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Le triomphe de la vérité

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Des ministres au détour de ruelles au Bénin


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Ils sont actuellement omniprésents. A l’ère du « Changement », on les rencontre au détour de manifestations ordinaires et sobres. Les ministres « princes » du Président ont vécu au Bénin. Et pourtant il y a encore trois ans, ils dégageaient célébrité, honneur et respect. Entre temps, que s’est-il passé pour que la fonction ministérielle jadis perçue en vice-présidence soit aujourd’hui à ses heures de perte d’identité ? Voyage au cÅ“ur d’un phénomène social de démythification du ministre.
Lendemain de la constitution du premier gouvernement du Dr Boni Yayi après son investiture du 06 avril 2006. Au carrefour de voies urbaines de Cotonou, un ministre descendît de son véhicule pour réguler la circulation routière en proie à l’embouteillage. Au-delà de toutes les limites légales et sécuritaires qu’on peut reprocher à l’acte, ce fut une attitude insolite dans  l’entendement populaire. Ce fut un plat de résistance dans l’actualité nationale pour une bonne semaine. En cet instant, l’on était à mille lieux de penser que le ministre de la sécurité Edgar Alia sonnait le glas du « mythe ministériel » en République du Bénin.

LA OU VA LA TETE €¦
Au premier conseil des ministres du premier  gouvernement du Dr Boni Yayi, la Presse découvrira après 15 ans de démocratie et à travers elle, tout le peuple, le « Couvent » sacro-saint où le sort de toute une Nation se celait. Le Chef de l’Etat venait d’ouvrir la porte de la salle du conseil des ministres à la presse. La salle dorée aux trônes veloutés posés sur un sol en tapisserie d’orient s’est révélée ce jour-là comme une banale pièce de travail  d’un modeste homme d’affaire national. Sine die, le « ministre » a cessé d’être au Bénin ce qu’il était il y a seulement quelques jours. Néanmoins l’on ne pouvait pas s’en rendre compte sur le champ.
Le coup d’estocade sera porté par le Président de la République lui-même à travers son option de désacraliser ses propres fonctions.
Aux lendemains de son installation à la Marina, le Chef de l’Etat Boni Yayi a rejeté l’irrésistible offre de résidence présidentielle lotie en zone résidentielle. Il lui a préféré son ancien domicile en milieu populaire au cÅ“ur de la ville où au détour d’un petit matin, il pouvait rendre visite aux habitants de son quartier.
Par ailleurs, face à l’urgence que représentait la renaissance de la filière coton dans son plan d’action, l’homme s’était lancé dans une campagne de sensibilisation et de motivation des producteurs qui l’ont purement substitué au ministre de l’agriculture. Le petit paysan de Bowé, village perdu dans la commune de Djidja, a pris le goût de serrer la main au Chef de l’Etat dans son champ et de lui présenter de vive voix ses difficultés au moment où l’épaisseur de la garde sécuritaire qui accompagne le Chef de l’Etat laissait à peine entrevoir la silhouette du ministre.
Les populations des villes de Cotonou et de Porto Novo en proie à une série d’inondations ont pu savourer ce privilège de proximité avec un Chef d’Etat dans l’eau bottes aux pieds déclassant ses ministres.
La mise en branle du plan Marshall pour l’éducation a été également assez illustrative du bouleversement qui est en vigueur au Bénin par rapport à la hiérarchie sociale des dirigeant de la République. Il y a quelques semaines, une Directrice d’école primaire de Cotonou aux abois face au flux incontenable d’inscription à la rentrée scolaire rlait devant le micro d’une chaîne de télévision : « j’appelle le Chef de l’Etat Boni Yayi à descendre dans mon école pour voir ce qui s’y passe. Il faut qu’il nous sauve ». Ce cris qui a été perçu dans l’entendement comme simplement celui d’un responsable en détresse est tout de même assez illustratif de l’évolution de la marche vers la suppression des hiérarchies intermédiaires entre le peuple et son Chef.  La même Directrice ramenée trois ans en arrière sous le régime de Mathieu Kérékou, se contentera de lancer un appel non au ministre de tutelle mais à un Directeur départemental de l’Enseignement primaire.

MINISTRES DESÅ’UVRES €¦ FONCTION EN DECHEANCE
Le Chef de l’Etat, Chef du gouvernement le Dr Boni Yayi a pris tout l’espace. Il est à l’inauguration, au contrôle, au suivi, dans l’eau, dans les champs et même dans l’air€¦ Les ministres devront se contenter des constats d’accidents de circulation, des funérailles, des invites d’ONG fantoches ou de cérémonials des couleurs nationales €¦Et même aux cérémonies  d’inhumation, la population a commencé par se montrer indifférente à la présence d’un ministre de la République pour s’intéresser à l’absence du Premier magistrat. Un parent d’un citoyen victime de bavures policières émanant de la  garde présidentielle avouait à la délégation ministérielle composée de deux membres influents du gouvernement, son regret de ne pas voir le Chef de l’Etat. C’est un aveu bien symptomatique de la décrépitude d’une fonction à ses heures d’hibernation.
Et c’est un phénomène socio politique qui ne manque pas de graves conséquences sur la gestion d’un Etat où la première autorité ne devrait être que le cours d’eau dont la puissance n’est que le reflet de la force de ses affluents.

QUAND LES AFFLUENTS SE DESSECHENT€¦
Indubitablement, la démythification de la fonction ministérielle avec son corollaire d’amenuisement de l’autorité du ministre a des suites sur l’autorité de l’Etat que le Chef de l’Etat s’est pourtant engagé à restaurer. La menace d’un statisme paralysant dans les instances de décision étatiques autre que la présidence de la république est évidente. Plus aucun Chef service, aucun Directeur et aucun ministre ne peut valablement décider aux yeux du Peuple si celui-ci n’a pas l’acte de confirmation du Chef du Gouvernement. Et dès lors que le bas de la hiérarchie administrative ou sociale ne voit l’autorité qu’au grand sommet, banalisant du coup toutes les autres marches de l’escalier, un jour l’autorité cherchera en vain une incarnation quand son seul et unique abri en arrivera comme tout être humain, à affirmer son incapacité à être seul sur tous les fronts à la fois. 

Médard GANDONOU

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