et qu’il n’y a pas de solutions qui arrivent à soigner correctement cette toux, il faut aller consulter dans les centres de santé et les agents de santé sont informés que toute toux qui traîne, qui dure chez quelqu’un, il faut rechercher s’il n’y a pas la tuberculose qui est derrière. Et s’il y a la tuberculose derrière, nous avons quand même les moyens pour traiter et guérir parfaitement ces malades là. Donc, c’est aux populations de savoir que quand on tousse et que ça traîne, ce n’est pas une situation normale. Il faut aller voir est-ce que la tuberculose n’est pas derrière. Et une fois que le diagnostic est produit, ils seront pris en charge de façon entièrement gratuite.                                                                   

Entretien réalisé par Jean-Claude DOSSA              

Reviews

  • Total Score 0%



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page