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Mouftaou Lalèye, Ambassadeur du Bénin près le Nigeria:« Les relations entre le Bénin et le Nigeria se portent très bien »


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Mouftaou Lalèye, Ambassadeur du Bénin près le Nigeria

Mouftaou Lalèye, Ambassadeur du Bénin près le Nigeria

En poste au Nigeria depuis environ huit (08) mois,  l’Ambassadeur Mouftaou Lalèyè est un universitaire et chercheur de formation qui a longtemps enseigné à l’Université d’Abomey-Calavi et dans plusieurs universités du Nigeria. Fin observateur des relations entre le Bénin et son grand voisin de l’Est, le Nigeria, l’ancien Directeur de la Cellule d’Analyses Politiques de l’Assemblée Nationale (Capan) parle à travers cet entretien de la Conférence des ambassadeurs qui s’est tenue à Cotonou du 26 au 28 février 2009 dernier. Il met en outre en relief  l’état des relations entre le Bénin et le Nigeria avec en ligne de mire la gestion du récurent problème de l’essence frelaté. 

L’Evénement Précis: Excellence, comment se portent les relations entre le Bénin et le Nigeria ?
Mouftaou Lalèye:  Les relations entre le Bénin et le Nigeria se portent très bien, elles sont excellentes. Nos relations ne se gèrent pas sur le papier encore moins dans les banques. On a fait quelques études il y a quelques années et on a même pu dire que les chiffres officiels qu’on a sur les échanges, ont besoin d’être corrigés à la hausse pour plus de 56%. En réalité, les petites enquêtes que nous avons menées sur le terrain ont permis d’aller plus loin, de montrer que c’est toujours une sous-estimation de l’importance de ces relations. Ce que nous pouvons dire de façon générale est que le Bénin et le Nigeria sur le plan économique se partagent la prospérité malgré les problèmes qu’il y a. Malgré les difficultés dans lesquelles l’économie nigériane est entrée ces derniers temps, l’économie nigériane a été relativement prospère et on n’a pas senti de problèmes même si, sur le plan officiel, il y a une plus grande harmonisation des politiques entre les Etats c’est-à-dire par exemple, les produits qui sont prohibés au Nigeria, ne sont plus systématiquement objet d’importation au Bénin pour réexportation vers le Nigeria mais il n’en demeure pas moins que le commerce entre les deux pays a continué et il faut aussi constater que ces derniers temps, la baisse du Naira (Ndlr : monnaie du Nigeria) est un facteur qui favorise un peu les béninois en ce sens que ce qu’ils achètent au Nigeria leur reviennent moins cher mais c’est un peu aussi un mauvais facteur qui décourage les béninois parce que ce que les nigérians viennent acheter ici, ils le trouvent chers parce qu’ils achètent leur CFA avec beaucoup plus de Naira qu’avant. C’est donc de facto une dévaluation de la Naira qui les décourage et qui nous encourage nous, à aller acheter nos produits au Nigeria. Donc, c’est le train-train habituel entre nos deux économies. Il faut dire aussi qu’il y a aussi beaucoup plus d’efforts de formalisation, il y a beaucoup plus de sociétés nigérianes, des banques nigérianes qui essaient donc de chercher à s’installer au Bénin. Et le Bénin attire beaucoup grâce à la paix, la sécurité…et je crois que les perspectives sont encore plus meilleures pour ce que nous avons observé. Ça permet d’espérer que sur le plan économique, nous allons connaître un renforcement, une amélioration qualitative de nos relations.  

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez participé à la Conférence des ambassadeurs du 26 au 28 février dernier. Quelle appréciation faites-vous de la relance de cette conférence dont la dernière et l’unique édition remonte à 1981 ?
Sans m’en douter auparavant, je me suis rendu compte que les diplomates et la diplomatie constituent un corps très important des responsables de la nation et qui ont une responsabilité très haute dans l’image, dans le développement et même dans le maintien des bonnes relations entre notre pays et le monde entier. Et cela fait que c’est quand même un corps dans lequel il est absolument important qu’il y ait un minimum de consensus sur la manière de présenter le pays, sur la manière de comprendre ses préoccupations, sur la manière même de représenter le pays à l’étranger avec tous les problèmes que ça pose en terme donc de politiques, de moyens humains et matériels, en terme aussi de stratégies pour pouvoir donc permettre à notre pays de devenir effectivement un pays émergent comme le président de la République le veut dans les années qui viennent. Donc, je crois que c’est une bonne initiative.

Le chef de l’Etat a fait part de sa volonté d’œuvrer à l’avènement d’une diplomatie de développement. Que faut-il comprendre selon vous par « Diplomatie de développement »?
« Diplomatie de développement »  dont parle le Président de la République, c’est ce que je voulais dire en rappelant les grandes fonctions du diplomate dans le contexte d’un pays comme nous le disons. C’est le représentant du pays  qui ne fait pas seulement de la figuration, le représentant du pays qui ne se permet pas porter la cravate et la pochette dans un beau costume mais le représentant du pays qui sait non seulement projeter  une bonne image du pays et de ses institutions mais qui sait contribuer à la mobilisation des ressources qui permettent de construire notre pays, qui sait en fait améliorer les relations et rendre notre pays attractif, qui sait vendre le Bénin afin d’y attirer des investisseurs, afin d’y attirer des touristes, afin de susciter au niveau du monde entier beaucoup plus d’intérêts autour de la particularité et de la personnalité même du peuple béninois. C’est ça en fait la diplomatie du développement. C’est une diplomatie soucieuse de l’utilisation efficace et efficiente des ressources de la nation qui sont utilisées pour entretenir cette diplomatie là. Et c’est dans ce sens que les résultats de la diplomatie doivent justifier non seulement son existence et permettent d’inscrire une participation très cruciale dans l’ensemble du processus de développement du Bénin.

Pensez-vous alors que le peuple béninois peut s’attendre à une véritable offensive diplomatique aux lendemains de la Conférence des Ambassadeurs ?
Je suis convaincu que la diplomatie béninoise et tout l’appareil autour du ministère des affaires étrangères est sortie très renforcée de cette réunion parce qu’il est clair qu’un certain consensus et une certaine cohérence va se manifester dans la manière dont nous articulons les positions nationales, dans la manière dont nous menons le combat pour la mobilisation des ressources. C’est sûr qu’il va se manifester beaucoup plus de complémentarité dans la manière dont les missions vont fonctionner et dans la manière dont le département des affaires étrangères et les différentes missions  vont fonctionner. Et c’est certain que tout cela va être observé, la machine de la diplomatie béninoise va s’emballer et on devrait, dans les jours qui viennent, avoir des résultats. Ce n’est pas qu’on ne voit  pas déjà ces résultats là mais nous sommes conscients que si nous nous organisons mieux, que si nous sommes mieux outillés en ressources humaines et en moyens financiers et matériels, la diplomatie béninoise est capable de quintupler et de multiplier à l’extrême non seulement les ressources qu’elle peut mobiliser mais tout le capital de bonne image, de sympathie et de pays où tous les investisseurs peuvent venir sans avoir crainte et de pays qui offre suffisamment de mesures incitatives pour rassurer  tout le monde et être un havre de paix et de développement dans la sous-région.

Pour parler de l’Ambassade du Bénin près le Nigeria, quel état des lieux en avez-vous fait depuis votre présence ?
Je vais commencer par dire que c’est une ambassade assez particulière dans laquelle les responsabilités sont en fait à cinq (05) niveaux. Premièrement, c’est les relations entre le Nigeria et le Bénin. On n’a pas le courage de le dire mais c’est bel et bien le premier partenaire du Bénin. C’est le plus gros partenaire du Bénin. On ne le sent pas parce que les relations entre le Nigeria et nous ne se gèrent pas sur le papier, ça ne se gère pas dans les bureaux, ça ne se gère pas seulement dans les banques mais ça se gère au quotidien, ça se gère dans la rue, ça se gère partout. Et ça, on a en fait la mission d’apporter tout l’accompagnement juridique, légal, bilatéral en termes de rapports entre nos deux pays.
Le deuxième volet, c’est que cette mission diplomatique aussi qui est basé à Abuja nous représente au Tchad. Le Tchad peut paraître un pays bien lointain mais c’est un pays avec lequel nous avons des relations très lointaines. Je me souviens que déjà dans les années 60, tout le système éducatif tchadien reposait principalement sur les béninois. Et la communauté béninoise est importante là-bas. Le Bénin est pour le Tchad un partenaire stratégique d’une très grande importance. Et j’évoque pour cela le fait même que pour le règlement de beaucoup de conflits, pour l’exil politique de beaucoup d’exilés tchadiens, c’est le Bénin qui a été choisi. Tout ça là montre en fait pourquoi les deux gouvernements ont besoin d’avoir des relations bilatérales.
Troisièmement, c’est la mission d’Abuja qui est notre représentation permanente auprès de la CEDEAO. La CEDEAO qui est la plus grande organisation d’intégration régionale que nous avons et qui, aujourd’hui, traite d’une très grande complexité, d’une très grande diversité de questions sur lesquelles les Etats de la CEDEAO décident donc de se mettre ensemble pour agir. Quatrième volet important, Abuja est le point focal de quarante cinq (45) missions diplomatiques accréditées au Bénin c’est-à-dire qu’il y a quarante cinq (45) pays qui sont représentés au Bénin par leur représentation à Abuja. Ce qui signifie que la mission d’Abuja est le point focal, si on ajoute le Nigeria et le Tchad, de quarante sept (47) pays à partir desquelles la plupart des questions relatives à nos échanges, aux relations bilatérales sont en fait gérées. Donc, c’est dire que la plate-forme d’Abuja est très importante. Et le dernier volet, c’est la communauté béninoise résident au Nigeria. Qu’on le veuille ou non, c’est le pays où les béninois sortent le plus. Même s’ils y vont sans passeport et qu’on n’a pas les chiffres exacts, on peut se permettre de dire qu’ils sont des millions et des millions qu’on peut même craindre d’évaluer parce qu’on va se demander s’il n’y a pas plus de béninois à l’extérieur qu’il y en a sur le territoire national à partir du nombre de béninois qui sont seulement au Nigeria. Donc, parlant du volet du domaine de compétence de cette mission, c’est pour dire que cette importante mission, je ne l’ai pas trouvée dans des conditions aussi dramatiques que celles de beaucoup d’autres de nos missions partout ailleurs dans le monde. Mais, c’est une mission qui était confrontée à beaucoup de problèmes. Des problèmes de personnels parce que pour faire tout ce que je viens de dire, il faut du monde, il faut des moyens. Mais de ce point de vue, nous essayons de faire l’effort, de faire en sorte que nous puissions avec les moyens du bord faire face à ces responsabilités quitte à attirer l’attention des autorités sur cette situation  et que des mesures hardies puissent être prises pour insuffler beaucoup plus de dynamisme, d’énergie, d’efficacité dans la représentation de la mission d’Abuja. Et c’est à ce titre que notre participation à cette conférence est très utile parce que ça permet non seulement de mettre tous ces problèmes là sur la table en même temps que les autres missions diplomatiques. Ça permet de voir quels types de solutions novatrices on peut trouver parce que toujours est-il que tout le pays est en chantier et que les maigres ressources sont sollicitées sur tous les fronts que ce n’est pas seulement dans la diplomatie qu’il faudra mettre ça. Et on devra toujours avoir le souci d’économie, le souci donc d’utilisation judicieuse des moyens rares. Et je crois que cette importante tâche à laquelle cette conférence s’est attelée nous permet donc d’espérer qu’avec l’engagement que le gouvernement et le Président de la République prennent de donner à notre pays une diplomatie digne, nous partirons de cette conférence renforcée, un peu plus motivés pour remplir notre mission.

Excellence, quels  efforts  faites-vous pour  résoudre le problème de l’essence « Kpayô » ?
Comme vous le voyez, c’est un problème qui ne date pas d’aujourd’hui. Ce problème est très difficile à attaquer parce que même quand les prix baissent au Nigeria, ce qui entraîne une baisse à la pompe officielle ici, on voit que ça baisse aussi sur le marché informel. Je crois que ça montre la nature très dynamique et versatile du phénomène. Je crois qu’il est important de savoir qu’il s’agit malheureusement d’un problème qu’on a laissé trop longtemps s’installer et qui a derrière lui, des puissances c’est-à-dire tout un système tellement installé, tellement bien outillé que la lutte pour l’enrayer n’a pas les mêmes moyens pour affronter le phénomène. Je crois que c’est un problème très sérieux. Je crois qu’il aussi extrêmement important de voir aussi que « l’épanouissement » de ce secteur évolue avec l’expansion du secteur informel de façon générale. Est-ce que le nombre de « Zémidjan » a diminué depuis ? Je n’en ai pas l’impression. Je crois que les problèmes nationaux continuent. Et une grande proportion de notre population continue de trouver refuge dans le système informel. Et aujourd’hui, le système de l’essence frelaté est le système le plus souple, le moins cher, le plus pratique malgré tous les problèmes que cela entraîne. Je crois qu’il est important qu’on ait le temps de s’asseoir pour réfléchir. Au Nigeria, les autorités ne voient pas ça comme un gros problème. Puisque au moins à leur niveau, ceux qui nourrissent, alimentent le système prennent l’essence sur le marché. Et puis, les autorités nigérianes ont autorisé la création des stations-service partout et on peut remarquer que même jusqu’au long de nos frontières, il y a plein de stations. Donc, pour le Nigeria, les quantités qui sortent ne sont pas très importantes, compte tenu de la taille du pays. Evidemment, ce n’est rien comparativement au brut qui est vendu officiellement sur le marché formel et aux autres grosses quantités qui vont ailleurs dans le monde. Par contre, par rapport à l’économie du Bénin, la faible quantité qui se fraye un chemin dans notre économie est tellement importante qu’elle a un impact certain. Et le problème, c’est de voir à la source ce qu’on peut faire pour réussir réellement la mise en œuvre avec beaucoup plus d’efficacité des mesures que les autorités politiques prennent et ont initié pour lutter contre le chômage des jeunes, la microfinance, l’éducation, la sensibilisation des acteurs à chercher, avec les moyens qui sont mis à leur disposition, à aller vers d’autres secteurs, où il y a moins de risques, où c’est plus avisé que le secteur de la vente du carburant importé du Nigeria.

Votre conclusion à cet entretien.
Merci. On a parlé des relations entre le Bénin et le Nigeria qui sont des relations multiformes, séculaires. Il y a beaucoup d’autres aspects qu’on n’a pas pu aborder. Je voudrais tout simplement dire que la Conférence que nous avons tenu est  une conférence qui nous donne des bases et nous sommes sûrs que ça permettra de mieux comprendre nos problèmes  et de mieux poser les jalons pour que notre pays ait une diplomatie beaucoup plus efficace dans tous les pays en commençant par le Nigeria, qui est le plus grand voisin et certainement le premier partenaire de notre pays.

Entretien réalisé par Jean-Claude Dossa

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